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Pour conclure un projet viable et s'assurer d'une relation saine avec son prestataire : analyse d'expériences et revue des erreurs à éviter. Enquête.
Tout projet d'infogérance a une valeur stratégique. Externaliser ne signifie pas se désintéresser de son informatique. La première clé de la réussite d'un tel projet est qu'il réponde à une problématique d'entreprise émanant de la
direction. Là, pas de décision unilatérale de la DSI, même si elle peut se trouver à l'origine de la nouvelle orientation.La direction générale doit prendre sa part de responsabilités. ' Il faut bien connaître son parc, ses dépenses et les niveaux de services afférents pour savoir exactement ce que l'on transfère, et à quel
coût ', soulève Xavier Rambaud, DSI du groupe chimique Rhodia. Car un contrat d'infogérance ne remplira son office que si le périmètre à externaliser a été parfaitement balisé avant le choix d'un prestataire.' Le prestataire doit faire la preuve d'une totale transparence quant aux moyens employés pour parvenir aux économies et au niveau de service annoncés ', soutient Pierre Gressier, DSI de
Canal Plus. Grâce à cette transparence, une relation de confiance pourra se nouer entre les parties, afin de dépasser le stade de la simple relation contractuelle.
Soutenir le développement, industrialiser, rationaliser...
Exemple de choix stratégique, Rhodia a décidé de professionnaliser l'informatique en industrialisant les processus. ' En raison de nombreuses cessions réalisées par le groupe, explique le DSI Xavier
Rambaud, nous n'avions plus la taille critique dans certains pays pour assurer ce service en interne, nous avons donc opté pour l'externalisation. 'Chez Rexel France, c'est un impératif de rationalisation qui a emporté la décision. ' Nous avions 35 réseaux de vente pour autant de système d'information, explique Dominique Bissey, DSI du
distributeur de matériel électrique. Nous avons tout sous-traité pour rationaliser et uniformiser : infrastructure, applications métier ?" vente, logistique, référentiels produits. L'effectif de la DSI est passé de
92 personnes à 18. 'Dans une société de services comme SFR, l'externalisation a eu pour origine la volonté d'améliorer les développements des applications du groupe. ' Fin 1999, nous nous sommes aperçus que nos coûts de
développements explosaient alors que leur qualité diminuait. Nous n'étions pas organisés pour piloter autant de chantiers. Nous avons alors généralisé l'externalisation du développement sous forme de contrats de maintenance applicative. Et accepté
de ralentir fortement en 2001 le rythme des développements. La qualité et les coûts unitaires se sont alors améliorés. Puis, le rythme des développements a pu être relancé de manière très soutenue, avec une maîtrise des coûts et de la
qualité ', raconte Jean-Michel Bradfer, directeur de l'ingénierie des systèmes d'information du groupe.Il semble aller de soi que le passage à l'infogérance n'est pas uniquement un projet technique. Pourtant, selon Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, spécialisé dans les contrats d'infogérance.
' Les directions générales ont encore tendance à confier le projet à la seule DSI. Et si celui-ci est mal défini et rencontre des difficultés, le DSI en porte toute la responsabilité. 'Les perspectives de réduction des coûts stimulent l'imagination des directions. Certains DSI mettent en garde. Ne pas proposer un plan d'infogérance à moyen terme à sa direction, ce serait risquer qu'il soit imposé, et pas toujours
pour les bonnes raisons ou dans de bonnes conditions. Le pouvoir de persuasion d'une DSI auprès de sa direction générale est bien inférieur au pouvoir de lobbying des constructeurs et des SSII.
Définir un périmètre d'infogérance qui garantit le contrôle des activités
Une fois l'objectif du projet arrêté, il reste à définir jusqu'où l'entreprise est prête à externaliser. ' On externalise ce qui n'est pas stratégique, déclare Jean-Claude Bernard, responsable
Strategic IT Sourcing de Schlumberger. Chez nous, l'informatique de gestion ne l'est pas, nous pouvons nous permettre une certaine perte de connaissances techniques. ' Tel n'est pas toujours le cas.Chez Bouygues Telecom, la question s'est posée en 2002. En pleine réorganisation, le groupe cherche à rationaliser son infrastructure, la gestion de ses logiciels métier et les développements des applications.
' Nous voulions garder le contrôle, car nous sommes responsables de la qualité de service vis-à-vis de nos clients. Cet impératif est très fort, nous n'avons pas le droit à l'erreur, explique le DSI du groupe, Yves
Caseau. Nous avons conservé la responsabilité des choix technologiques de notre infrastructure et celle de la conception logicielle. Et nous réalisons en interne la qualification du code sur les projets de développements et leur mise en
production. Pourtant, nous externalisons 90 % de nos développements logiciels. 'Les objectifs et les contours du projet fixés débute le principal travail de la DSI : la définition du périmètre à externaliser. Selon Marc d'Haultfoeuille : ' Le client doit pouvoir donner une vision
exacte de l'existant au prestataire. Cela peut paraître évident, mais beaucoup d'échecs découlent d'une mauvaise définition du périmètre à infogérer ou d'une mauvaise expression des besoins réels à court, moyen et long terme. Cela entraîne des
dépassements budgétaires ou des retards de mise en ?"uvre. 'Canal Plus en a fait l'amère expérience fin 2003, après avoir externalisé chez Atos Origin sa production informatique, la gestion de ses réseaux de télécommunication et applications métier. ' Beaucoup de travaux
que nous avons dû effectuer étaient hors contrat, témoigne Pierre Gressier. Nous avions pris en compte les coûts récurrents, pas l'évolution des systèmes d'information. Les coûts ont explosé. '
Transparence du prestataire, rigueur du donneur d'ordres
Pour choisir un prestataire, Pierre Gressier exige désormais la transparence. ' Si le service coûte 100 au client et que le prestataire le facture 95, il faut qu'il lui coûte 70. Il doit donc réaliser 30 %
d'économies par rapport au client sur les coûts récurrents, et ce n'est pas toujours simple. Le client doit savoir comment ces économies sont effectuées. C'est possible sur les grands systèmes, moins évident sur la bureautique, ou sur les serveurs
spécialisés lorsque les équipes sont elles aussi spécialisées. Alors, soit on réduit la qualité de service, soit on se retrouve avec des prix au-dessus du marché en fin de contrat. 'Transparence du prestataire et rigueur du client sont indispensables pour définir correctement le périmètre d'externalisation et les unités d'?"uvre associées qui serviront à la facturation. Et mieux vaut ne pas se tromper, car une
fois figées dans le contrat, celles-ci feront office d'étalon. ' 70 % de l'effort de l'infogéreur porte sur la définition des unités d'?"uvre. Il faut prendre le temps qu'il faut pour les
définir ', conseille Yves Caseau. Sinon, gare aux surcoûts ! Pierre Gressier, arrivé chez Canal Plus fin 2004 pour remettre à plat les contrats signés avec Atos Origin en 2003 en témoigne :
' A la signature du contrat concernant la bureautique, la seule unité d'?"uvre définie était le coût global par PC, mais il n'intégrait pas les coûts liés aux infrastructures ou à la gestion
d'applications. 'Et à chaque litige, la question se pose : qui doit assumer la responsabilité ? Plutôt que de se renvoyer la patate chaude, clients et prestataires ont renforcé les contrats. ' A la fin des
années 90, les conditions standards faisaient entre 30 et 40 pages. Aujourd'hui, avec les annexes, notre contrat cadre fait près de 150 pages, révèle Jean-Claude Bernard. Il définit mieux les responsabilités et
intègre plus de clauses d'encadrement, comme la propriété intellectuelle, la gestion des personnes, les garanties financières... Cela simplifie le fonctionnement. '
Bâtir des contrats gagnant-gagnant qui préservent des conflits d'intérêts
Mais pour dépasser la relation client-prestataire et édifier une véritable relation de partenariat, il faut savoir intéresser les deux parties à la réussite du projet. Chez Bouygues Telecom, les contrats prévoient des clauses de
pénalité, mais aussi de gains partagés. ' Lorsqu'un projet inclut un objectif de gain de productivité, et que le résultat dépasse la demande, nous partageons les gains avec le prestataire ', explique
Yves Caseau.Et gare aux conflits d'intérêts. ' Notre contrat infrastructure prévoyait une rémunération de l'infogéreur liée au nombre de serveurs. Son intérêt était qu'ils soient le plus nombreux possible, alors que le
nôtre était plutôt de rationaliser au maximum ', rapporte Pierre Gressier.Tout n'est pas contractualisable, en premier lieu la qualité des relations humaines. ' La notion d'affinité entre les équipes a lourdement pesé sur le choix du prestataire qui s'occupe désormais de notre
pupitrage (gestion de l'exploitation) et de la maintenance technique de notre infrastructure ', évoque Yves Caseau.Faire jouer systématiquement les pénalités n'est pas forcément le bon réflexe, ne serait-ce que pour pouvoir plus facilement renégocier. Pour Jean-Claude Barrier, DSI de Bombardier Transport, ' c'est la qualité
des relations humaines qui permet la bonne marche du contrat. ' C'est aussi la conclusion d'une étude éditée par Unilog sur l'infogérance, parue en avril dernier, où l'on découvre que la confiance
' représente un élément de différenciation pour 84 % des 200 entreprises interrogées '.Mais attention, comme le rappelle Pierre Gressier, ' Le contrat est la Bible des équipes d'exploitation. Il faut se méfier des discours du type " ne vous inquiétez pas, on se
débrouillera " des équipes projets. ' A chaque DSI de définir sa ligne de conduite.