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L'agriculteur consomme l'informatique à fortes doses. Ce chef d'entreprise en use pour gérer son exploitation au quotidien, déclarer ses surfaces cultivées ou ses troupeaux dans le cadre de l'Union européenne, répondre aux sollicitations du ministère. Et réagir en urgence en situation de crise.
Rien de tel, hélas, qu'une crise sanitaire pour doper la fréquentation des sites internet du ministère de l'Agriculture. Pour le seul mois de février 2006, les connexions à la rubrique consacrée à la grippe aviaire ont progressé de 26 %. Et le site spécifique (www.grippeaviaire.gouv.fr) élaboré par les ministères de la Santé et de l'Agriculture est devenu la référence documentaire dès son ouverture en décembre 2005. Mais au-delà de ces phénomènes, heureusement exceptionnels, la complexité croissante de la gestion d'une exploitation agricole explique aisément le recours massif aux technologies de l'information.En 1996, moins de 20 % des agriculteurs disposaient d'un ordinateur, ils étaient près de 63 % en 2004, selon les derniers chiffres de l'Insee. Pour les connexions, ils devançaient déjà en 2004 les artisans : 50,1 % contre 41,2 %. Et l'audience continue de grimper au fur et à mesure que la couverture de l'Hexagone en haut débit s'améliore. Ces réalités mettent à mal l'image d'Epinal du paysan rétif à la nouveauté. Les exigences de qualité de fabrication des produits agroalimentaires et d'une traçabilité toujours plus fine de la chaîne agricole renforcent toujours davantage cette relation. ' De la fourche à la fourchette ', les processus sanitaires doivent être exempts de tout risque.Les services publics en ligne viennent faciliter les nombreuses démarches de l'exploitant agricole. Sur le site www.telepac.agriculture.gouv.fr, les agriculteurs effectuent directement, dans le courant du mois d'avril, leur déclaration annuelle de surfaces, en mentionnant précisément la taille et la localisation de leurs parcelles, ainsi que les types de cultures. Ces déclarations leur ouvrent un droit à des subventions dans le cadre de l'Union européenne. De même, les formulaires administratifs sont pour la plupart téléchargeables sur le site ministériel. La mission de la politique internet, une petite équipe placée au sein de la délégation à l'information du ministère de l'Agriculture, coordonne l'ensemble de ces dispositifs.L'Administration utilise en outre la Toile pour procéder à des consultations publiques dans le cadre de programmes européens ou nationaux. N'importe quel internaute est alors libre de répondre aux questionnaires mis en ligne. A la fin février 2006, un site a même été ouvert afin de demander aux agriculteurs de formuler des idées à même, justement, de simplifier les différentes démarches administratives auxquelles ils sont soumis. Il est encore trop tôt pour disposer d'une synthèse des informations adressées par ce canal à la direction du ministère. D'autant que le poste de responsable de la mission internet, vacant depuis l'automne, demeure sans titulaire à ce jour.
Un maillon essentiel du cordon de veille sanitaire
Si le fait de pouvoir réaliser à distance de nombreuses démarches administratives représente assurément un gain de temps appréciable, c'est d'autant plus vrai quand il y a urgence. ' Des infections comme celle dite de la vache folle (ESB), de la tremblante du mouton ou la fièvre catarrhale ovine (maladie de la langue bleue) exigent des réponses sanitaires rapides ', déclare Benoît James, en charge du site internet de la Société des agriculteurs de France, un organe de réflexion sur l'avenir du secteur. Désormais, les agriculteurs trouvent sur le site de leur ministère des fiches détaillées décrivant les premiers symptômes, et ceux qui doivent apparaître les jours suivants, des éléments épidémiologiques ainsi que les mesures à prendre pour isoler le troupeau. Avec notamment un plan d'intervention pour prévenir toute dispersion du virus, et les coordonnées des services vétérinaires à contacter immédiatement.A l'échelon local, et également pour des pathologies de moindre importance, le soutien de l'informatique se révèle précieux. C'est le cas par exemple dans le Cher, où le groupement de défense sanitaire départemental a élaboré avec son homologue des Côtes d'Armor un logiciel qui modélise l'infestation des bovins par le strongle digestif (une sorte de ver solitaire de la vache). ' Parasit'info est un outil d'aide à la décision pour utiliser de la manière la plus pertinente possible les anti-parasitaires, explique Rémy Vermesse, vétérinaire et directeur adjoint du groupement. Outre le suivi médical des animaux, il rend possible une consommation ajustée des différents traitements. ' En l'occurrence, le groupement breton avait mis au point ce logiciel pour le suivi des exploitations laitières avec l'aide d'universitaires nantais. Il équipe désormais quelque huit cents éleveurs dans le département des Côtes d'Armor. Dans le Cher, il a été aménagé pour les élevages en mode allaitant.L'application devrait pouvoir être étendue au traitement d'autres parasites. Comment cela fonctionne-t-il ? Tout d'abord, Il faut collecter une série de données relatives à l'âge des animaux, au type de leur pâture, à la durée de leur séjour dans les prés. Ainsi que des éléments de météorologie et de pluviométrie. Ces informations, une fois modélisées, servent à évaluer le risque que les bovins soient infestés. ' Après l'avoir testée à partir du printemps 2005 auprès de 27 éleveurs volontaires, nous suivons actuellement 50 élevages, précise Rémy Vermesse. Ils utilisent un assistant personnel qu'ils alimentent en informations au fur et à mesure qu'ils parcourent leurs parcelles. 'Pour l'instant gratuit, ce service devrait à terme être proposé sous forme de licence. Pour ce faire, les groupements de défense sanitaire des quatre départements bretons et celui du Cher ont créé une société commerciale. Prochaine innovation : la possibilité, envisagée à partir du printemps 2007, d'exploiter ce logiciel en se connectant à internet.
Des pratiques métier de plus en plus précises
Loin de se limiter aux questions de santé animale, les technologies de l'information accompagnent au quotidien les agriculteurs dans la gestion de leur exploitation. Qu'il s'agisse de logiciels pour assurer le suivi des saillies, des mises bas et des sevrages des porcs, ou de fournir à des producteurs de viandes de boucherie des outils informatiques leur permettant d'optimiser les rations, l'imagination des éditeurs de logiciels semble sans limites. Ainsi, en véritable patron de PME, l'agriculteur peut disposer d'une batterie d'indicateurs chiffrés : une comparaison des coûts de la nourriture servie à son troupeau, une vérification des rations à l'aide d'un bilan métabolique, un comparatif des performances de son exploitation sur plusieurs années... De même pour les cultures. En quelques clics, on peut tracer le plan de la ferme, et établir un historique de ce qui est planté et des moyens de fertilisation employés. Les programmes d'épandage du fumier ou de dispersion d'engraisse traduisent sous forme de tableaux ou de graphiques. Pour leur éviter de jouer le docteur cocktails un peu détonants, le site www.observatoire-pesticides.gouv.fr, ouvert au printemps dernier, tente d'éclairer les agriculteurs sur les effets des produits disponibles sur le marché. Avec des informations relatives à leur impact sur l'environnement.L'étape suivante est naturellement la combinaison des technologies, telles la géolocalisation par satellite et la micro-informatique. Lors de l'édition 2006 du salon de l'agriculture, l'entreprise Bayo, spécialisée depuis 1991 dans la distribution de systèmes GPS, a présenté des logiciels de cartographie qui simplifient la programmation des tournées récoltes. Réalisées avec l'Institut géographique national (IGN), elles permettent notamment de calculer la superficie des parcelles.
Une image rajeunie par la technologie
C'est tout naturellement que le Centre national d'études spatiales (Cnes) s'est installé, le temps du salon de l'Agriculture, sur le stand du Centre d'études et de documentation du sucre (Cedus), pour expliquer comment les satellites étaient mis à contribution pour parvenir à des estimations rapides des superficies et des récoltes potentielles de betteraves en Europe. De même, il n'est plus rare de voir des constructeurs informatiques proposer des portables qui trouvent leur place à bord des cabines de tracteurs.Sans céder à une admiration béate pour ces outils, ceux-ci doivent néanmoins servir à promouvoir une agriculture saine et performante. Pour que la qualité des produits servis dans nos assiettes soit irréprochable. Ils changent déjà l'image du secteur, en contribuant à ce que les métiers de l'agriculture soient perçus comme des métiers d'avenir par les jeunes générations.