Télécoms : l'Arcep recadre les opérateurs

Jean-Ludovic Silicani, président de l'Arcep, était auditionné ce 11 juillet par la Commission des affaires économiques. Il s'est exprimé sur les conséquences de l'arrivée de Free Mobile et la récente panne d'Orange.
Depuis son arrivée sur le marché de la téléphonie le 10 janvier dernier, Free Mobile est sous le feu continuel des critiques. Et depuis quelque temps, c’est également le cas de l’Arcep, le régulateur des télécoms en France. Les opérateurs, les syndicats, la presse, les analystes et même les politiques s’en prennent au régulateur, l’accusant tantôt d’avoir libéré la concurrence à outrance, d’avoir mal anticipé l’arrivée du quatrième entrant ou même d’être en partie responsable du chômage dans le secteur.
Après être resté silencieux pendant un long moment, Jean-Ludovic Silicani – le président de l’autorité – est revenu longuement sur toutes ces questions et accusations lors de sa convocation devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Si les critiques de ces derniers jours furent acerbes à l’encontre du régulateur, les réponses apportées par son président le furent tout autant.
Encore et toujours Free Mobile…
A propos des bouleversements liés à l’arrivée de Free, Jean-Ludovic Silicani rappelle d’abord que le prix moyen, que paye un abonné en France, est moins élevé que dans la plupart des pays d’Europe. Concernant le manque à gagner des opérateurs dû à l’abaissement de la facture de l’abonné, il précise que « le chiffre d’affaires des opérateurs avait baissé au premier trimestre de 2,8 %, c’est-à-dire moins que pour toutes les périodes de 2011 ».
Par ailleurs, la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs n’est pas, selon lui, catastrophique : « Il y a un consensus pour le chiffre de six milliards par an d’investissements. Or, le rythme d’investissements pour les trois dernières années s’établit à près de 8 milliards parce que, en plus de l’investissement matériel dans les réseaux, les opérateurs ont acheté pour plus de 5 milliards de fréquences. Et ils n’auront plus à acheter ces fréquences jusqu’à la fin de la décennie.[…] Macro-économiquement, les opérateurs ont une marge de 1,5 milliard par an, ce qu’on peut estimer à peu près correspondre à la baisse du chiffre d’affaires ».
Le président de l’Arcep conçoit, par ailleurs que « la situation est différente pour certaines entreprises ». Et d’ajouter : « Bouygues Telecom est la plus déstabilisée par l'arrivée de Free. […] Les spécialistes du secteur l’avaient prédit bien avant l’arrivée de Free.[…] J'ai eu des échanges complets et courtois avec Martin Bouygues et il m'a toujours dit qu'il voulait un régulateur puissant, notamment pour que des opérateurs alternatifs (autres que France Télécom/Orange, NDLR) puissent se développer ». Peut-être une réponse à Martin Bouygues qui a envoyé hier une lettre à tous les députés et sénateurs pour leur demander expressément que l’accord d’itinérance 3G entre Free et Orange ne soit pas reconduit en 2018, ni élargi à la 4G. Le PDG de Bouygues a-t-il oublié que son infrastructure « fibre » reposait quasi exclusivement sur celle de Numericable ?
Le régulateur réfute les chiffres sur les suppressions d'emploi
Sur la question de l’emploi, Jean-Ludovic Silicani persiste et signe : « j'ai déjà dit que selon les analystes financiers et économiques, les suppressions d'emplois qui pourraient résulter de l'arrivée de Free Mobile peuvent être évaluées entre 5 et 10 000 en chiffre brut ; sachant que Free va créer des emplois et que, donc, le chiffre net sera plus faible ; suppressions de postes ne signifie pas licenciements économiques puisque les opérateurs ont des mouvements natures de départ à la retraite ».
L’Arcep comptabilise 1600 emplois directs supprimés via des départs volontaires et « pour les emplois indirects, cela dépend des stratégies des opérateurs, mais 1 500 [postes] pourraient être touchés (entreprises de services ou centres d'appels) ». Le président de l’autorité souligne « que les effectifs des centres d’appel baissent tendanciellement depuis plusieurs années indépendamment de l’arrivée de Free », rappelant, par ailleurs, que ces sociétés ne sont pas seulement prestataires pour le secteur de la téléphonie mobile, mais aussi pour les banques, les assurances…
On est donc loin des 70 000 suppressions de postes mentionnées par Thierry Breton dans les colonnes du Monde. Enfin, des précisions sont apportées sur les emplois générés par Free : l’opérateur aurait créé ces derniers mois près de 2000 emplois avec deux nouveaux centres d’appel en région parisienne. En conclusion : « le solde est négatif de 1000 emplois ».
Orange peu pressé d'informer l'Arcep
Concernant la panne d’Orange du vendredi 6 juillet, Jean-Ludovic Silicani est très clair : « Nous avons été informés de cet incident par le Web, le président de France Télécom m'a appelé le lendemain pour s'excuser de ne pas m'avoir prévenu ». Comme sur les critiques qui ont fusé à propos de « l’immobilisme de l’Arcep » : « La responsabilité de prévention des risques de défaillance relève du Gouvernement. Il était donc tout à fait légitime qu'il se saisisse de la question. L'opérateur, quant à lui, est tenu d'informer le Gouvernement et de rendre un rapport d'information ». L’Arcep aura par la suite connaissance de ce rapport et prendra les mesures qui s’imposent.
L’Arcep profite donc de cette audition pour recadrer ces détracteurs. C’est également l’occasion de répondre aux critiques formulées dernièrement par Arnaud Montebourg qui estimait que « pour le Gouvernement, la concurrence [devait] trouver sa limite dans la préservation de l'emploi […] l'Arcep [s’intéressant] exclusivement à la concurrence sans limites ». A la suite de cette déclaration cinglante et des annonces de suppression d’emplois chez Bouygues Telecom et SFR, le cabinet de Fleur Pellerin avait averti qu’il allait recevoir les opérateurs et syndicats pour préserver l’emploi dans le secteur. Des auditions actuellement en cours…
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McProbiex
Je pense que c'est plutot la faute de INWI qui elle aussi pratique une politique commercial agressive
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Ratibois
Rappelons nous que les détracteurs de FREE ont été condamnés pour entente illicite sur les prix.
En clair, cela signifie qu'ils ont considéré le consommateur comme une vache à traire ; je doute qu'à cette époque ils aient fait bénéficier leurs salariés de ces marges généreuses.
Merci à FREE pour ce changement dans les pratiques. -
petrus55
Vivendi va supprimer 1500 emplois chez Maroc Télécom, encore la faute à Free Mobile ?
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