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Les économistes tirent la sonnette d'alarme. Les investissements des entreprises françaises dans les TIC ne génèrent que peu de croissance. Aux problèmes structurels s'ajoute un manque d'entreprises moyennes dans le tissu économique français.
Les économistes aiment les indicateurs. Depuis quelques années, ils essaient de prendre la mesure du marché informatique, de son impact sur la croissance et tendent à prouver que l'investissement dans les TIC crée de la richesse. La semaine dernière, l'Andese (Association nationale des docteurs ès sciences économiques et sciences de gestion) a organisé une conférence à la Sorbonne sur l'impact du Web 2.0 sur l'économie et les nouveaux modèles associés. L'occasion de tirer la sonnette d'alarme sur le déficit en innovations et investissements dans les TIC en France. ' Le marché mondial de la dépense informatique représente 4 500 milliards de dollars ?" par comparaison, celui de l'énergie représente 2 000 milliards. La France dépense 135 milliards, ce qui est très moyen ', rappelle Patrice Geoffron, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine. ' Pour ne pas dire que nous sommes en retard, affirme Claude Salzman, consultant informatique. Les investissements ont un impact important sur la croissance. En France, l'impact des TIC ?" qui représentent 13 % de l'investissement global ?" serait de 0,3 % d'augmentation du PIB. Aux États-Unis, 28 % de l'investissement se fait dans les TIC et produit 0,8 % de croissance. ' Plus tranché, Grégoire Postel-Vinay, directeur de l'Observatoire des stratégies industrielles au Minefi, rend le sous-investissement dans les TIC responsable ' d'une perte de 1,5 à 2,5 % du PIB '. Et en ne prenant en compte que la valeur matérielle dans les investissements. Pour Christophe Legrenzi, PDG d'Acadys, ' si on intégrait le temps passé à utiliser les outils, cela représenterait de 10 à 50 % du budget de fonctionnement de l'entreprise dans le tertiaire. Donc, le budget du SI est le premier poste de dépense de l'entreprise. ' Les causes du déficit, multiples, touchent aux structures économiques et étatiques de la France.Premiers concernés, les dirigeants. ' Les futurs managers sont très formatés. Ils sont excellents pour effectuer du reporting et de la gestion sur le mode anglo-saxon. Mais il y a un écart entre ce type de management et l'apprentissage de l'usage du SI pour prendre des décisions ', constate Jacques Delplancq, délégué du président d'IBM France. ' En France, dans les grandes écoles, l'informatique est souvent une option ', renchérit Alexandre Zapolsky, PDG de Linagora. L'initiateur du passeport numérique, Olivier Midière, estime que ' il y a un énorme problème culturel. Beaucoup de patrons de PME ont dépassé la cinquantaine et, souvent, ils ne voient pas l'intérêt de l'informatique. 600 000 TPE n'ont pas d'informatique, 800 000 en ont une, vieille de trois ans, 1 million ne sont pas connectées à Internet ! Heureusement, les nouvelles générations sont sensibilisées à l'intérêt de l'informatique pour créer de la valeur '.
' L'État a un rôle à jouer '
À ces freins culturels, se joint un manque de suivi de l'État. ' Le forum économique mondial a classé le Danemark premier en termes d'utilisation des TIC. La France est 23e. Par exemple, sur le dossier du RGI [référentiel général d'interopérabilité, Ndlr], le Danemark s'est prononcé en 2001, chez nous, ce sera en 2008. L'État a un rôle à jouer ', pense Alexandre Zapolsky.En toute logique, devant ces manques, l'innovation marque le pas. Comme le rappelle Patrick Geoffron, ' la R&D ne représente que 0,35 % du PIB de la France, alors que la Finlande est à 4 % '. Symptomatique de cette faiblesse, l'investissement en R&D des cent premiers éditeurs européens ne dépasse pas 2,7 milliards de dollars, contre 5,3 milliards pour le seul Microsoft. En réponse, l'État met en avant les pôles de compétitivité composés à 80 % de PME et qui représentent 34 % de ses investissements dans les TIC. Reste que, ' en France, entre les grands comptes et les entreprises de plus de 250 salariés, il y a un vide, deux fois moins d'entreprises de taille moyenne qu'en Allemagne ', soulève Alexandre Zapolsky. ' Un vrai souci pour la France, confirme Grégoire Postel-Vinay. Il y a aussi un défaut d'incubateurs. ' Des propos confirmés par Sacha Wunsch-Vincent, économiste à l'OCDE, qui déplore la frilosité des business angels français. ' La faiblesse de l'investissement est aussi celle des grandes SSII qui s'extraient du débat public et déportent la flexibilité vers des sous-traitants à l'étranger. In fine, la variable de la flexibilité est l'informaticien. Ce n'est pas en France un métier qui fait rêver, alors qu'aux États-Unis ou en Inde, un informaticien a un niveau de vie élevé et est fier de son métier ', explique Alexandre Zapolsky. ' Aux États-Unis, un DSI est souvent vice-président, il participe aux décisions stratégiques. En France, il est transversal, au même niveau que le directeur des achats, dans le second ou troisième cercle. Ce qui en dit long sur l'approche de l'informatique par les dirigeants ', résume Claude Salzman. Sur les contre-mesures, la liste avancée par nos interlocuteurs est longue. La plus unanime est la mise en place d'un ' Small Business Act ', un niveau de commande garanti par l'État auprès des PME. L'évolution du Web 2.0 et le changement de modèle sont aussi ' l'occasion de remettre les compteurs à zéro '.
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