Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
La technologie de réseaux CPL (courants porteurs en ligne) ne répond pas aux espoirs des industriels. Elle se cantonne au déploiement de réseaux locaux grand public. Des applications en entreprise restent néanmoins
envisageables.
Internet boude le CPL. Il y a encore deux ans, cette technologie des courants porteurs en ligne semblait pourtant vouée à un bel avenir. Le principe est simple : les données du réseau circulent jusqu'aux bâtiments à partir d'une
station de transformation en empruntant le réseau électrique basse tension. Des équipements CPL sont installés sur ce transformateur, et des modems les ont chez les clients. Ce concept promettait de venir piétiner les plates-bandes de l'ADSL
(Asymetric Digital Synchronous Line) pour l'accès à internet. Les grands électriciens européens envisageaient tous de devenir opérateurs télécoms. Puis ont soudain fait volte-face. Selon Philippe le Grand, président du syndicat mixte Manche
Numérique, le marché européen a cessé d'y croire par manque de projets de taille sérieuse. Or, pour s'imposer, cette technologie devait conjuguer un marché de masse, qui aurait contribué à abaisser les prix des équipements ; une
industrialisation des déploiements avec les électriciens, EDF en tête ; et un nombre significatif d'opérateurs de services portant un véritable intérêt à ce marché. A cela s'est ajoutée la baisse persistante des prix de l'ADSL. Tandis que les
constructeurs se sont enfermés dans des univers propriétaires, pas toujours interopérables. Certains industriels pariant sur les basse et moyenne tensions, d'autres se focalisant sur la seule basse tension. Du coup, aujourd'hui, les projets de
déploiements dits outdoor se font rares. Mais le CPL n'est pas mort pour autant. En réseau local, la technologie dite indoor ou domotique fait même doucement son chemin, comme à Rungis.
À Rungis, le CPL reste à l'étage
La Semmaris, société gestionnaire du marché international (MIN) de Rungis, a ainsi déployé du courant porteur en ligne dans les sept bâtiments hébergeant plusieurs sociétés de la partie administrative du marché.
' Nous avons privilégié le CPL parce que nous voulions maîtriser notre architecture et nos coûts, explique Jérôme Zois, en charge de l'informatique à la Semmaris. La paire de cuivre qui autorise
l'installation d'un concentrateur DSLAM au pied de chaque bâtiment, appartient, en effet, à France Télécom. Le CPL nous a en outre évité de devoir câbler tous les bureaux. ' Pour la mise en ?"uvre, le choix s'est porté sur
l'opérateur Hub Télécom (filiale de Aéroports de Paris). Pour sa réactivité et, surtout, pour son premier pilote, mené avec la ville de Rosny-sous-Bois. ' Au départ, les flux n'étaient pas complètement stables en raison
d'interférences. Mais ce problème particulier a vite été réglé. ' De trois à quatre mois auront quand même été nécessaires pour stabiliser l'ensemble des équipements, et rendre le système opérationnel. La société Alouette
Partenaire a bénéficié de ses services. Elle a choisi le CPL pour répondre à ses besoins en matière de téléphonie. S'affranchissant du même coup de France Télécom, elle reconnaît obtenir un très bon service pour bien moins cher. L'entreprise
envisage d'ailleurs de basculer son accès à internet sur CPL lorsque son engagement auprès d'Orange sera arrivé à terme.De quoi réjouir l'opérateur Hub Télécom, qui a joué la carte de la proximité en ouvrant une boutique sur le site de Rungis. Au mois de janvier dernier, il reconnaissait avoir installé 68 lignes téléphoniques, ainsi que 21 accès à
internet (10 Mbit/s symétriques garantis) sur le MIN de Rungis (voir schéma). La mise en ?"uvre s'avère d'une simplicité remarquable. A chaque étage, deux équipements maîtres (master CPE) sont installés. Puis, les modems
CPE placés chez le client sont connectés à ces équipements via le courant basse tension. Le master CPE est enfin relié à un commutateur traditionnel et la distribution verticale s'effectue, jusqu'au réseau de fibre optique, via un câble Ethernet
traditionnel.
Une collectivité locale convaincue, puis déçue
Les projets outdoor, quant à eux, relatent une histoire bien différente. Le département de la Manche souhaitait couvrir son territoire en haut débit avant la fin de 2006. Il lance donc, dès 2003, une expérimentation dans la commune de
La Haye-du-Puits, où il équipe quatre transformateurs. La collecte du trafic à partir de ces transformateurs s'effectue d'abord par satellite, puis via une liaison SDSL. ' Ce n'est pas la fiabilité de la technologie qui a posé
un problème. C'est l'implication des acteurs ?" opérateurs télécoms et électriques ?" qui a rapidement fait défaut ', regrette cependant Philippe le Grand, président du syndicat mixte Manche Numérique. Le
responsable avoue avoir été surpris par la décision d'EDF de ne pas s'engager massivement dans le CPL, alors qu'en fin 2004 tous les indicateurs semblaient au vert. Une décision d'autant plus étonnante qu'EDF menait, depuis plusieurs années, de
nombreuses expérimentations dans divers pays. Joint par nos soins, l'électricien n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet. Pour Philippe le Grand, ' une délégation de service public (DSP) de grande ampleur s'imposait, avec
l'implication de grands acteurs. Mais EDF a dû être contraint de renoncer à marcher sur les plates-bandes de France Télécom '.A La Haye-du-Puits, le projet a coûté la bagatelle de 100 000 euros et concerné une vingtaine de clients. Malgré ce demi-succès, Philippe le Grand ne veut pas enterrer trop tôt la technologie : ' Le
marché du CPL indoor ne se porte pas trop mal. Et un projet outdoor d'envergure, mené à son terme, pourrait lui donner un nouveau souffle '. Bruno Salgues, enseignant-chercheur à l'INT (Institut national des
télécommunications), n'est pas surpris. Selon lui, le CPL dans sa version outdoor ne fonctionne pas correctement, et s'avère très polluant pour les ondes courtes. En attendant, la Manche s'est retrouvée couverte par le haut débit à l'heure
dite... mais en Wi-Fi.Le projet du Sipperec (Syndicat inter-communal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication) est assurément le plus important aujourd'hui dans le domaine du CPL. Mais c'est aussi celui qui a le moins de
chance d'aboutir. Le Sipperec a octroyé, il y a un an, une délégation de service public (DSP) à la petite société ardéchoise Mecelec Télécoms pour couvrir 1,5 million de foyers répartis dans les villes de la petite ceinture parisienne. Un projet
pharaonique. Le délégataire doit raccorder un total de 7 714 postes de transformation et 130 000 immeubles en 63 mois au maximum. Le montant total des investissements s'élève à 156 millions d'euros, dont 90 millions en premier
établissement (première phase de déploiement. Et cela sans aucun financement des collectivités locales !
L'Île-de-France, dernier espoir ou chronique d'un flasco annoncé ?
Néanmoins, cette volonté d'installer une technologie inférieure à l'ADSL en termes de qualité et de débit, dans une zone très bien desservie par les opérateurs de triple play est étonnante. Selon Bruno Salgues, ce projet a peu de
chances d'aboutir, car ' la technique n'est pas au rendez-vous '. Le Sipperec rétorque que le CPL apportera des services ?" téléphoniques, notamment ?" à un plus faible coût, et un accès à
internet moins cher. Pour financer ce déploiement, Mecelec a opté pour un appel à souscription auprès des opérateurs de services. S'ils se déclarent intéressés, ils sont invités à s'impliquer sur le plan financier. ' Nous leur
demandons de s'engager pour un minimum de 45 000 accès au prix de 50 euros par accès. Soit un investissement initial d'environ 2 millions d'euros ', explique Bruno Estienne, PDG de Mecelec. La moitié de cette somme doit
être versée durant la première phase de déploiement, et le reste lors des phases suivantes.Seulement voilà. Un an après l'octroi de la DSP, aucun déploiement n'a encore été effectué. Pire, la période de souscription a été purement et simplement annulée. Mecelec n'ayant apprécié que modérément le lancement, en janvier, d'une
DSP fibre optique sur la même zone. Si le projet aboutit finalement, l'Ile-de-France deviendra sans doute la région du monde qui concentre le plus de technologies de haut débit au mètre carré, additionnant pêle-mêle ADSL, Wimax, fibre jusqu'à
l'abonné, HSDPA dans le mobile, et, enfin, le courant porteur en ligne. En revanche, si le projet tombe aux oubliettes, il y a fort à parier que l'on assistera à la fin du rêve de l'accès à internet sur le courant électrique.
Votre opinion