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Grands écrans multitouch et nouvelles interfaces…, l'automobile, connectée à internet et dotée d'applications informatiques de plus en plus évoluées, devient un véritable ordinateur sur roues. Jusqu'à circuler sans intervention humaine ?
Faut-il désormais choisir sa voiture comme on choisit son smartphone ? C'est-à-dire en fonction de la taille de son écran, de la qualité de l'interface, du portfolio applicatif ou de ses débits internet ? De plus en plus, si l'on en juge par l'évolution des offres automobiles. Même si les constructeurs communiquent beaucoup autour de la propulsion électrique ou hybride, hausse du prix du pétrole oblige, la plus grande révolution du secteur est avant tout numérique. De fait, l'informatique envahit à grande vitesse les habitacles, via les systèmes d'“ infotainment ”.
Un écran tactile de 17 pouces
L'apparition d'autoradios MP3 et d'écrans avec lecteurs de DVD pour les passagers, voici quelques années, n'était qu'une première étape, et la taille des écrans embarqués s'accroît rapidement. Aux Etats-Unis, les modèles 2013 sont équipés d'écran dépassant les 8 pouces, contre 6 pouces en moyenne pour la génération précédente. Le record est déjà détenu par la Tesla Model S avec un écran tactile de… 17 pouces disposé verticalement. Apparus pour la navigation GPS, ces écrans ont rapidement été utilisés pour piloter les systèmes du véhicule : climatisation, caméras de recul ou gestion de l'énergie pour les modèles hybrides et électriques. Désormais, ils se transforment en véritables environnements d'exécution d'applications. BMW a, le premier, il y a quelques années, proposé aux possesseurs de Mini un accès aux réseaux sociaux. Puis, l'idée a été adoptée par de nombreux autres constructeurs. Renault est sans doute allé le plus loin en développant sa propre tablette tactile Android, la R-link. Pour Pierre-François Le Faou, chef de projet infotainment à la direction des projets transversaux à la gamme de Renault, ce programme n'a rien d'un gadget. “ Aujourd'hui, notre système de navigation Carminat Tom Tom équipe la plupart de nos modèles. R-link, c'est le successeur naturel. Ce dispositif est bien intégré à la voiture, avec toutes les contraintes de température, de vibration, de résistance à la poussière, ce qui n'est pas le cas d'un smartphone ou d'une tablette. La grande nouveauté par rapport au procédé actuel et à la concurrence, c'est que, pour la première fois, il s'agit d'un système ouvert, basé sur Android, un Android un peu modifié par nos soins. Mais nous aurons un SDK (kit de développement - NDLR) pour les développeurs. Nous sommes vraiment demandeurs auprès de ceux-ci et des start up pour faire venir à nous les bonnes idées, des bonnes applications afin de faire vivre le système et de le rendre aussi attractif que possible. ”Client Twitter, client e-mail, application de news avec le journal Metro, application d'échange de places de stationnement Apila, la R-link va accueillir des applications tierces et, donc, enrichir l'expérience utilisateurs. Autant d'arguments qui devraient pousser les acheteurs des futurs Renault à souscrire au service auprès du constructeur. L'approche n'est toutefois pas dénuée de risque : le lancement de la voiture électrique Zoé a dû être retardé pour cause d'applications et de tablette pas prêtes, et la nouvelle Clio IV, star du Mondial 2012, n'en disposera que dans quelques mois.En parallèle à cette montée en puissance des systèmes embarqués, l'exploitation des smartphones et tablettes par le véhicule constitue une vraie tendance de fond. Les constructeurs proposent des applications mobiles pouvant interagir avec leurs véhicules. Cadillac est même allé jusqu'à offrir un iPad, avec son application préinstallée, aux acheteurs de sa dernière-née, la Cadillac XTS. Cette voie de recherche est aujourd'hui privilégiée par Valeo, comme le détaille Guillaume Devauchelle, directeur de la R&D du groupe. “ Il y a 3 milliards de smartphones sur la planète et… 1 milliard de voitures. La logique, c'est de ne pas payer à nouveau pour ces terminaux, d'autant que la durée de vie d'une automobile est de quinze ans, et celle du smartphone de quinze mois ! Autant de raisons pour lesquelles nous privilégions les échanges entre voiture et smartphone ou tablette. ” Toyota, quant à lui, s'est allié à Samsung pour développer la Samsung Mobile Car Application et faire des smartphones de la marque le second écran de l'auto.
Le comportement du conducteur publié en ligne
Autre exemple, celui de Fiat qui a lancé eco:Drive Mobile, application d'éco-conduite traçant le comportement du conducteur et la consommation de sa Fiat 500. Celle-ci est ensuite transmise au portail web, les gains en CO2 engendrés par les progrès du conducteur peuvent également être communiqués sur les médias sociaux. Les véhicules électriques, toujours en quête d'une borne de recharge, ainsi que les hybrides aux faibles capacités de stockage d'électricité, sont le terreau idéal pour ce type d'applications.Si les ingénieurs donnent libre cours à leur imagination pour créer les applications les plus diverses dans les voitures ou sur les smartphones, les conducteurs ont, pour leur part, beaucoup de difficultés à les utiliser. L'index de qualité des véhicules, calculé à partir des avis de consommateurs par J.D. Power depuis vingt-cinq ans, et qui voyait le nombre de problèmes détectés dans les voitures neuves décroître depuis plusieurs années, est brutalement remonté en flèche en 2011 : outre les préoccupations somme toute assez classiques de boîte de vitesse automatique, les consommateurs ont, en effet, tiré la sonnette d'alarme sur ces systèmes embarqués qu'ils jugent bien trop complexes, peu intuitifs, voire même bogués. Car si le succès des interfaces multitouch sur les smartphones fait école dans les automobiles, le tactile est loin d'être la panacée pour contrôler un ordinateur de bord lorsqu'on conduit : il implique de lâcher le volant et, surtout, de quitter la route des yeux. Audi, avec son système multimédia MMI (Multi-Media Interface), a rendu tactile la molette de contrôle du système, située au pied du levier de vitesse. Mais beaucoup étudient des interfaces de contrôle bien plus originales.Plusieurs pistes sont testées par les constructeurs : la commande vocale, par exemple, disponible depuis plusieurs années, qui, après quelques difficultés, gagne peu à peu en fiabilité. Stéphane Cesareo, directeur de la communication de Ford France, se souvient des premières tentatives : “ La reconnaissance vocale est apparue sur la Ford Focus en 2004, et il faut reconnaître que le fonctionnement était alors assez laborieux. Depuis, les progrès ont été bluffants. Nous nous appuyons sur les briques Microsoft et Nuance, sur lesquelles nous avons choisi de développer nos propres applications. Avec un dictionnaire riche de 10 000 mots, on peut aisément piloter notre interface Sync au moyen de la voix. ” Plusieurs constructeurs tels que Ford ou BMW se reposent sur les logiciels Nuance, mais Mercedes a, pour sa part, choisi de coupler Siri d'Apple avec son application embarquée Drivestyle.D'autres pistes sont poursuivies en parallèle, dont celle des interfaces gestuelles. L'atout, par rapport au tactile, c'est qu'il n'est plus nécessaire de se pencher vers l'écran pour manipuler les menus. Microsoft, qui a largement popularisé ce type d'interfaces auprès du grand public avec sa Kinect, travaille désormais à intégrer sa technologie dans la prochaine version de Microsoft Connected Car.
Du bluetooth au Wi-Fi embarqué
Avec le succès des mobiles et ordinateurs portables, un nouveau besoin de connectivité est né : celui d'offrir un accès internet à tous les passagers. Audi a été le premier à transformer ses modèles haut de gamme en hotspot Wi-Fi. Sur ses voitures haut de gamme (A6, A7, A8), le constructeur a introduit Audi Connect dès 2011. Le véhicule est équipé d'une carte SIM et d'une antenne 3G. Un accès exploité par les applications de la voiture, par son GPS pour intégrer les données de circulation notamment, mais qui peut aussi être partagé en Wi-Fi. Ce type d'option a toutefois beaucoup perdu de son intérêt, alors que les gens sont de plus en plus équipés de smartphones 3G. Stéphane Cesareo souligne : “ Pour l'heure, nous n'avons pas équipé nos automobiles de hotspot Wi-Fi. La première à l'être sera la Focus électrique, lancée en 2013, puis la Mondéo. Nous avons mené une étude de marché l'an dernier et, si les consommateurs annoncent qu'ils ont effectivement envie de ce type de fonctions, ils ne sont pas forcément prêts à les acheter ! ” Néanmoins, avec la version 2012 de son système Connecteddrive, BMW réintroduit cette notion de partage d'accès… mais en s'appuyant sur la 4G LTE pour fournir du haut débit à tous les occupants du véhicule.Outre le volet entertainment, le numérique progresse au niveau des automatismes. Le concept de voiture automome est sous les feux de la rampe grâce à Google qui fait rouler des voitures robotisées sur quelques routes américaines, mais tous les constructeurs et leurs équipementiers travaillent désormais sur des automatismes de plus en plus ambitieux. Deux approches se heurtent aujourd'hui : celle de l'automatisation du véhicule lorsqu'il roule sur des voies protégées, et celle de l'automatisation de séquences de conduite bien précises. Dans le premier cas, outre la Google Car, BMW teste un contrôle de trajectoire et de vitesse très avancé, permettant à l'auto de rouler seule et en toute sécurité sur une voie rapide d'autoroute. C'est aussi une piste expérimentée par le projet européen Sartre, qui fait rouler sur les routes européennes des pelotons de véhicules à vive allure. La technologie implique toutefois que ceux-ci puissent communiquer les uns avec les autres, une technologie dite V2V (Vehicle to Vehicle). Actuellement expérimentée aux Etats-Unis, celle-ci va demander qu'une large part du parc automobile et de l'infrastructure soit équipée avant de pouvoir être réellement effective.
Le parking automatique, une option qui se répand
Pour Guillaume Devauchelle, la stratégie gagnante est clairement l'automatisation de petites séquences de conduite : “ Nous avons une feuille de route à dix ans, en sachant que nous privilégions cette approche de partir des basses vitesses pour l'augmenter progressivement. Une démarche qui diverge de celle de l'automatisation de la circulation sur autoroute. Milieu plus protégé, exempt de piétons, c'est un cas d'usage différent. Mais, à terme, les deux approches convergeront, sachant que le plus complexe, c'est de circuler à 50 kilomètres/heure en centre-ville… ” Le parking automatique est aujourd'hui une option disponible sur de plus en plus de modèles, et pas seulement haut de gamme. D'autres automatismes se généraliseront dans les années à venir, dont le freinage d'urgence, la conduite en situation d'aveuglement en sortie de tunnel, ou encore l'arrêt et le redémarrage automatisés au feu rouge.Outre les problèmes législatifs que posera l'arrivée de voitures robots sur les routes, il faudra convaincre les conducteurs de céder le volant. Pour faciliter l'acceptation d'un tel changement dans l'approche de la conduite, les ingénieurs ont imaginé coupler le logiciel de navigation à un affichage en réalité augmentée : Luc Barthelémy, chef de projet R&D chez Akka Technologies, société d'ingénierie qui travaille pour les principaux constructeurs automobiles, explique sa démarche : “ Une application de réalité augmentée serait à même de rassurer les passagers vis-à-vis de l'environnement. Les obstacles, par exemple le piéton qui traverse devant le véhicule, sont réincrustés dans la visualisation 3D, de même que la trajectoire de la voiture. Les passagers constateront de visu que celle-ci a bien détecté les obstacles et les évitera. L'idée, c'est de rassurer. ”
La connectivité comme critère de choix du véhicule
Comme beaucoup, l'ingénieur estime que le public est en train de changer de mentalité vis-à-vis de l'automobile : “ Avec la généralisation des contrôles de vitesse, on entre dans une nouvelle ère où on choisira davantage un véhicule sur les capacités de ses équipements numériques, sur sa connectivité. ” Un avis que ne partage pas Julien Charbonnier, directeur d'études chez GMV Conseil. “ La voiture repose toujours sur la notion de plaisir, de passion et ce sont des fondamentaux qui restent vrais. Cette relation passionnelle n'a pas disparu. Pour preuve Citroën, qui a fait du design un axe de reconquête du marché. ” L'auto du futur sera numérique, oui, mais devrait toutefois demeurer un objet de passion.
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