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Après avoir sérieusement bousculé le marché de l'ADSL, Free veut se lancer dans la fibre optique jusqu'à l'abonné (ou FTTH) dès 2007. Un pari audacieux auquel ses concurrents, pris de court, seront obligés de riposter.
En annonçant, à la mi-septembre, un plan d'investissement dans la fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH, Fiber to the home) de 1 milliard d'euros en cinq ans, Free a pris ses concurrents à contre-pied. ' France Télécom n'est pas le seul acteur ayant la légitimité pour investir dans le FTTH ', confiait, elliptique, un membre du collège de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) peu auparavant. Il n'empêche qu'en préemptant ainsi le FTTH Free crée la surprise, même si on a parfois du mal à faire la part de l'audace et celle de l'effet d'annonce. L'audace, c'est d'abord le calendrier, puisque l'opérateur assure que les premiers raccordements parisiens interviendront au cours du premier semestre 2007. Certes, Free ne déploiera de la fibre (fournie par Draka Comteq) que là où sa part de marché dans l'ADSL atteint au minimum 15 % des lignes téléphoniques existantes, et il vise en priorité la migration de ses propres abonnés au FTTH (avec un débit initialement fixé à 50 Mbit/s).
Une totale indépendance vis-à-vis de France Télécom
Audace aussi quant au choix d'une technologique Ethernet point à point (ou P2P) utilisant une fibre dédiée jusqu'à l'abonné, et non une fibre partagée de type PON (Passive optical network), comme c'est le cas pour France Télécom dans le cadre de ses expérimentations en cours. Après avoir considérablement dynamisé le marché français de l'ADSL, Free s'est-il découvert une nouvelle frontière, alors que ce type d'initiative incomberait plutôt aux majors du secteur ? ' Même si elle reste ciblée, c'est effectivement une rupture importante dans notre stratégie, répond Michaël Boukobza, directeur général d'Iliad, la maison mère de Free. Avec la fibre, nous serons totalement indépendant de France Télécom, à qui nous reversons actuellement un tiers de notre chiffre d'affaires, et maîtriserons entièrement notre réseau. De toute manière, le FTTH est inéluctable. ' Côté effet d'annonce, Free assure se situer dans une perspective industrielle à trente ou trente-cinq ans, et son plan ne vise que les zones les plus denses (de l'ordre de 4 millions de foyers concernés, dont 700 000 déjà abonnés chez Free). ' Notre modèle, ce n'est pas seulement l'innovation mais aussi une croissance rentable ', dit Olivier Rosenfeld, directeur financier d'Iliad. Reste la question des usages. Un point qui laisse sceptique France Télécom, qui estime que l'ADSL2+ a encore de belles années devant lui. ' Nous ne nous lancerons que lorsque le marché sera là ', dit invariablement Didier Lombard, le président de l'opérateur historique, tout en se retranchant derrière les expérimentations en cours, expérimentations qui seront d'ailleurs étendues en 2007. France Télécom considère également que le seul facteur susceptible de déclencher un investissement de masse dans le FTTH réside dans l'avènement de la télévision à haute définition (TVHD) et, surtout, une réelle disponibilité des programmes. Contrairement à Free dont les capacités d'investissement sont nécessairement limitées comparé à France Télécom, un déploiement de l'opérateur historique ?" qui doit tenir compte du poids de sa dette ?" dans le FTTH sera d'une tout autre envergure. Et il s'y prépare, multipliant les accords avec les syndics d'immeuble tout en cherchant à obtenir une ' sécurité juridique ' quant aux conditions d'ouverture de son futur réseau à la concurrence. Pourtant, l'annonce de Free a sonné comme un coup de tonnerre médiatique. Il est vrai que l'opérateur a bien balisé le terrain et va profiter de la récente décision de la Mairie de Paris (à laquelle il n'est pas étranger) de diminuer les droits de passage dans les égouts.
L'opérateur historique relativement indifférent
De même, une structure spécialisée dans le déploiement de réseaux en fibre optique vient d'être filialisée en interne. Enfin, Free lance astucieusement à destination des syndics des futurs immeubles raccordés en FTTH, un concept de service universel afin de fournir gratuitement une ligne téléphonique sans abonnement, une boîte e-mail, un accès internet à bas débit et un service antenne pour les chaînes de la TNT à chacun des logements.Mais le plus structurant réside sans doute dans le positionnement tarifaire annoncé. En adoptant pour le FTTH le même tarif que pour l'ADSL, autrement dit 29,90 euros par mois, Free fixe le prix du marché. Un positionnement assez surprenant si l'on considère qu'un récent rapport de l'Idate au ministre de l'Industrie faisait l'hypothèse d'un positionnement du très haut débit à 40 euros par mois pour une configuration de base (hors services additionnels). ' À ce niveau de prix et compte tenu des investissements requis, Free détruit de la valeur ', s'insurge un concurrent. ' L'arrivée de l'optique va bouleverser les parts de marché ', rétorque Michaël Boukobza. Avec pour arrière-pensée, au fur et à mesure de son déploiement dans le FTTH, d'augmenter la part de marché au détriment de ses concurrents. Un contexte dans lequel France Télécom ?" qui s'efforce de relativiser l'annonce de Free ?" fait preuve d'un détachement de bon aloi. ' Déployer de la fibre optique, négocier les droits de passage, accéder aux immeubles, tout cela ne s'improvise pas ', note l'opérateur historique, qui a déjà tiré de la fibre au pied de cent cinquante immeubles parisiens. Autre dimension : les entreprises. Il est vrai qu'à 29,90 euros par mois pour 50 Mbit/s symétriques, le marché potentiel de Free ne se limite plus au grand public... Pour le reste, ce tournant n'arrange pas les affaires d'Erenis et de CitéFibre, deux acteurs parisiens spécialisés dans le raccordement d'immeubles collectifs en fibre optique et qui peinent à se financer, pas davantage que celles des câblo-opérateurs Numericable et, surtout, Noos (le premier venant de racheter le second). ' Au-delà des déboires du câble, le problème d'Erenis et de CitéFibre réside dans la difficulté à tout gérer simultanément : levée de fonds, déploiement, marketing et prospection commerciale ', relève un observateur. À la différence de Free aujourd'hui ou de France Télécom demain, voire de Neuf cegetel, qui peuvent compter sur leur base installée pour rentabiliser leur investissement tout en fidélisant leurs abonnés.
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