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Pour limiter la dépendance de son économie au pétrole et au gaz, la Russie mise sur les nouvelles technologies pour se diversifier. Un volontarisme politique relayé par des fonds d'investissement privés.
Un contexte économique propice au développement de projets franco-russes
Vous utilisez peut-être Evernote pour gérer vos contenus ? Ou bien vous avez téléchargé Cut the Rope sur votre smartphone comme plus de 11 millions d'addicts à ce jeu dans le monde ? Ces applications, dont le nom et le “ look and feel ” sentent bon la Californie, viennent en fait d'une région nettement plus septentrionale. Hébergées dans les nuages, ces technologies sont bel et bien russes, et plus nombreuses que vous ne le pensez. Le secteur IT ne se borne plus aux seuls éditeurs d'antivirus Kaspersky et Dr Web. A l'instar des pétromonarchies du Golfe, l'économie russe entend réduire sa dépendance économique aux seules énergies en misant notamment sur les nouvelles technologies.Sous l'impulsion de l'ex-président Medvedev, sort actuellement de terre une “ nouvelle Silicon Valley ” à Skolkovo. “ La comparaison avec la Silicon Valley est tout à fait applicable ”, estime Yannick Tranchier, fondateur d'Ob'vious, un cabinet qui développe les partenariats franco-russes dans les nouvelles technologies. Il s'agit de concentrer, à 15 kilomètres de Moscou, les meilleures universités du pays et des labos R&D du monde entier, pour qu'essaime une myriade de start up russes ou étrangères. Après les Etats-Unis et Israël, la Fondation Skolkovo organisait, début juin, un roadshow en France, qui passait du côté de Saclay. Si Moscou centralise l'activité économique, l'immense territoire russe compte d'autres places fortes. En Sibérie, à Novossibirsk, des milliers d'ingénieurs travaillent déjà depuis des années pour Intel, Google ou Sun. “ Novossibirsk est la ville qui a atteint le million d'habitants le plus vite au monde. ”
vKontakte et Ozone, les Facebook et Amazon russes
Cette volonté politique s'accompagne d'une effervescence dans le privé. Un fonds d'investissement se constitue tous les jours, et les oligarques viennent convertir leurs pétrodollars dans les pépites du web. DST Global, du milliardaire Yuri Milner, a défié la chronique en réalisant une énorme culbute lors de l'introduction en Bourse de Facebook. Plus proche de nous et plus modestement, Runa Capital vient d'entrer dans le capital de Capptain et d'Ubikod, deux jeunes pousses rennaises. Pour autant, les fonds s'engagent avant tout dans des sociétés locales. Avec 60 millions d'internautes, le premier marché européen, l'e-commerce explose. Mail.ru, vKontakte, Sapato ou Ozone n'ont rien à envier à leurs équivalents respectifs ? dont ils sont parfois des copier-coller ? Yahoo, Facebook, Sarenza ou Amazon.Avec une originalité locale : le fonds incubateur. Sur le principe, une idée, un entrepreneur, d'énormes moyens sont débloqués pour qu'en cinquante jours, le projet soit en ligne. Cette conversion au capital-risque constitue une véritable révolution des mœurs. Si le système universitaire russe forme les plus beaux cerveaux du monde en physique nucléaire ou en mathématiques appliquées, ces derniers sont souvent déconnectés du marché. “ Les mots business plan et marketing leur sont étrangers, s'étonne Yannick Tranchier. Des chercheurs peuvent passer des mois à résoudre un problème juste pour la beauté du geste. ”A cette partition idyllique, il convient toutefois d'apporter quelques bémols. Les échanges avec l'Hexagone se révèlent encore très limités. La Russie cible prioritairement l'Allemagne, qui a mesuré tout le potentiel du géant slave, ou la Finlande, le pays voisin innovant. Même les Italiens sont mieux implantés. Pour Guillaume Le Berre, directeur de la filiale russe de Qoveo, parfaitement bilingue après des années passées en Russie, la France se réduit pour le Russe lambda à la Côte d'Azur, Disneyland et Louis Vuitton. Clichés pour clichés, l'ex-URSS véhicule également un certain nombre de stéréotypes que l'actualité récente peine à démentir. Le hacking de Linkedin, en mai dernier, par un pirate russe rappelle que les menaces cybercriminelles viennent souvent de l'Est.
Respect de la propriété intellectuelle
La corruption demeure un autre mal endémique. Président d'ActiveEon, société retenue par la Fondation Skolkovo, Denis Caromel déclare ne pas avoir été confronté à une sollicitation, cachée ou non, mais reste vigilant. Guillaume Le Berre se fait, lui, plus explicite. “ Pas question de mettre le doigt dans l'engrenage, quitte à rater des marchés, des appels d'offres. ” Il conserve toutefois son optimisme avec l'arrivée d'une nouvelle génération, ouverte sur l'étranger et d'autres cultures. La propriété intellectuelle est, elle, respectée. La Russie a adhéré aux grands programmes en vigueur et dispose d'un équivalent de l'Inpi. Skolkovo prévoit, lui, un “ tribunal international de la propriété intellectuelle ”.Restent l'administration et la réglementation parfois tatillonnes. L'entreprise est tenue d'héberger les données nominatives et de les conserver sous format papier pendant quatre-vingt-dix-neuf ans. Ce qui ne facilite pas l'essor du Saas (Software as a Service). Les acteurs affiliés au Kremlin doivent, eux, s'en tenir au client-serveur. Le FSB (ex-KGB) vérifie même le code des éditeurs appelés à travailler avec les organismes gouvernementaux.
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