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Au terme des projets réussis, l'évolution du SI est devenue une préoccupation partagée dans l'entreprise. Avant d'en arriver là, le rapprochement de l'informatique et des directions métier suppose
d'intenses efforts de communication et l'instauration d'un climat de confiance.
' Le système d'information, c'est l'affaire de tout le monde dans l'entreprise, même si la DSI reste un acteur privilégié de sa gestion ', postule Janick
Taillandier, DSI de la RATP. Elevé depuis quelques années au rang d'actif stratégique, il est garant de la compétitivité. ' Les performances du SI ont un effet important sur les résultats de
l'entreprise ', prévient Christophe Longépé, directeur de l'urbanisme et des référentiels des systèmes d'information du groupe Société générale.Dans la banque, il fait depuis longtemps figure de maillon essentiel de la production, mais cette vérité prévaut désormais pour tous les secteurs d'activité. Désormais, le dialogue entre les métiers et l'informatique
doit s'exercer de façon permanente, et la responsabilité de l'évolution du système d'information doit être partagée.L'urbanisation offre un cadre méthodologique pour établir une nouvelle organisation. ' Elle vise à donner au système d'information un cadre d'évolution et à faciliter la mise en
?"uvre de tout nouveau projet dans un contexte très complexe, affirme Michel Dardet, directeur de l'activité urbanisme de la SSII Oresys et secrétaire général du club Urba-EA. Son objectif premier consiste à
accroître la réactivité du système d'information en fonction des besoins de l'entreprise. 'Séduisant sur le papier, le concept n'en demeure pas moins difficile à faire vivre en entreprise. Il suppose la mise en place d'un langage commun propre à définir précisément les processus métier et impose une
sensibilisation de tous les instants des personnels concernés. Mais sa mise en ?"uvre débouche sur une meilleure compréhension des systèmes d'information et sur une forte implication des métiers.' Urbaniser, cela suppose de reconnaître que les métiers se préoccupent du système d'information ', lâche Jean-Christophe Lalanne, adjoint du directeur général des systèmes
d'information du groupe Air France-KLM. La compagnie aérienne, qui adopte ce processus depuis une douzaine d'années, s'est dotée d'une organisation adaptée.Chacun des grands métiers, une dizaine au total, dispose d'une assistance à la maîtrise d'ouvrage, elle-même épaulée par des architectes fonctionnels possédant ' une vision macroscopique des
métiers, sachant faire le lien entre les processus métier et les systèmes d'information qui les sous-tendent ', précise Jean-Christophe Lalanne.Jusqu'à peu, l'informatique était considérée comme un facteur de réduction des dépenses, autorisant des économies grâce à l'industrialisation et à l'automatisation de certains processus métier comme la
gestion des ressources humaines, ou la comptabilité par exemple. Tout en se voyant souvent qualifier de centre de coûts. Et même quand le dialogue entre les métiers et la DSI s'établissait dans la durée, la direction informatique, et elle
seule, assurait la gestion, la maintenance et l'évolution du système d'information.
Simplification du parc d'applications
Intégré à la panoplie stratégique de l'entreprise, le système d'information cesse d'être un outil d'automatisation des processus, et devient un moyen de les optimiser. ' Je suis
convaincu que l'avenir est à la réflexion sur les processus, confie David Decovemacker, responsable système d'information de Bonduelle. Et la somme des optimisations sera toujours moindre que l'optimisation
totale. ' Cette conviction augure le renforcement de la coopération entre métiers et DSI. Avec la mise en place d'une politique d'urbanisation, cette dernière prend place au centre du débat, au lieu
d'être le n?"ud de dialogues unilatéraux.Ainsi, après avoir décidé d'urbaniser leur système d'information, les responsables informatiques de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) se sont fixé pour priorité la modélisation de tous les
processus relatifs aux patients. ' Un comité des systèmes d'information a instauré un dialogue fort entre la direction générale, les métiers et tous les utilisateurs du système
d'information ', explique Frédéric Laurent, architecte système d'information et responsable de l'intégration à l'AP-HM.Mais il ne cache pas la difficulté du projet. Ces échanges ont aidé à traiter la prise de rendez-vous comme un processus transversal. ' Beaucoup d'applications permettent de le gérer. Nous voulons en
faire un service réutilisable par d'autres applications ', rapporte Frédéric Laurent. Gain de l'opération, une simplification du parc d'applications et une cohérence renforcée, avec l'élimination
de doublons. ' Avant la mise en place du processus d'urbanisation, l'information était morcelée, souligne Frédéric Laurent. L'objectif est désormais de la centraliser et de la faire
remonter pour mieux échanger entre les métiers et l'informatique. '
Elaborer un langage commun
Pour instaurer un dialogue efficace, encore faut-il être capable de se comprendre. Pour ce, il faut parler la même langue, utiliser le même vocabulaire. Christophe Longépé estime que la première phase dans un processus
d'urbanisation est que toutes les personnes concernées participent à établir un langage.Dans l'organisation de la Société générale, il s'agit des représentants de l'urbanisme au sein des métiers, des maîtres d'ouvrage des quatre filières transversales (ressources humaines, risques, finance
et référentiels), ainsi que des DSI de chacun des métiers. ' Ce langage définit, entre autres, les concepts et le vocabulaire commun, un ensemble de règles et de normes pour mener à bien une étude
d'urbanisme ', énumère Christophe Longépé.Cette étape peut s'avérer longue et fastidieuse. Contrairement à une démarche de type décisionnel, où l'on tend à adopter des définitions communes sur des notions relativement concrètes telles qu'un montant de
ventes ou une marge brute, la charte d'urbanisme traite de notions plus subjectives, comme la définition des diverses composantes d'un processus métier.Pour contourner cet écueil, Air France-KLM a élaboré une grille sémantique de référence, Arpège. ' Dans l'entreprise, tout collaborateur a instauré des processus pour effectuer son travail. Le problème
est de savoir si tout le monde est capable de se comprendre. Arpège a été mis en place pour que chacun puisse décrire ses processus, quel que soit son métier ', explique Jean-Christophe Lalanne. La précision va, par exemple,
jusqu'à la définition d'une ressource, qui s'identifie, se trouve, s'utilise, se consomme.' Arpège a été conçu par la cellule de coordination des assistances à la maîtrise d'ouvrage, avec la direction de la qualité ', précise Jean-Christophe Lalanne. Il avoue
néanmoins que l'outil de modélisation des processus, Aris, n'a pas été simple à mettre en place, en raison de l'existant.' C'est beaucoup plus simple dans le cas de nouveaux métiers. ' Et il concède que l'élaboration et l'utilisation de cette grille commune représentent une action de
longue haleine, très longue même. De l'ordre d'une dizaine d'années...
Un projet délicat qu'il faut justifier
Si l'adoption d'un langage commun aux métiers et à l'informatique se révèle délicate, le lancement même de la démarche n'est pas gagné d'avance. ' L'urbanisme peut
faire peur à la direction générale ', concède Jérôme Bourreau, DSI de Voyages-SNCF.com.Une situation aisément compréhensible, tant les entreprises manquent de recul et d'indicateurs fiables quant à l'efficacité du concept et à un éventuel retour sur investissement. Car l'urbanisation nécessite un
investissement en temps de la DSI ou la mise en place de cellules spécifiques, comme celles de responsables métier. ' C'est un projet compliqué à vendre à une direction générale, reconnaît David Decovemacker. Difficile à justifier alors que les autres projets, directement opérationnels, sont déjà
nombreux. ' Pourtant, cela peut s'effectuer progressivement. Tout dépend de l'historique de la société.Chez RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité français, ' le basculement vers l'urbanisme est la conséquence d'une réflexion collective et progressive, qui a été très vite
acceptée par les métiers ', constate Arnaud Hertz, directeur du département d'urbanisation et des solutions informatiques. La construction du système d'information s'est déroulée en associant la direction
informatique et les quatre directions métier.' Au fil du temps, nous avons régionalisé le système d'information pour qu'il corresponde le mieux possible aux besoins de chaque direction ', raconte Arnaud Hertz. A la
fin des années 90, une politique d'échange d'informations a été élaborée avec l'intégration des applications d'entreprise (EAI, ou Enterprise Applications Integration) pour les différents métiers.' A partir de là, en 2003, nous avons décidé d'aller plus loin, et de passer à une véritable politique d'urbanisation ', conclut Marc Berrier, directeur adjoint du
département d'urbanisation et des solutions informatiques de RTE.
Dresser un plan de communication
Plus peut-être que d'autres projets informatiques, l'urbanisation requiert une intense communication. ' Un lourd travail d'évangélisation, soupire Janick Taillandier.
La mise en place des comités de pilotage du système d'information a été laborieuse, les personnes impliquées n'en voyant pas forcément l'utilité. 'Pour Christophe Longépé, établir un plan de communication constitue la seconde étape d'une politique d'urbanisation. Arnaud Hertz et Marc Berrier reconnaissent également la nécessité de communiquer et de porter ce type
de projet. ' Nous organisons des actions de lobbying dans toute l'entreprise, et notamment des séminaires afin de convaincre les métiers. La communication s'est montrée très active en 2005. En 2006,
nous couvrons presque tous les métiers ', affirme Arnaud Hertz.La phase de communication achevée, il devient crucial de démontrer les effets positifs de l'urbanisation. ' Sur la base des succès enregistrés, les gens adhèrent plus
facilement ', constate Janick Taillandier. Pour cela, il faut un élément déclencheur, qui justifiera la méthode.Chez RTE, la part de nouveaux projets informatiques atteint 40 % dans le budget des systèmes d'information, un ratio de près du double de la moyenne. Le système d'information évolue très vite.
' Quand il a fallu rénover la partie consacrée aux outils industriels ?" tout le patrimoine de RTE ?", nous avons lancé une étude d'urbanisme pour élaborer différents scénarios, se
souvient Marc Berrier. Les directeurs métier ayant participé à l'étude nous ont apporté un soutien très ferme. Ils ont fondé leur décision sur les résultats de cette étude et l'ont fait
savoir. 'Mais pour obtenir ce cercle vertueux, la confiance doit préexister. ' Si vous déclarez à votre patron qu'urbaniser le système d'information fera tout fonctionner comme sur des roulettes, alors
que vous subissez de graves difficultés, je doute de son adhésion ', avertit Jean-Christophe Lalanne.Et d'affirmer : ' La relation entre les personnels informatiques et les métiers doit être excellente, quasi fusionnelle. ' Au-delà de la confiance initiale requise pour
impliquer les métiers, l'effort doit se montrer constant de part et d'autre.' L'urbanisation n'est pas une fin en soi, mais une démarche de fond, structurée, de longue haleine. Elle doit se mener peu à peu, mais avec ténacité, dans la
continuité ', rappelle Janick Taillandier. Le but principal reste de maîtriser l'évolution du système d'information, lequel, par définition, ne s'arrête jamais.