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Ravagée à 95 % par un incendie, la société nemourienne CML, spécialisée dans la distribution de produits pharmaceutiques, a dû improviser sa relance à cause d'une informatique entièrement dévastée et faute de plan de reprise d'activité.
Mardi 5 octobre, 16 h15
Lorsque l'alarme retentit chez le distributeur pharmaceutique CML, le DSI, Stéphane Mounin, enfile sa veste et se dirige vers la sortie. Calmement, comme on peut le faire lors d'un exercice. “ Ce n'est qu'une fois à l'extérieur, en voyant l'épaisse fumée noire, que j'ai réalisé que, cette fois, c'était pour de bon. Je suis immédiatement retourné chercher mes affaires ”, raconte-t-il. Bon ou mauvais réflexe, quarante-cinq minutes plus tard, le bâtiment était réduit en cendre.On apprendra plus tard qu'il s'agissait d'un incendie criminel, un acte de vandalisme gratuit. Quant à la rapidité de la combustion, elle s'explique par des stocks constitués essentiellement de produits hautement inflammables. “ Nous avons assisté jusqu'à 19 heures, impuissants, à l'effondrement du bâtiment ”, confie Stéphane Mounin. L'intervention des pompiers de Nemours et de Melun aura aidé à préserver un minimum de la façade et quelques bureaux, notamment ceux de la comptabilité et de la paie. “ Nous avons récupéré quelques ordinateurs et certains documents papier, comme les classeurs de comptabilité, les factures et, par chance, l'historique de paie des salariés. Tout est dans un triste état, certes, mais on les a conservés ”, ajoute-t-il.
Mercredi 6 octobre, 9 heures
Dans un local, non loin des ruines, le PDG de CML, André Queneau, convie le service d'encadrement à une réunion de crise. “ Sans l'ombre d'une hésitation, il nous a annoncé qu'il reprenait l'activité et qu'il nous fallait mettre tout en œuvre pour repartir. On m'a bien sûr demandé si nous disposions des éléments et des moyens nécessaires pour restaurer le système ”, explique le DSI. Il existe bien un dispositif de sauvegarde sur bandes et quelques procédures de reprises en cas de problème, mais aucune ne tient compte d'un tel degré de destruction des systèmes informatiques. En réalité, la société ne possède pas de plan de reprise ou de continuité d'activité (PRA). “ Nous avions réfléchi à certains points, mais sans les finaliser, par manque de temps. Un projet repoussé régulièrement parce qu'il y avait toujours beaucoup de choses à faire avant… ”, regrette le DSI. Un état des lieux s'impose alors pour que les responsables soient en mesure d'évaluer les pertes et de définir une date de reprise. Les équipes se chargent d'inventorier ce qui est récupérable. Certaines surprises les attendent. Chez CML, les sauvegardes sont externalisées dans un coffre-fort bancaire tous les huit jours. Entre-temps, elles sont stockées en interne dans un coffre ignifugé. Enfin, pas tant que ça… Léché par les flammes, celui-ci restitue des bandes endommagées devenues inutilisables. Il faudra donc se contenter de celles entreposées à la banque. CML enregistre par conséquent un retard de huit jours dans ses sauvegardes et un historique qui démarre du coup… à J-15. “ Ces bandes contiennent tout notre applicatif principal, la base de données Movex, toute la partie bureautique et notre site internet e-Sales ”, précise Stéphane Mounin. Si CML avait signé un contrat de back up avec IBM, comprenant le prêt de machines (un AS/400 et un serveur Windows), le distributeur n'avait malheureusement pas opté pour l'option d'hébergement. “ Quand je les ai contactés, ils ont accepté de nous fournir tout ce dont nous avions besoin. J'avais carte blanche de ma direction pour remettre l'informatique sur pied le plus rapidement possible ”, raconte Stéphane Mounin.
Mercredi 6 octobre, 18 heures
A ce moment de la journée, le DSI a déjà une idée plus précise du chantier qu'il mettra en œuvre. Le moment est venu de former les équipes. Un premier groupe de dix personnes, composé de membres de la direction, assurera une permanence. Un autre, d'une douzaine de personnes se relayant côté collaborateurs, aura pour charge la récupération, la consolidation et la saisie de toutes les informations papier, ainsi que de répondre aux clients. “ A des heures de bureau normales. Pour la direction, c'était selon les besoins. Il fallait impliquer tout le monde ”, précise Stéphane Mounin. Dès le soir, le DSI se met au travail. “ J'étais sur le pied de guerre tout le week-end, c'est le genre de mission où il n'y a pas d'heure. Ma seule préoccupation, c'était de savoir qu'il y avait cent personnes qui attendaient. C'est là où on s'aperçoit que, sans informatique, une société n'est pas grand-chose ”, reconnaît-il.Installées dans des locaux provisoires, non loin de l'ancien bâtiment, les équipes s'attellent cinq jours durant à la restauration du système. IBM leur a affecté une salle de sauvegarde à Collégiens (77), près de Noisy-le-Grand, où il a été possible de restaurer l'AS/400. “ Nous avons rencontré quelques difficultés lors de la restauration, à cause de deux fichiers corrompus sur les bandes. Cela nous empêchait de lancer notre applicatif Movex. Nous avons fait intervenir les équipes support de l'éditeur Lawson afin qu'elles les remettent en place ”, explique Stéphane Mounin, qui ajoute que les équipes d'IBM ont su lui rendre la tâche moins ardue.
Lundi 11 octobre, 9 heures
L'activité redémarre enfin. Entre-temps, CML a racheté le matériel informatique nécessaire à ses utilisateurs et rebranché des lignes dans un autre bâtiment, pour être de nouveau joignable par les clients sur les numéros connus. “ Pour l'instant, nous évaluons les pertes à 20 % du chiffre d'affaires. Il nous faut les rattraper et réconforter nos clients. Nous devons également retrouver nos délais de livraison en vingt-quatre et quarante-huit heures, qui faisaient jusqu'ici notre force. En l'absence de stocks, ils atteignent aujourd'hui une dizaine de jours ”, déplore Stéphane Mounin.Grâce aux données papier récupérées dans les locaux de la comptabilité, l'historique des factures numériques manquant sur les bandes a pu être complété. “ A ce moment-là, j'ai dû réaliser par moi-même une importante phase de saisie et d'intégration des données dans Movex ”, précise Stéphane Mounin.
Samedi 16 octobre, 12 heures
Une fois l'ensemble saisi, Stéphane Mounin constate la perte de certains bons de commande et de toutes les livraisons et factures de la fameuse journée du feu. “ Nous avons récupéré les données de la première demi-journée : toutes les livraisons effectuées jusqu'à midi. Pour le reste, on était dans le flou, on ne savait pas vraiment ce qui avait été fourni ”, raconte le DSI. A la recherche de ces informations, il appelle donc le transporteur. “ Nous sommes partis de là pour reconstruire l'historique ”, ajoute-t-il.Fin octobre, l'essentiel de la journée de l'incendie était enfin reconstitué par les équipes. “ Nous avons quasiment tout restauré ”, se réjouit Stéphane Mounin. Aujourd'hui, l'informatique de CML a été entièrement déportée sur le cloud. Le distributeur pharmaceutique compte migrer sur un nouveau site administratif qui ne disposera pas de salle informatique. Elle s'est également engagée dans une refonte complète de sa politique informatique et dans un renforcement de sa sécurité. “ J'aurais dû insister plus lourdement auprès de ma direction, à l'époque. On a croisé les doigts, et puis voilà… ”, admet Stéphane Mounin, qui ne jurera plus jamais sans plan de reprise d'activité.
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