Un fantasme européen
Yann serra, grand reporter à 01 InformatiqueMieux vaut tard que jamais. Le Centre d'analyse stratégique du Premier ministre vient de se rendre compte que l'Europe a laissé filer toute l'industrie du microprocesseur aux Etats-Unis et en Asie. Dans sa note de veille numéro 174, il concède que c'est tout de même regrettable, car les microprocesseurs sont au cœur de l'innovation de l'économie numérique, laquelle représente 10 % du PIB mondial. Et puis, suggère-t-il, l'utilisation de processeurs de conception américaine dans des infrastructures de défense européennes pourrait, un jour, gêner la sécurité et la souveraineté de l'Union. Le Centre d'analyse préconise donc qu'il faut remettre cette problématique sur la table. Selon lui, l'Europe dispose déjà de tout le savoir-faire nécessaire en matière de design (ARM), de matériaux (Silicon AG) et d'intégration (STMicroelectronics) pour lancer ses propres microprocesseurs. Il nous suffirait juste d'un peu d'ambition industrielle, d'une politique commune et d'un budget de quelques dizaines de milliards d'euros d'ici à 2020. Ce n'est pas gagné. D'autant que le rapport sous-estime l'urgence d'un tel chantier : les procédés de fabrication commencent à coûter tellement cher, de l'ordre de 3 milliards la chaîne de montage par exemple, que les industriels de toutes nationalités disparaissent déjà les uns après les autres. Si l'on continue sur cette lignée, l'Américain Intel, dernier survivant le plus probable, aura bientôt le monopole planétaire du design et de la fabrication des processeurs. Qu'importe, le Centre d'analyse stratégique a une solution radicale pour rattraper le retard à toute vitesse : il suffirait de donner tous les budgets de R&D au secteur privé et que l'Agence européenne de défense soit la première cliente. Certes, mais à part les militaires, qui a encore besoin d'une informatique qui serait incompatible avec l'architecture Intel ?
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