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Exonération des charges des jeunes entreprises innovantes mise à mal, crédit d'impôt recherche raboté… l'Etat fragilise les business plans des PME innovantes. Suite à la crise et aux mesures fiscales en préparation, les fonds d'investissement privés eux aussi, s'amenuisent.
Pour réduire ses dépenses, le gouvernement rogne sur les aides publiques à l'innovation des entreprises françaises. Malgré la forte mobilisation de plusieurs organismes professionnels comme l'Afdel (Association française des éditeurs de logiciels), les pôles de compétitivité, Eurocloud ou le Comité Richelieu, l'Etat maintient ce cap. Pourtant, face à la montée en puissance des pays émergents, l'innovation reste l'un des leviers majeurs de la compétitivité.Les jeunes entreprises innovantes (JEI) sont particulièrement touchées par ces “ économies ”.En effet, avec la réforme de leur statut fiscal, elles verront leurs exonérations de charges patronales pour l'Urssaf diminuer de 25 % dès la cinquième année de leur existence, de 50 % la sixième année, de 70 % la septième et de 90 % la huitième année. “ Dans l'ancien système, elles en étaient totalement exonérées pendant huit ans ”, précise Charles-Edouard de Cazalet, directeur associé de Sogedev, cabinet de conseil en financements publics. Et d'ajouter : “ Cette mesure est doublement pénalisante. D'une part, elle s'attaque à des entreprises en phase de recherche et de développement. D'autre part, le législateur ayant décidé une application de cette réduction dès le 1er janvier 2011, ces sociétés n'ont pas eu le temps de prendre d'éventuelles mesures d'ajustement de leurs charges. ”
Des réformes défavorables à l'emploi
Pour Frédéric Bedin, président de Croissance plus, “ les JEI n'auront souvent d'autres solutions que de réduire leurs plans d'embauche… ”. Selon l'Afdel, cette réduction des effectifs pourrait, à terme, contraindre certaines entreprises à sortir prématurément du dispositif, face à l'impossibilité de remplir les critères d'investissement requis. Autre volet de la réforme : le plafonnement de l'exonération des charges à 106 000 euros de salaires par an sur l'ensemble de la société ou à 6 000 euros par mois et par salarié. Avec ces mesures, l'Etat gagnera quelque 57 millions d'euros. Une goutte d'eau au niveau du budget national, mais de lourdes conséquences pour ces entreprises qui verront leurs capacités d'innovation largement entamées.Même constat pour le crédit d'impôt recherche (CIR). Dès le 1er janvier 2012, le taux appliqué aux dépenses en R&D en deçà de 100 millions d'euros sera réduit à 40 % la première année et à 35 % la deuxième, là où ils étaient respectivement de 50 et 40 %. Une mesure qui désavantage les sociétés qui entrent dans ce dispositif, notamment les JEI. Par ailleurs, le remboursement des frais de fonctionnement est aussi revu à la baisse, à 50 % contre 75 %. Toutes ces nouvelles mesures diminueront l'assiette du CIR de 15 %.Les conséquences sur l'emploi ne pourront qu'être néfastes. En effet, selon l'Apec, ce crédit d'impôt aurait généré, entre 2007 et 2008, une hausse de 152 % des embauches de jeunes docteurs et de 142 % de créations d'emploi en R&D. “ De quoi s'interroger sur la pertinence des coupes budgétaires lorsque l'Etat annonce une économie de 100 millions d'euros grâce à ce nouveau dispositif, à comparer aux 2,1 milliards d'euros qu'il lui coûte ”, souligne Charles-Edouard de Cazalet. En revanche, la loi ne prévoit aucune évolution sur les dépenses excédant les 100 millions d'euros. “ Les 19 grandes entreprises qui réalisent plus de 100 millions d'euros de dépenses en R&D préservent leurs 5 % de CIR, sur la tranche supérieure. En suspendant cette aide, l'Etat aurait gagné 107 millions d'euros sans mettre en péril ces structures ”, note le directeur associé de Sogedev.
Des capital-risqueurs frileux
Du côté du financement privé, la situation n'est guère plus rose. Depuis la crise financière, les robinets de financement du capital-risque ? un pilier du financement de l'innovation ? se ferment. Selon les derniers chiffres de l'Association française des investisseurs en capital (Afic), les montants investis étaient de 758 millions d'euros en 2008, contre 587 millions en 2009. L'année 2010 devrait voir cette tendance se renforcer, avec un premier semestre en baisse de 21 %. Et pourtant, tous les autres segments de l'investissement en capital sont repartis à la hausse.Que se passe-t-il ? “ Suite à la crise, les institutionnels ? banques et assurances ? ne veulent plus prendre de risques, explique Hervé Schricke, président de l'Afic. Quant à la collecte de l'argent des particuliers par les FCPI (Fonds commun de placement en innovation), elle est également en baisse par manque de confiance. ” Cette pénurie de fonds est particulièrement élevée lors des premières années d'existence d'une jeune pousse. Justement au moment où le risque est le plus fort. “ Le chaînon manquant, c'est la tranche de financement entre un et trois millions d'euros ”, souligne Franck Sebag, associé chez Ernst & Young.
Mettre en place de nouveaux mécanismes de collecte de fonds
Cette tendance a été contrebalancée en partie par la multiplication, ces dernières années, d'investisseurs privés fortunés, les business angels, qui cherchaient à réduire leur impôt sur le revenu ou celui sur la fortune (ISF). Ils sont aujourd'hui 4 000, répartis dans 80 réseaux. A cela se rajoutent quelques fonds récents, créés par des entrepreneurs illustres, des superangels, comme Marc Simoncini, Xavier Niel ou Geoffroy Roux de Bezieux. Mais le rayon d'action de ces anges financiers reste limité, avec un ticket d'investissement qui plafonne généralement à 500 000 euros. Par ailleurs, comme les réductions fiscales en question viennent d'être rabotées, cette manne va probablement diminuer. A moyen terme, elle risque même de se tarir, avec la suppression programmée de l'ISF. “ Bientôt, il n'y aura plus assez d'argent pour financer l'innovation en fonds propres ”, s'alarme Hervé Schricke. Il préconise de nouveaux mécanismes pour collecter des fonds pour l'innovation, comme investir une fraction de l'épargne à long terme (assurance vie, épargne retraite, livrets…) dans le capital-risque.Mais de tels dispositifs, s'ils sont votés, ne seraient effectifs qu'à partir de 2012-2013. D'ici là, lever des fonds deviendra plus difficile, car avec moins d'argent disponible à attribuer, la sélection des projets sera plus sévère. Les investisseurs privilégieront les hommes expérimentés ou les business models originaux. Les entrepreneurs en herbe auront à travailler l'aspect humain de leur projet : style de gestion, constitution de l'équipe, moyens mis en œuvre, capacité d'écoute, etc.
Oséo et grand emprunt maintiennent le soutien à l'innovation
Heureusement, tout n'est pas noir dans ce tableau. Dans le cadre du grand emprunt, 35 milliards d'euros de crédits seront consacrés au financement des Investissements d'avenir dans des secteurs prioritaires tels que l'enseignement supérieur, la formation et la recherche (19 milliards d'euros), l'industrie et les PME (6,5 milliards), le développement durable (5 milliards) et le numérique (4,5 milliards).Par ailleurs, Eric Besson, ministre chargé de l'Industrie et de l'Economie, a annoncé un programme d'actions afin de diffuser les usages du web 2.0 dans les entreprises. Un programme décliné en quatre points : l'entreprise 2.0 ; la numérisation des échanges au sein des filières industrielles ; le cloud computing, l'e-éducation, l'e-santé ; les services mobiles sans contact. Le fonds Oséo reste également important et actif sur le secteur des nouvelles technologies, structuré en quatre secteurs : les technologies logicielles ; le multimédia ; les télécommunications ; l'électronique et la mesure de contrôle.
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