Un portail de facturation unique pour les achats publics en 2017

Le 1er janvier 2017, les entreprises devront envoyer leur factures électroniquement aux administrations via un portail unique. Le gouvernement conseille de devancer l'échéance.
« 2017 est une étape décisive, qu'il nous faut réussir », a lancé Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget de l’Etat en ouverture du colloque sur la dématérialisation des factures organisé par l’AIFE, l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat. A cette date-là, l’Etat fournira un portail de facturation unique à ses fournisseurs où toutes les factures du secteur public transiteront, que ce soit celles de l'Etat, des collectivités locales ou des établissements publics, y compris ceux du secteur hospitalier.
Les collectivités qui auraient déjà développé leur propre portail, pourront le conserver à condition d'intégrer les services du portail mutualisé. Ce dernier acceptera les factures structurées, les PDF signés et non signés et permettra la saisie des informations en ligne.
Au premier janvier 2017, les grandes entreprises auront l'obligation d'envoyer des factures électroniques aux administrations publiques. Et toutes les entreprises seront concernées par cette obligation en 2020 (voir encadré en fin d'article pour un calendrier plus précis). Depuis la Loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, l’Etat est obligé d’accepter les factures électroniques de ses fournisseurs. Mais sans obligation de la part des entreprises « il n’y a pas eu beaucoup de factures reçues électroniquement », regrette Régine Diyanin directrice de l'AIFE.
Un portail mutualisé inspiré de Chorus Facture
A l’heure actuelle, Chorus Factures, une des briques de Chorus (basé sur SAP) permet déjà de transmettre à l’Etat des factures sous forme électronique. Le nouveau portail s’inspirera fortement de Chorus. De fait, les entreprises ayant déjà créé des comptes sur Chorus Factures n’auront pas besoin d’en recréer de nouveaux sur le futur portail. Celles qui veulent prendre de l’avance avec la législation ont donc tout à intérêt à utiliser Chorus dès à présent. « Chorus Factures c’est plus de 55 000 utilisateurs de l’Etat, hors prestataires occasionnels. Et depuis son lancement, 32 millions de documents ont été dématérialisés » a précisé Régine Diyani.

Chorus Factures accepte deux types de transmission de facture. D’abord, la saisie ou la dépose de fichiers PDF signés ou non signés via un portail qui donne aussi accès à des informations sur l’avancement du traitement. « Le portail est la voie de transmission qui s’applique à la majorité des cas », commente Régine Diyani.
Pour aider les entreprises à s’y mettre, « les conditions requises pour l’émission de factures électroniques ont été assouplies. Un simple document PDF suffit sans avoir besoin de maîtriser un dispositif complexe comme la signature électronique », a tenu à rappeler Christian Eckert. Les entreprises choisissant le PDF non signé devront cependant mettre en place des pistes d'audit fiables pour s'assurer de la validité de leurs processus de facturation. C'est notamment le cas de Sopra Group qui a fait le choix du PDF simple.
EDI, PDF signé, PDF simple, saisie manuelle : un choix structurant pour l'entreprise
Chorus Factures propose aussi de transmettre directement les factures en EDI (Echange de données informatisées) dans le cas des fournisseurs ayant un volume supérieur à mille factures par an. Deux formats XML sont disponibles pour l’EDI (UBL 2.0 et UN-Cefact Cii). Les entreprises ont le choix entre transmettre directement les flux EDI ou passer par un opérateur de dématérialisation.
L'éditeur Berger Levrault a opté pour la première solution pour ses 1200 factures annuelles. « Nous avons choisi l'EDI pour avoir une chaîne intégrée depuis la commande jusqu'à la facture » explique Laurent Martin, directeur comptable et informatique de la société. Sur le futur portail, un bac à sable sera destiné aux tests des fournisseurs voulant se connecter en EDI. De son côté, Bull a préféré passer par un prestataire qui gère tout l'archivage des documents.
Au final, les factures en PDF non signés seront sans doute choisies par une majorité de fournisseurs, mais ceux-ci ne représenteront pas nécessairement la majorité des factures. « Nous n’avons pas de préconisations particulières. Toutes les voies de transmission des factures sont bonnes. Les entreprises choisissent ce qu’elles veulent » assure Régine Diyani qui ajoute « techniquement, tout est en place pour assurer la dématérialisation des factures ».
Reste à mettre en place de nouvelles méthodes de travail, qui concernent aussi bien l'acheteur public que le fournisseur. « Le choix de l'EDI, du PDF ou de la saisie en ligne est un choix structurant dans le fonctionnement de la relation avec le secteur public », prévient Emmanuel Spinat, directeur du programme facturation électronique 2017 à l'AIFE. Il faut notamment identifier le rôle des différents acteurs. Qui produit la facture ? Qui la valide ? Qui la dépose ? Qui supervise le processus ? Qui a besoin du suivi en ligne ? « Selon les entreprises, ce ne sont pas toujours les mêmes acteurs » ajoute Emmanuel Spinat.
Un gain potentiel de 10 euros par facture
Au total, ce sont 95 millions de factures émises par les fournisseurs de l’Administration qui sont concernées. « Un gain potentiel de 10 euros par facture sur 22 est attendu » assure Cyrille Sautereau, président de la société de conseil Admarel. L’un des objectifs est l’homogénéisation des délais de paiement. « Les PME représentent près de la moitié des factures émises auprès de l'Etat et elles sont très sensibles au délai de paiement », rappelle Christian Eckert.
Du côté des acheteurs, la dématérialisation devrait permettre de réduire les coûts, d’automatiser et donc d’accélérer les traitements, voire de payer plus tôt et moins cher. Du côté des fournisseurs, elle aide à accélérer les flux financiers, à réduire le besoin en fonds de roulement et à récupérer des informations. « Une facture validée vite par un client ouvre les voies au refinancement ou au paiement accéléré » explique Cyrille Sautereau. La traçabilité est un autre élément clef de la dématérialisation par rapport au courrier papier : l'entreprise est sûre que son fichier est bien arrivé à destination.
Le Medef salue l'effort de mutualisation et le portail unique. « Une entreprise qui travaille avec plusieurs acteurs publics et privés, ne veut pas avoir à gérer plusieurs circuits» explique Vincent Barbey, du Medef. C'est surtout la fiabilité du reporting et des étapes qui intéresse le Medef plus que la réduction des délais. « Nous ne voulons pas voir des factures refusées en fin de chaîne ». Au final, ce sont surtout les petites structures qui risquent d'avoir du mal à s'adapter.