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La mutualisation des services métier n'est pas qu'affaire de technique. Sa mise en ?"uvre réclame une nouvelle forme de gouvernance, de nouveaux métiers vont émerger, et les éditeurs remodèlent leurs offres de fond en
comble.
Une fois la gestion de processus métier et les architectures orientées services réconciliées grâce aux standards, les entreprises et les administrations découpent leurs applications historiques en services réutilisables dans le
cadre d'applications composites. Résultat, les directions fonctionnelles bénéficient de services mieux adaptés à leurs besoins. Et l'entreprise va pouvoir intégrer le réseau de ses partenaires pour rationaliser ses achats, ou enrichir son offre avec
les produits ou services de ses fournisseurs. Vente croisée, offres composites, mutualisation des ressources... La diversité des systèmes d'information ouvre un nombre considérable de possibilités. Mais cette évolution pose son lot de
questions : quels sont les effets de ces technologies sur l'organisation de l'entreprise, et sur sa DSI ? Quelle gouvernance instaurer ? Par ailleurs, comment évolue le milieu des éditeurs ? Surtout à l'heure où les entreprises
s'attendent à voir surgir des offres de services métier remplaçant les applications métier.Les architectures orientées services suscitent une vision transversale des organisations. Il s'agit de mutualiser les services métier qui peuvent l'être. ' Cela induit un modèle de gouvernance qui n'est
pas toujours naturel en entreprise ', soulève Didier Chaumont, directeur technique et services publics chez Capgemini. La DSI devra convertir ses troupes à la nouvelle approche et les convaincre de raisonner de manière
interdisciplinaire. Là se situe la rupture, l'indispensable évolution des mentalités dans la conduite du changement. Pour cette raison, mieux vaut former une équipe spécifique. Celle de Renault comporte douze personnes. ' Elle
réunit des développeurs, des fonctionnels et des techniciens qui travaillent en étroite collaboration avec les porteurs de projets afin qu'ils comprennent l'intérêt des SOA, témoigne Pascale Montrocher, directrice des technologies et
innovations informatiques pour l'automobile. L'équipe s'attache à identifier les composants métier réutilisables. Elle s'attaque donc, dans un premier temps, aux projets et non à l'existant. '
L'affectation budgétaire des services, un enjeu politique
Il y a du pain sur la planche ! Car l'approche bouleverse aussi la donne en matière budgétaire. Le terrain est plus miné qu'il n'y paraît. Jusqu'alors, les applications métier ont souvent concerné des directions
fonctionnelles précises : un progiciel de gestion intégré pour la finance, un autre pour la comptabilité, un pour l'administration des ventes et pour la gestion de la relation client... Dans ce contexte, telle direction négociait sa
contribution financière en termes de conseil, d'achat, d'intégration, de maintenance, et passait des contrats de qualité de service auprès de la DSI. Les choses étaient claires. Avec les architectures orientées services, cette organisation ne vole
pas en éclats, mais les termes de la négociation se modifient. Le danger, c'est que les directions fonctionnelles tentent, légitimement, de se repasser la patate chaude en avançant qu'elles n'ont pas à payer pour les autres. Un état d'esprit
contraire à la philosophie mutualiste de la nouvelle approche.' On ne parle plus d'applications. Il convient donc de définir au plus tôt un référentiel de services unitaires ou globaux et d'applications composites. C'est-à-dire un endroit unique où on localise le
service avec son contrat de service et son prix ', conseille Didier Chaumont. Difficile, en effet, de dire à qui appartient tel ou tel service. ' Il y a des querelles de pouvoir, et des zones d'ombre.
Un service SOA, par exemple un service d'identification, tient à la fois du composant métier et de l'infrastructure ', analyse Chris Peytier, responsable avant-vente Europe du Sud chez Amberpoint. Pour sortir de l'impasse,
' le comité de pilotage peut avoir intérêt à chercher les fonds de façon mutualisée auprès des différentes directions afin qu'elles contribuent collectivement ', avance Thomas Been, ingénieur
avant-vente chez Tibco. La solution est élégante. Mais il suffit qu'une ou plusieurs directions rechignent à ouvrir leur bourse pour que le projet cale et soit enterré. ' Pour surmonter ce problème, notre équipe SOA dispose
d'un budget spécifique qui permet d'absorber les surcoûts liés à la nouvelle architecture dans le cadre du budget d'un projet, intervient Pascale Montrocher. Cela détend l'atmosphère et redonne le sourire. 'Au niveau de la DSI, le passage aux architectures orientées services touche également les équipes. ' Comme notre système fonctionne mieux, les techniciens d'exploitation se sentent valorisés. Ils peuvent
mieux diagnostiquer les problèmes et expliquer où en est le processus de commandes et de production ', sourit Laura Kweitel, responsable du système d'informations de Spot Image. ' J'ai obligé mes
collaborateurs à faire le tour de la société tous les jours, à dire bonjour, à prendre le café avec les collègues des autres services. Autrefois, ils n'intervenaient qu'à distance. La nouvelle attitude a complètement changé le regard des autres sur
les informaticiens. On a regagné en cordialité, se réjouit Philippe Angotta, DSI de LPG. Nous avons alors fait monter en compétence toute l'équipe informatique. Certains sont devenus des gestionnaires de projets à part entière. D'une équipe de
simples opérationnels, je me retrouve à présent avec une équipe de gestionnaires. C'est motivant. Autrefois, il y avait une rotation de personnel élevée. Depuis presque un an, c'est terminé. '
Un spectre des métiers à réinventer
Autre ambiance chez l'assureur S MABTP. ' Chez nous, l'approche SOA conduit à une analyse très précise. Les développeurs Java doivent obéir à des consignes très strictes. Et je dois veiller à ce qu'ils ne
fassent pas trop preuve d'imagination et de créativité afin de rester dans le cadre de la plate-forme SOA. Ce qui est contradictoire avec l'esprit des jeunes qui sortent de l'école, des idées plein la tête et sans aucune envie de subir des
contraintes, reconnaît Jean-Michel Detavernier, deputy CIO. Il faut alors fortement les encadrer, les motiver. Bien leur expliquer l'intérêt de la démarche et leur donner des perspectives. Certains ont ainsi acquis une forte
valeur ajoutée. Et, pour cette raison, ils sont partis dans des sociétés de services. 'Autre changement attendu au sein des directions informatiques, celui du spectre des métiers. Pour Alain Gendre, responsable BPM et SOA chez Ilog, ' des architectes et ingénieurs orientés vers la
composition de services vont émerger afin de renforcer la culture de réutilisation des services existants ?" même quand ce travail a été effectué par quelqu'un d'autre. ' Par ailleurs, il faudra également sensibiliser
les utilisateurs de façon qu'ils sachent mieux définir leurs besoins en matière de services métier et mieux les contrôler. Une nouvelle profession va apparaître. L'appellation est encore floue. Gestionnaire de services ou administrateur SOA ?
Peu importe. ' Ce responsable veillera à la mise en place des services métier, les gérera, notamment en termes de sécurité, les référencera, et orchestrera les séquences d'enchaînements entre eux. Sans oublier l'organisation
de leur maintenance ', prophétise Chris Peytier. En particulier, l'administrateur SOA vérifiera que les services répondent aux objectifs en s'appuyant sur des contrats de niveaux de services. Et il fournira des statistiques
de comportement des services métier. Autrement dit, il analysera ce qui entre et qui sort du système d'information et tentera de regrouper et d'harmoniser le comportement des applications sur une seule console.
Les éditeurs démantèlent leurs progiciels
La révolution apportée par les architectures orientées services ne s'arrête pas là. Et les éditeurs comptent bien être de la partie. Aujourd'hui, ils remodèlent leurs offres de manière à en finir avec le progiciel monolithique,
lequel cèdera la place à un catalogue de services et à un orchestrateur. Cette recomposition devrait résoudre, au cours des deux ans à venir, le problème de découpage des applications métier, au fonctionnement par définition caché, en services
métier, puisqu'il n'existera plus que des services.D'ores et déjà, on distingue deux grandes familles d'acteurs qui tirent leur épingle du jeu. D'une part, les purs spécialistes des plates-formes d'orchestration (APS, ou Application Platform Suite) avec BEA, IBM, Microsoft,
Oracle, SAP, Software AG, Sun... Au gré des alliances ou des acquisitions, ceux-ci proposent toutes les fonctions nécessaires : l'orchestration, bien sûr, mais aussi la modélisation des processus, les flux de travaux, les moteurs de
règles, l'intégration d'applications d'entreprises (EAI) ou le bus de services (ESB). D'autre part, les éditeurs d'applications métier vont découper leur offre en services métier. IFS s'affiche déjà comme fournisseur de progiciels à base de services
SOA. D'autres devraient suivre. Entre ces familles, les ténors du PGI jouent sur les deux tableaux avec les services métier et les orchestrateurs. SAP avec Netweaver, Oracle avec Fusion, Microsoft avec BizTalk. De son côté, SAP annonce la
disponibilité de 500 services de base (créer un compte fournisseur ou client, avec consultation, modification...) et de 100 applications composites. L'an prochain, l'éditeur allemand en proposerait plus de 2 000. Pour sa part, Oracle mise,
depuis décembre 2005, sur SOA Suite ?" un produit qui permet de développer des services web, de les assembler, mais aussi de définir et d'orchestrer les processus métier tout en pilotant l'activité en temps réel (BAM, ou Business Activity
Monitoring). ' Les trois quarts de ces produits sont issus d'acquisitions. Autrefois, c'était une de nos faiblesses. Aujourd'hui, c'est un atout. Mais les clients ne sont pas obligés de tout prendre ',
éclaircit Michel Mariet, responsable marketing middleware chez Oracle.
Des annonces marketing à décoder avec prudence
' Cette redistribution des cartes constitue un moyen de gagner des clients ou de vendre des nouveautés aux clients existants ', souligne Chris Peytier.
' C'est une chance pour les petits éditeurs ', estime Pierre Haren, PDG d'Ilog. A condition que leurs services soient compatibles avec les diverses plates-formes d'orchestration. On peut l'espérer, ces
dernières étant censées respecter les standards SOA.' Cette approche n'est pas toujours bien maîtrisée par le marketing ', tempère Frédéric Godet, DSI Europe de ThyssenKrupp Elevator. ' Certains éditeurs
soutiennent qu'avec les architectures orientées services, il est possible de construire des services métier sur le système d'information existant. Et en même temps, ils font le contraire. Par exemple, ils arrêtent l'assistance sur des outils anciens
sur lequel vous voulez capitaliser. ' C'est le cas de Microsoft qui, d'un côté, vend son orchestrateur BizTalk et, de l'autre, a mis un jour un terme à l'assistance technique pour le système d'exploitation Windows Server NT4.
D'où une certaine grogne des utilisateurs. C'est peut-être la raison de sa récente décision de prolonger à nouveau ce service pour les grandes entreprises.Une certitude : la concurrence va s'exacerber sur deux fronts. A commencer par celui des PME. A cet égard, les intentions de SAP sont claires : ' Nous sommes convaincus qu'elles sont concernées
en priorité par les architectures orientées services. D'ailleurs, notre première offre entièrement SOA leur est destinée en priorité ', dévoile Edmond Cohen, responsable grands comptes SOA chez SAP Europe. L'enjeu serait de
capter dans les cinq ans près de six fois plus de clients. Quant au second front, il s'ouvrira du côté des logiciels libres. Lesquels se bâtissent, par nature, sur les standards. Pour l'heure, sachant qu'il faut environ huit ans pour que le logiciel
à code ouvert vienne concurrencer une offre industrielle à code fermé, nous serions au milieu du gué.
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