Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
L'Etat use des technologies de l'information comme d'un levier de modernisation. Réussir la mutation suppose la redéfinition précise du rôle de l'Administration et un dialogue soutenu avec les utilisateurs de ses services.
Client ou utilisateur ? La distinction doit être bien claire. En économie, un client est ' une personne qui achète un bien de consommation ', l'utilisateur ' une personne qui utilise un service public, le domaine public '. Marquant ainsi la frontière entre le secteur privé et le secteur public. Le salarié du premier n'a certes pas les mêmes motivations qu'un fonctionnaire. Pourtant, tout comme lui, l'agent du secteur public se montre curieux de savoir ce que pense son ' utilisateur '. Curieux de savoir qui il est, ce dont il a besoin, ce qui le satisfait. Un peu naïf, comme un petit prince qui demanderait : ' Dessine-moi un client. ' Or le secteur public a tendance à agir comme s'il était davantage au service de sa propre activité, et faisait face à des usagers, plutôt que d'avoir à satisfaire des clients.Les technologies de l'information, souvent présentées comme la baguette magique du changement, exacerbent cette vision, car elles tendent à mettre sur un pied d'égalité le fonctionnement de l'entreprise et celui de l'Administration. Avec une limite toutefois. Dans son principe, le rôle du secteur public n'est pas de donner satisfaction de façon absolue, comme dans le privé. Cependant, trop souvent, le citoyen tient le rôle d'un client captif, ' ce qui ne pousse pas à l'excellence ', reconnaît un haut fonctionnaire. S'il n'est pas question de contenter un contribuable sur le montant de ses impôts, ce qui relève du politique et des choix de la majorité parlementaire, il est intéressant, en revanche, de savoir comment ce citoyen apprécie le service de déclaration de revenus en ligne, s'il le juge simple ou compliqué, quel est l'accueil réservé à celui qui pose des réclamations.
La Lolf, inconnue de 50 % des fonctionnaires
Les technologies récentes permettent à la fois d'améliorer un service et d'en mesurer les effets. Dans le privé, depuis des années, les systèmes de gestion de la relation client (GRC) se multiplient, les moyens et les processus ont été rénovés. Bien plus que dans le public ?" où ils prennent la dénomination de Gestion de la relation citoyenne. Pourquoi ? La réponse n'est pas technologique, mais organisationnelle et structurelle. Comme le prouvent deux études récentes. La première est qualitative. Conduite par Accenture ?" avec ses jeunes consultants ?", les étudiants de Sciences Po et du Groupe des écoles de télécommunications (GET), elle est publiée sous la forme d'un livre blanc titré Modernisation de la relation citoyen-Administration et technologies. La seconde, quantitative, a été réalisée par Unilog Management en partenariat avec TNS Sofres. Elle témoigne de la faible connaissance et de la satisfaction relative des citoyens et fonctionnaires quant aux services et aux performances de l'Etat.Exemple significatif avec la Lolf (Loi organique relative aux lois de finances) dont, selon TNS Sofres, la moitié des fonctionnaires d'Etat n'ont jamais entendu parler. ' Elle est souvent considérée comme un simple changement comptable, explique Didier Menusier, associé Unilog Management, en charge du secteur public. Elle constitue cependant une véritable révolution culturelle pour l'Administration. ' Et si 84 % des Français ignorent son existence, l'informatisation qui en résulte affecte pourtant le quotidien de chacun. L'Etat use des nouvelles technologies pour répondre aux demandes des citoyens. Lorsque le Trésor offre la possibilité au contribuable de payer ses impôts sur internet, il vise à réduire ses coûts de fonctionnement comme à satisfaire les 53 % de Français qui réclament une simplification et une amélioration de l'accès aux services administratifs.
Aller à la rencontre des utilisateurs
Autre témoignage pratique, à l'intention des entreprises cette fois, de Joëlle Vaucelle, directrice de la communication du GIPMDS (groupement d'intérêt public Modernisation des déclarations sociales). Lequel se donne pour mission de faire travailler ensemble des administrations et des personnes de cultures, de métiers et d'origines très différents. Issues d'institutions fortes, porteuses d'histoire, d'un sentiment d'appartenance, d'une identité. Ici, ' l'incompréhension des entreprises envers les acteurs de l'Administration était forte ', admet-elle. Là, pour avancer dans le bon sens, il fallait créer des télédéclarations communes. Un point de vue qui correspond à la demande des ' clients ' d'une mutualisation des formulaires. Le GIP a répondu présent, grâce à l'esprit de start up qui y régnait alors. Avec une méthode simple, d'entreprise privée : un, rencontrer des utilisateurs ; deux, répondre à leurs besoins et les transformer en clients. Dès lors les grands leviers de la modernisation de la relation entre l'Etat et le citoyen apparaissent. Claude d'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire en distingue trois. ' D'abord, renforcer notre capacité managériale, (...) afin de progresser dans les dispositifs et outils d'animation et de contrôle, en s'inspirant des bonnes pratiques du privé. Ensuite, les nouvelles technologies, qui peuvent être un formidable levier pour le changement. Enfin, une prise de conscience des enjeux des réformes. '
Pour changer, d'abord penser que c'est possible
A ce stade, il est net que l'absence d'indicateurs de résultats, d'outils décisionnels qui matérialiseraient la satisfaction des clients et le résultat financier d'une entreprise nuit à la bonne gestion d'une administration. Cela peut être même préjudiciable au changement. Voilà pourquoi Antoine Brugidou, vice-président d'Accenture, perçoit quatre éléments clés à prendre en compte. D'abord une lucidité et une forte conviction. ' Pour changer dans le secteur public, il faut commencer par penser que c'est possible. ' Ensuite, se doter d'une méthodologie de conduite du changement. ' Le mariage du savoir-faire technique et du savoir-faire humain est essentiel. ' Il faut ensuite s'appuyer sur une infrastructure de changement. ' De ce point de vue l'informatique est un levier puissant, car les projets informatiques s'inscrivent dans la durée. Ils mettent en ?"uvre des moyens, ils utilisent des méthodologies. ' Enfin, une gouvernance robuste s'impose : ' Un très grand nombre de projets échouent par manque de pilotage. 'La conclusion est rapide : l'informatique et les télécommunications ne sont qu'un élément qui révèle que le rapport à l'information, à la hiérarchie et au client-utilisateur a changé. En ce domaine, l'Administration ne fait que débuter.