Une industrie planétaire objet de toutes les convoitises
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Avec plus de deux milliards d'abonnés dans le monde, le succès du cellulaire n'est plus à démontrer. Une dynamique à laquelle les acteurs issus de l'informatique et de l'audiovisuel cherchent à se raccrocher dans la perspective d'une possible redistribution des cartes.
Quo non ascendet ? Jusqu'où le cellulaire ne montera-t-il pas ? L'analogie avec la devise de Nicolas Fouquet, le surintendant général des Finances de Louis XIV dont l'immense fortune entraîna finalement la chute, est sans doute excessive. Mais le cellulaire, qui bouscule chaque année un peu plus le paysage des télécommunications, concentre de tels enjeux industriels et capitalistiques qu'on se demande parfois vers quoi se dirige réellement le secteur. Imperceptible au départ, le boom du cellulaire a progressivement transformé l'écosystème des technologies de l'information. D'une édition à l'autre du 3GSM World Congress, de la Croisette à Montjuïc, à Barcelone, le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur. Au-delà des acteurs traditionnels que sont les opérateurs cellulaires, les fournisseurs d'infrastructures et les fabricants de terminaux, tout le monde cherche aujourd'hui à s'engouffrer dans la brèche : constructeurs informatiques, éditeurs de logiciels, fournisseurs de jeux et de contenus vidéo, de messageries instantanées, maisons de disques et majors du cinéma, chaînes de télévision, détenteurs de droits en tous genres, notamment sportifs, etc. Mais où cela s'arrêtera-t-il ? Jusqu'où les consommateurs accepteront-ils de payer pour de nouveaux services ou applications ? Car, au-delà des effets d'annonce, l'essentiel des revenus provient toujours de la téléphonie vocale et, dans une moindre mesure, des SMS, ces minimessages dont personne n'avait réellement prévu l'explosion...
Un relatif décollage de l'UMTS en Europe
Malgré ses échecs (le WAP, la visiophonie, les services contextuels ou géolocalisés), l'industrie du cellulaire est un peu à l'image du mouvement perpétuel, que ce soit en termes d'applications, de convergence technologique ou de déploiement de nouveaux réseaux toujours plus performants, tel le HSDPA (High speed downlink packet access), qui devrait prochainement porter de 384 kbit/s à 2 Mbit/s les débits de l'UMTS. Une perspective qui crée une inévitable surenchère (comme la récente annonce de Dell selon laquelle sa prochaine génération de PC portables à destination des abonnés de Vodafone en Allemagne, en France et au Royaume-Uni intégrera d'emblée une carte de connexion HSDPA). Il est vrai que le lancement de l'UMTS ?" dont il faut toutefois relativiser le décollage en Europe ?" a largement contribué à l'emballement médiatique. Deux ans après l'ouverture des premiers services, le taux de pénétration est, selon Forrester Research, de l'ordre de 6 % en Europe, soit 23,5 millions d'abonnés fin 2005. Et encore les chiffres sont-ils très disparates selon que l'on parle de l'Italie (15 %) et du Royaume-Uni (11 %) ou de l'Allemagne (4 %) et de la France (2 %). Nettement supérieur en Italie ou en Grande-Bretagne, ce taux s'explique surtout par la présence d'Hutchison, qui a dynamisé l'UMTS en se montrant très agressif dans le domaine de la voix ! Ce qui n'empêche pas les analystes de rester globalement optimistes quant à l'avenir de cette industrie.
IP redistribuera-t-il les cartes ?
Strategy Analytics estime ainsi que le nombre d'abonnés mobiles dans le monde devrait encore progresser de 20 % cette année et atteindre 2,5 milliards. Désormais tiré par les pays émergents (Chine, Russie, Inde, Indonésie, Brésil, Algérie et Nigeria), le cellulaire reste donc une valeur sûre. Mais les perspectives, du moins en Europe occidentale, ne sont peut-être qu'en demi-teinte. Outre la réaction du public à l'introduction de nouveaux services, comment évaluer l'impact de la convergence entre services fixes et mobiles ? De même, l'irruption du protocole IP dans le cellulaire avec des terminaux (comme ceux qui sont développés par Q-Tek, Netgear, Philips, Motorola ou Nokia) susceptibles d'intégrer des logiciels de type Skype ou Wengo ne sera pas sans conséquence. Après avoir bousculé les opérateurs historiques dans la téléphonie fixe, comment les géants du cellulaire (Vodafone, T-Mobile, Telefónica, Orange ou China Mobile) réagiront-ils à cette offensive ? Sauront-ils préempter le marché ou s'efforceront-ils de reculer les échéances ?La question est ouverte et les parades ?" qui existent ?" ne devraient pas tarder à être mises en ?"uvre (comme la possibilité de ' dégrader ' les sessions qui utiliseraient le canal des données pour acheminer des communications vocales, ou l'introduction dans le réseau de filtres capables de bloquer ce type de sessions, à l'instar de ce que propose l'américainVerso Technologies). De même, la pression réglementaire risque de s'accroître, notamment autour de l'itinérance internationale, qui assure des marges plantureuses aux opérateurs. Quant à l'ampleur du phénomène de la télévision sur mobile, elle est encore mal appréhendée. Surtout qu'avec l'arrivée prochaine du DVB-H (qui utilise un canal dédié de la TNT), les opérateurs vont devoir partager le pouvoir avec d'autres acteurs. De même, le potentiel ?" qui semble important ?" du machine-to-machine (M2M) est difficile à évaluer sur le plan économique. Reste la question des terminaux, l'un des points forts du dispositif puisque de nombreuses spécifications découlent des choix effectués par l'opérateur qui, par ce biais, garde un lien privilégié avec ses abonnés. À condition que l'irruption des constructeurs informatiques et des éditeurs de logiciels ne chamboule pas cet équilibre !
Le marché chinois, véritable eldorado
Au-delà des usages, la bataille est également industrielle, même si elle se déplace vers les pays émergents, dont la Chine populaire. À telle enseigne que les deux principaux équipementiers chinois (Huawei et ZTE) sont désormais présents sur la scène occidentale (Huawei fournit notamment l'infrastructure 3G du néerlandais Telfort). Quant au marché local, qui compte déjà quelque trois cent cinquante millions d'abonnés, il semble toujours aussi prometteur. À deux ans des j e ux Olympiques de Pékin, la Chine s'apprête enfin à se lancer dans la 3G. Un contexte dans lequel devraient finalement cohabiter les trois standards mondiaux (CDMA 2000 d'origine américaine, W-CDMA d'origine européenne, TD-SCDMA d'origine chinoise). Avec, à la clé, une bataille industrielle et commerciale afin de se partager un marché évalué à plus d'une cinquantaine de milliards de dollars et où les constructeurs occidentaux ont, en définitive, autant à perdre qu'à gagner !