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Recrutements en hausse et chômage au plus bas, le marché est proche du plein-emploi. La crise financière ainsi que la montée en puissance de l'offshore pourraient toutefois dégrader ce beau climat.
Les faits
L'Apec et la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail) ont publié cet été des indicateurs sur le marché de l'emploi. Le premier concerne le recrutement des cadres, le second le chômage.
L'analyse
Jusqu'ici tout va bien. La publication des chiffres d'affaires semestriels des grandes SSII a rassuré les esprits. En dépit du recul du PIB au deuxième trimestre, les sociétés de services maintiennent le cap et continuent à embaucher. A lui seul, Sogeti prévoit de recruter 800 ingénieurs d'ici à la fin de l'année. Un signal positif pour le marché de l'emploi, les SSII étant à l'origine de près de trois offres d'emploi sur quatre dans les TIC. Locomotive de l'emploi cadre, la fonction informatique représentait en juillet un tiers des annonces diffusées par l'Apec. Soit une hausse de 34 % sur douze mois. Mécaniquement, le chômage poursuit, lui, sa décrue. Selon la Dares, le taux de chômage de la profession s'établit, fin juin, entre 3,5 % et 5,2 % selon que l'on prenne ou non en compte toutes les catégories de demandeurs d'emploi.Avec un tel taux, comparable à celui enregistré en 2000 ?" au plus haut de la bulle internet ?", le marché évolue dans une situation de quasi plein-emploi. Ce qui crée des tensions. Le nombre de candidatures par offre diffusée par l'Apec est passé de plus de 100, en 2003, à moins de 20 actuellement. Fait nouveau, cette situation concerne tous les profils et pas uniquement les jeunes diplômés dont les SSII sont particulièrement friandes. Au deuxième trimestre, ces derniers représentaient 17 % des embauches, à peine plus que pour la moyenne cadre toutes fonctions confondues (15 %).
Encore quelques mois de répit
L'avenir s'annonce toutefois moins rose. Si 92 % des SSII ont recruté au cours du deuxième trimestre, elles ne seraient que 84 % à le faire au troisième. Une anticipation de la crise financière qui pourrait, finalement, toucher le secteur ? Celle-ci n'a eu, pour l'instant, que peu d'impacts sur les investissements des banques ?" un peu plus de 16 % des dépenses informatiques en France ?" mais elle pourrait, selon Pierre Audoin Consultants, ' représenter un frein et initier des mouvements de repli dès la fin 2008 '.Infléchissement ou non, ce mois de septembre sera décisif. ' Les nouvelles de cet été, le recul du PIB notamment, pourraient être de nature à freiner l'engouement des DRH. Mais il y a actuellement un tel déséquilibre entre l'offre et la demande que, selon notre estimation, la dynamique se poursuivra sur plusieurs mois ', se rassure Mathieu Le Nir, du cabinet de recrutement Robert Walters. En attendant, les SSII, frileuses, ne délient pas les cordons de la bourse afin de maintenir des marges ' historiquement faibles ', selon les termes de Syntec Informatique. La chambre patronale a d'ailleurs fâché les syndicats en proposant cet été une revalorisation des minima salariaux conventionnels de 2,9 %... à partir de janvier 2009. Inférieure à l'inflation qui s'établit à 3,6 % sur douze mois. Dans le même temps, IBM présentait son plan salarial. Pas d'augmentation générale mais des augmentations individuelles pour un salarié sur deux ?" les ' hauts performeurs ', selon la CFDT ?" dans la limite de 1,7 % de la masse salariale. Pas de quoi contenter des salariés qui, depuis le début de l'année, ont enchaîné les grèves sur le thème du pouvoir d'achat chez IBM, mais aussi chez Capgemini ou Altran. ' Les manifestations ont surtout eu lieu dans les métropoles régionales, à Rennes, Grenoble, Toulouse ou Amiens, fait observer Ivan Béraud, secrétaire national de la F3C CFDT. Avec un nombre de SSII resserré, les salaires en province progressent moins vite qu'en Ile-de-France. Plus âgés, installés avec femme et enfants, les informaticiens n'y ont d'autre alternative que de changer d'employeur pour être augmentés ?" ce qui accélère le turnover ?" ou de se faire entendre. ' Il craint une radicalisation du mouvement à la rentrée.
Les craintes de la réforme du temps de travail
D'autant qu'un nouveau motif de mécontentement se rajoute : la réforme du temps de travail. Adoptée par l'Assemblée en pleine torpeur estivale, la nouvelle loi risque de rogner sur les RTT des cadres soumis au forfait jour. C'est-à-dire 70 % du personnel en SSII si on associe les salariés soumis à un régime hybride combinant forfait en heures et jours de repos assimilés à des RTT. La durée légale hebdomadaire de trente-cinq heures reste inchangée mais elle ne devient qu'une référence à laquelle l'employeur peut déroger par accord d'entreprise ou en négociant auprès de chaque cadre. ' Si la remise en cause d'accords paraît aujourd'hui difficilement imaginable, elle pourrait intervenir à moyen terme dans les PME sans représentation du personnel ou syndicale, s'inquiète Régis Granarolo, président du Munci. On passerait alors à 218 jours travaillés contre 207 à 210, la norme actuelle. 'Les informaticiens ne sont pas non plus à l'abri des restructurations. Ares, l'ex-distributeur converti en SSII, et le fabricant Maxdata ont été placés en redressement judiciaire. Après avoir procédé à 2 000 suppressions de postes, Sun pourrait annoncer, lui, de nouvelles coupes d'ici à la fin de l'année, notamment en Europe. Alors que les effets sur l'emploi de sa fusion avec EDS seront connus le 15 septembre, HP prévoit d'ores et déjà, selon l'intersyndicale, de fermer en janvier 2009 les agences de Bordeaux, d'Aix-en-Provence, de Rennes, de Rouen et de Paris-Nord II. Les 79 salariés concernés auraient le choix de se rattacher à l'agence la plus proche ou de passer au télétravail. Une mobilité forcée qu'ont récemment connue les employés de la division intégration d'Atos Origin avec le redéploiement en région de 700 collaborateurs installés en Ile-de-France.Mais il y a beaucoup moins dispendieux que la province : les destinations exotiques comme l'Inde ou le Maroc. Les grandes SSII européennes l'ont fait savoir à l'occasion de la publication de leurs résultats. Elles stabilisent leurs effectifs ' occidentaux ' tandis que leurs troupes offshore continuent de croître. Au cours du premier semestre, les effectifs de Capgemini progressaient de 13,8 % dans les pays à bas coût et de façon quasi nulle en ' onshore '. La SSII comptera plus de salariés en Inde qu'en France à la fin de l'année ! Du côté d'Atos Origin, l'effectif indien a progressé de 14,6 % sur les six premiers mois alors que l'effectif hexagonal se contractait de 1 %.Chassé-croisé sur la route des Indes, les récents grands contrats d'infogérance témoignent, eux, d'une percée des SSII indiennes. Wipro est l'un des quatre consortiums retenus par Michelin pour la maintenance et le développement de ses applications. Arcelor Mittal a signé, pour sa part, avec le tandem Mindtree-Sopra pour l'assister dans la consolidation de son parc applicatif européen. Et SFR aurait, selon le quotidien Les Echos, présélectionné Infosys et Wipro dans le cadre d'un appel d'offres.Les donneurs d'ordre ne sont pas non plus étrangers aux effets de la mondialisation. Alors qu'il se développe en Inde ou en Roumanie, Renault supprimera en Europe 5 000 emplois dits ' de structure ' (ingénieurs, techniciens...). Le plan de départs volontaires pourrait, selon l'AFP, toucher les centres d'ingénierie de Guyancourt, Rueil ou Villiers-Saint-Frédéric. A l'image du plan Power8 d'Airbus, les sous-traitants spécialisés dans le conseil en technologie ou l'informatique embarquée seraient également touchés.
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