Vingt à vingt-cinq coques différentes testés numériquement pour l'Odonata
Architecte naval, Tanguy Le Bihan a de plus en plus recours à la simulation numérique pour optimiser les bateaux qu'ils conçoit. Une pratique coûteuse, mais de mieux en mieux acceptée par les chantiers navals.
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Basé à Dirinon, près de Plougastel-Daoulas, TLB Architecture navale conçoit des bateaux pour des particuliers, des professionnels de la pêche ou du transport maritime ou des industriels tels que Beneteau. A la tête de l'entreprise, Tanguy Le Bihan. « Nous nous orientons clairement vers la maquette numérique. Nous modélisons entièrement en 4D (la 3D plus le temps) nos bateaux : nous évitons ainsi les erreurs de conception du style portes qui ne s’ouvrent pas, et cela nous permet aussi de réaliser les bateaux en découpe numérique. Nous sommes aujourd’hui capables de découper au laser des pièces de 25 à 30 mètres de long avec une précision inférieure au demi-millimètre. »

La 3D révolutionne progressivement le secteur de la construction navale et la simulation commence à s'imposer, même si les surcoûts induits par ces études l'empêchent d'être systématique sur les petits projets : « Les chantiers navals commencent à comprendre les gains qu’ils peuvent tirer de ce type d’études. En consacrant plus de temps en ingénierie et en simulation, ils en gagnent pour la suite. Ce n’est pas de l’argent perdu. Cette approche entre peu à peu dans les mœurs, alors que le secteur était, ne serait-ce qu’il y a dix ans, encore très artisanal. »
La simulation reste une pratique coûteuse
Pour les donneurs d'ordre comme pour l'architecte naval, la simulation numérique reste onéreuse. Tanguy Le Bihan n'y a recours que lorsque le projet l'impose, « notamment pour concevoir les bateaux professionnels. Je dois alors garantir une vitesse, de 35 nœuds par exemple, en deçà de laquelle j’ai des pénalités. En outre, sur ce type de projet, le budget est conséquent et on peut en consacrer un pourcentage relativement correct au volet simulation. Autre cas : celui des bateaux construits en grande série, comme ceux que je fais pour Beneteau. J’ai travaillé sur les flux à l’arrière d'un modèle qui va être dévoilé prochainement, la simulation permettant de vérifier que les occupants ne seront pas éclaboussés par les vagues de sillage… »

Plusieurs facteurs militent aujourd'hui pour une généralisation des études en simulation numérique : « Certains facteurs, comme les contraintes environnementales ou l’augmentation du coût des matières premières jouent en la faveur de la simulation. Si, par exemple, on parvient à gagner 150 kilos sur un bateau grâce à des essais de structure, c’est peu à l’unité, mais sur une série de 1 000 exemplaires, ça devient significatif. » Parmi les projets sur lesquels l'architecte a fait appel à la simulation numérique, l'Odonata, un bateau à propulsion électrique aujourd'hui fabriqué et commercialisé par E3H : « Pour ce bateau, un trimaran électrique, la puissance installée étant plutôt faible, j’ai fait un gros travail de simulation pour améliorer la coque. J’ai en ainsi testé entre 20 et 25 différentes. Au-delà, les gains apportés ne sont que des broutilles ; c’est le rôle de l’architecte naval de réaliser le choix final, notamment d'estimer les gains en vitesse d’un design et les pertes en stabilité que cela peut engendrer. »
Les tests en bassin restent nécessaires

Tanguy Le Bihan modélise ses projets sur le logiciel Rhino, qu'il complète de multiples plug in pour l'adapter à la conception de bateaux. « Je réalise personnellement quelques simulations, mais j’en sous-traite beaucoup auprès du bassin de l’Ecole centrale de Nantes. Il faut bien voir que les calculs en CFD demandent énormément de travail préparatoire, notamment pour ce qui est du maillage des modèles. La simulation est employée en complément aux tests en bassin. Une maquette au dixième ou au cinquième de la coque est construite, sur laquelle on tire en bassin. Les mesures réalisées sont introduites dans les codes pour recaler les modèles. C’est important de disposer d'informations réelles, car nous sommes dans un domaine de simulation très complexe : le bateau est un solide qui évolue pour partie dans l’eau pour sa partie immergée et pour partie dans l’air. Par exemple, nous ne disposons de code pour simuler le déferlement des vagues que depuis trois ans. Les choses s’améliorent petit à petit et un jour peut-être, on pourra se passer du réel, mais pour l’instant, on a toujours besoin d’un peu d’empirique. »
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