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CNP Assurances est passé dans la douleur à la téléphonie sur IP. Mal coordonné, le projet a suscité nombre de frictions. Points de vue.
Dès 2003, la société CNP Assurances prend la décision de passer à la téléphonie sur IP. A ce moment, peu de grands comptes osent investir dans une technologie que fournisseurs et consultants qualifient pourtant d'inéluctable.
L'entreprise se doute qu'elle va devoir essuyer les plâtres. Elle ne sera pas déçue !Trois ans après le lancement de l'appel d'offres, la solution, qui sous-tend une messagerie unifiée, fonctionne. Néanmoins, le déploiement n'a pas été de tout repos. Plus de 3 000 postes ont subi des dysfonctionnements :
médiocre qualité des transmissions, pertes d'appels et de messages. Ces derniers ne parvenaient pas toujours dans les boîtes vocales des destinataires, et se retrouvaient stockés sur des serveurs qu'il a fallu purger par la suite. Les différents
protagonistes ?" DSI, assistant à la maîtrise d'ouvrage, maître d'?"uvre, éditeur et constructeur ?" se renvoient la balle pour expliquer les ratés. Quant au responsable à l'origine du projet, membre des services généraux, il n'a pas
souhaité s'exprimer. Tour d'horizon d'un projet de 2 millions d'euros qui a bien failli ne pas voir le jour.
Pour la DSI, un manque de concertation
' Je crois que tout le monde a bien fait son travail, mais chacun dans son coin ', avance Phat Chua Lim, directeur informatique de CNP Assurances. S'agissant d'un projet qui consistait à
faire passer la voix sur le réseau de transmission de données, la DSI aurait dû être tenue informée. ' La voix sur IP est typiquement une affaire d'informatique. Il apparaît difficile, voire impossible, pour les services
généraux de mener à bien seuls un tel projet, poursuit-il. Je parle uniquement de compétences et de connaissances. Je ne cherche pas à défendre un quelconque pré carré. ' Sans se montrer très gourmande en
bande passante, la voix réclame des réseaux bien dimensionnés et un niveau de priorité plus élevé que les autres trafics. La DSI a donc repris la main en cours de déploiement. Elle a dû muscler l'architecture de réseau en passant de 10 à
100 Mbit/s. ' Le projet était piloté par les prestataires, mais pas de manière assez serrée, affirme Phat Chua Lim. Nous nous sommes demandé si nous devions poursuivre ce déploiement. Or les
fournisseurs nous ont affirmé qu'ils allaient résoudre tous les problèmes. '
Pour l'assistant à la maîtrise d'ouvrage, la DG ne s'est pas assez engagée
' Pour ma part, ce déploiement ne s'est pas montré plus difficile qu'un autre ', se défend Georges Mokhbat, directeur général d'IT. Cal, société de conseil et gestion de projets
spécialisée en télécoms. Les problèmes ?" s'il y en a eu ?" sont venus de l'organisation, estime-t-il. ' La direction générale aurait dû s'engager plus fermement. ' Une nouvelle application
s'accompagne de nouveaux usages et de nouveaux modes d'emploi, qui auraient mérité d'être expliqués de façon plus approfondie. ' Les utilisateurs se sont plaints, les syndicats sont montés au créneau, et les directeurs ont
accusé la technologie ', déplore-t-il. Or, selon lui, ce n'est pas l'équipe téléphonie des services généraux qui aurait travaillé seule dans son coin, mais bel et bien la DSI qui a ' voulu rester en
vase clos '. A propos du logiciel de messagerie unifiée, Georges Mokhbat justifie le choix de Tetco par les lacunes de la solution d'Alcatel. Laquelle ne répondait pas totalement aux spécifications du client ?" en
particulier pour la réception de fax.
Pour le maître d'?"uvre, une incompatibilité entre les solutions
Chez Axians, le son de cloche est un peu différent. Le partenaire intégrateur d'Alcatel a répondu à l'ensemble des lots lors de l'appel d'offres lancé par CNP Assurances. Mais il n'a pas été sélectionné pour la messagerie unifiée. Et
aujourd'hui, il émet des critiques concernant le choix de Tetco, préféré à la solution d'Alcatel qu'il proposait. ' La messagerie de Tetco et l'IPBX d'Alcatel n'étaient pas en mesure de communiquer entre eux,
constate Jean-Pierre Lioult, directeur régional d'Axians. L'éditeur ne proposait que le protocole Cusig, et pas de lien IP, nécessaire à l'interfaçage entre les deux plates-formes. ' Afin de répondre aux questions
du client, les fournisseurs se sont réunis dans l'intention de mettre les choses à plat.
Pour l'éditeur de messagerie unifiée, un problème de distribution des appels
' Les problèmes majeurs que nous avons rencontrés lors du déploiement étaient liés à une distribution assez anarchique des appels entre les systèmes et au changement d'architecture en cours de
déploiement ', affirme Tristan Dessain-Gelinet, directeur général de Tetco. Les besoins du groupe d'assurance ont évolué durant le déploiement. Notamment, les utilisateurs se sont montrés très regardants sur la manière
d'utiliser la messagerie unifiée. De ce point de vue, la transition fonctionnelle s'est révélée plutôt difficile. Tristan Dessain-Gelinet évacue les problèmes de compatibilité de son logiciel avec le PABX Alcatel, pour lequel il a dû développer une
interface. En revanche, il tient à bien séparer les spécialités : ' La messagerie n'est pas, selon moi, le même métier que le PABX. C'est un monde à part. Même dans le cadre du tout-IP. ' L'éditeur
reconnaît que la VoIP reste un univers difficile, et loin d'avoir atteint la maturité de la voix commutée.
Pour le constructeur, un manque de préparation
Alcatel ne se situait pas en première ligne sur le dossier. Il n'empêche, le constructeur s'est vu lui aussi concerné. En effet, la qualité de la voix a, un temps, été montrée du doigt. ' Dans les prérequis,
devrait figurer un audit du réseau pour s'assurer qu'il supportera l'application voix. Je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu un au début du projet ', note Philippe Mielle, directeur marketing de la branche entreprises
d'Alcatel. Quant à la compatibilité avec la messagerie unifiée de Tetco, le constructeur affiche clairement son point de vue : ' IT.Cal aurait dû vérifier la compatibilité du logiciel avec notre programme
AAPP ' (Alcatel Application Partner Program, ou programme de qualification de partenaires ?"NDLR). Pour résoudre le problème, Alcatel a accepté de fournir à Tetco toutes les spécifications nécessaires au développement
d'une interface de communication entre les deux solutions. Alors que le client semblait découragé, Alcatel affirme ' avoir mis tout en ?"uvre pour que cela fonctionne '. Et de conclure :
' Nous sommes même allés au-delà de nos engagements, car ni nous ni Axians n'étions en cause. 'j.desvouges@01informatique.presse.fr
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