Votre site d'e-commerce est-il prêt pour la loi Hamon ?

Formulaire de rétractation, information sur la livraison et les moyens de paiement, case à cocher pour la vente de produits complémentaires... la loi Hamon impacte directement le parcours de l'internaute jusqu'à l'acte d'achat.
Le 13 juin, la loi Hamon qui modifie le code de la consommation entrera en vigueur. Elle impacte tout particulièrement les sites d'e-commerce, mais pas tous les sites web de la même manière. « Pour les e-marchands au niveau européen la mise en conformité devrait être plus facile car la loi Hamon est une transposition d’une directive européenne sur la vente à distance», explique Hélène Lefebvre, consultante e-commerce chez Smile. Certaines contraintes sont ainsi déjà en vigueur en Allemagne. Il suffit de déployer les changements sur les sites français.
Par contre, « pour les cybermarchands qui ne vendent qu’en France, il faut tout mettre en place », poursuit Hélène Lefebvre. Des changements sont nécessaires à la fois en front-office (visible par l’internaute) et en back-office (au niveau de la logistique). « Beaucoup de sites ne sont pas encore à jour. Or, la loi donne plus de pouvoir à la DGCCRF (NDLR Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les sanctions pourraient donc être plus immédiates » met-elle en garde.
Droit de rétractation : un formulaire standardisé
« Le scénario légal de droit de rétractation a changé. Il commence à courir à partir de la réception physique du bien par le client et non plus à partir de l’envoi par le marchand », explique Hélène Lefebvre. Autrement dit, un acheteur peut annuler ou changer sa commande tant qu’il n’a pas reçu le colis en main propre, même si l’e-commercant le lui a déjà envoyé. Le marchand doit dont pouvoir accepter la rétractation et ce pendant 14 jours, contre 7 précédemment.
« Au niveau du risque business, c’est important » prévient Hélène Lefebvre. Cela altère la marge. Pour diminuer le risque, il faut donc augmenter les prix, être plus exigeants vis-à-vis des transporteurs, avoir une assurance dédiée, ou encore obliger une signature du client à la livraison. A noter : toutes les catégories de produits ne sont pas concernées comme les robes de mariées et les lunettes de vue.
Sur le site web, un formulaire de rétractation devra être proposé aux clients. Un décret devrait paraître avec un modèle de formulaire standardisé à utiliser. Pour les sites web possédant déjà un formulaire de rétractation, il suffira de le mettre à jour au moment de la parution du décret. Pour les autres, la loi autorise l’utilisation de formulaire en PDF imprimable. « Les marques qui ont un service client très présent ont intérêt à utiliser le formulaire PDF», conseille Hélène Lefebvre. Si plus de travail en back-office est alors nécessaire, cela permet d’avoir un contact personnalisé avec l’acheteur qui veut abandonner son achat. La solution PDF sera aussi plus facile à mettre en place lorsque le décret paraîtra.
Les informations sur les conditions de frais de retour (légalement à la charge du consommateur mais parfois offerts) devront être correctement affichées dans les conditions générales de vente. Le remboursement devra, quant à lui, se faire a priori avec le même moyen de paiement que celui utilisé par le client lors de la transaction. La gestion de la rétraction n’est pas si facile, en partie car elle est source de fraude avec la nécessité de tenir compte lors du remboursement des code promo, des points gagnés sur les paniers et des remises qui ont été faites.
Les obligations d’information : tout récapituler sur une seule page
Le tunnel de commande (i.e. le parcours de l’internaute sur le site du produit à l’acte d’achat) doit être adapté à la nouvelle réglementation. Il y a notamment des contraintes d’information au niveau des modes de livraison disponible. « Un récapitulatif de tout ce qui compose la commande doit être proposé avant de valider le paiement », explique Hélène Lefebvre. Comme sur le site wanimo (capture d’écran ci-dessous), le marchand doit préciser sur une même page : les options, le mode de livraison, l’adresse, le coût.

La plupart des sites fournissent déjà ces informations, mais plus ou moins bien et de manière plus ou moins complète. « Toutes les informations ne se trouvent pas toujours sur la même page » ajoute Charles Houssiaux, consultant e-commerce chez Smile. Dès la page panier, il faut mentionner les moyens de paiement acceptés et les modes de livraison proposés en fonction des produits.
Pour afficher les informations, deux méthodes sont possibles. D’abord un affichage informatif générique et pas spécifique aux produits commandés dans une boîte de dialogue ou un bloc qui se déploie. Ensuite, un affichage calculé en fonction du panier. « La deuxième méthode est plus compliquée à mettre en œuvre mais meilleure d’un point de vue utilisateurs. Les visiteurs ont tendance à remplir leur panier pour estimer les frais de livraison et comparer non pas les prix des produits entre les sites de commerce en ligne, mais le coût réel d’achat avec les assurances, les frais de livraison ou les options cadeaux payantes », détaille Hélène Lefebvre
Au niveau de la livraison, l’acheteur devra être averti lorsque le délai de livraison d’un produit est plus important qu’un autre (voir capture ci-dessous). De la même manière, si le produit n’est disponible qu’en précommande, cela devra être explicitement précisé. « Aujourd’hui, ce cas n’est souvent pas très bien traité par les emarchand », regrette Hélène Lefebvre.

Selon les sites web, l’insertion de ces informations sera plus ou moins compliquée. Lorsque l’information est statistique, ce n’est pas compliqué à mettre en place, sauf pour les sites qui n’utilisent pas de CMS (Content management system). Pour les informations calculées, tout dépend des informations disponibles. « Pour pouvoir afficher des informations différentes en fonction des produits dans le panier, il faut savoir à quelle catégorie chaque produit appartient », explique Hélène Lefebvre. Or, l’information n’est pas toujours présente dans le catalogue produits.
Le bouton de validation de la commande : un libellé peu rassurant
Lors de la dernière étape du paiement, le libellé du bouton de validation sera obligatoirement « Commande avec obligation de paiement ». « Cette formulation n’est pas très rassurante, cela peut soulever des questions », explique Hélène Lefebvre. L’internaute risque, par exemple, de se demander si le retour du produit est possible. « Les commerçants qui ont un réseau de boutiques ont tout intérêt à rajouter un bloc de texte à côté du bouton précisant que l’échange et le remboursement en magasin sont possibles. C’est un bon moyen de contrebalancer le libellé » conseille Hélène Lefebvre.
Ceci dit, la loi précise que le bouton pourra utiliser une formule analogue. Il devrait donc être possible d’adapter l’intitulé. Mais « au-delà de l’aspect ergonomie et design, il est utile de faire appel à un avocat pour valider tout changement » précise Hélène Lefebvre. Enfin, les cases précochées pour vendre des produits complémentaires sont à proscrire. Par exemple, celles qui incitent l’internaute à souscrire à des prolongations de garantie (pratique courante pour les produits high-tech)
Ne pas hésiter à utiliser de l'AB-Testing et à lancer un audit juridique
Les sites d'e-commerce ont tout intérêt à recourir à de l’AB Testing pour valider d’un point de vue ergonomique, les changements effectués sur le site pour respecter la loi Hamon. Cette technique permet de tester plusieurs versions d’une même page web auprès des internautes pour vérifier leur efficacité en fonction du positionnement des boutons, de la couleur des blocs de texte, etc. Elle est surtout utile sur les pages clef comme celle du panier.
« Mais pratiquer des tests AB dans un tunnel de commande n’est pas évident techniquement surtout après l’étape panier », prévient Hélène Lefebvre. Tout dépend bien-sûr du CMS utilisé. Ceux qui utilisent une seule page accordéon pour l’ensemble du tunnel de commande, comme Magento, rendent l’utilisation de l’AB Testing plus difficile car la page ne se recharge pas quand l’internaute passe à l’étape suivante. Mettre en place ce type de technique sur ces CMS nécessitera plus de temps.

« La loi Hamon est une bonne occasion de mettre en conformité son site de ecommerce de manière plus large », conclut Hélène Lefebvre. En respectant aussi la réglementation sur les cookies et en réalisant un audit juridique du site web sur les conditions générales de vente, les conditions de retour des produits, le respect des données personnelles.