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Activision a payé bonbon pour s'offrir Candy Crush

Activision Blizzard, ancienne filiale de jeux vidéo de Vivendi, a décidé de s’offrir le britannique King, l’éditeur du célébrissime jeu sur mobile Candy Crush pour 5.9 milliards de dollars. Un deal très coûteux, mais qui laisse la communauté financière penser qu’il s’agit peut-être d’un pari du siècle dans le secteur.

C’est finalement une question à 16%. 16%, c’est la prime qu’Activision accepte de payer sur le dernier cours de l’éditeur de jeu King. Certes Candy Crush est une belle marque, un jeu qui a marqué de son empreinte le marché des jeux pour portables et tablettes et que tout le monde connaît. Mais ce jeu en vaut-il la (très coûteuse) chandelle ?

D’autant que l’opération est signée tout en numéraire, tout en cash. Pas d’échanges de titres. Avec l’assurance pour les développeurs de l’éditeur King qu’ils garderont la main à 100% sur leur développement.

Addition très élevée

La question qui tarabuste la communauté financière et les spécialistes des jeux vidéo est la suivante: pourquoi s’emparer d’un éditeur qui, certes, a connu un succès retentissant avec un produit phare que le monde entier a eu entre les mains, mais qui est désormais plus qu’en haut de cycle et même largement sur la descendante ?

Et encore une fois à un prix qui parait très élevé à tout le monde : le titre King, côté au NYSE, gagne déjà quasiment 30% sur un an. Activision paye donc une prime de 16% de plus, avec une addition de près de 6 milliards de dollars, qui paraissent exorbitantes.

Cycles ultra-courts et effets de mode

Mais voilà, pour les jeux vidéo comme pour tout un tas d’autre secteur, la recherche de la taille critique commence à devenir un enjeu. L’idée qu’un éditeur généraliste (PC et consoles) prenne le contrôle d’un spécialiste des jeux pour mobile se serait défendue il y a quelques années, avec la hausse continue du marché des tablettes et du mobile.

Ce serait même devenu un pôle majeur de développement pour un acteur mondial de la taille d’Activision. Mais depuis 2 ans le marché des tablettes est en très forte baisse, et celui des smartphones a peut-être atteint son apogée. Du coup le climat devient plus difficile pour les éditeurs de jeux spécialisés sur ces supports. Sans compter que leur modèle industriel reste profondément centré autour d’effets de mode aux cycles ultra-courts.

500 millions d’utilisateurs actifs

King par exemple, a certes cartonné avec Candy Crush, et des clients prêts à payer pour acheter des niveaux supplémentaires de ce jeu gratuit à l’origine. Ce jeu représente toujours plus de 70% des ventes de King et rapporte jusqu’à 2.5 millions de dollars par jour à son éditeur !

Ce dernier a d’ailleurs bien négocié en embrayant sur deux autres sagas de jeux déclinés en une multitude d’épisodes différents, Farm Heroes et Witch Bubble, bien moins rentables que Candy Crush, mais connaissant d’honorables succès. En tout, grâce à ces franchises, King dispose de 500 millions d’utilisateurs actifs de ses produits. Un actif alléchant pour Activision.

Fourbir de nouvelles armes

Mais sur ce secteur, le vent tourne très vite et King s’est fait dépasser par d’autres acteurs et d’autres jeux dans le domaine des téléchargements, Clash of Clans, Fallout Shelter ou encore Game of War. Et King pour l’instant n’arrive pas à trouver de riposte, et semble vivre sur ses succès passés.

L’offre d’Activision ressemble donc à une aubaine inespérée pour King, qui va se trouver une source énorme de financement pour plancher sur de nouveaux projets, d’autant qu’Activision lui garantit une vraie indépendance en termes de développement et de créativité.

Unir les forces et partir à l’assaut

Le géant américain de son côté estime mettre la main sur ce qui lui manquait, une expertise dans le domaine des jeux en ligne, et des marques de nature à enrichir un portefeuille déjà très riche, déjà occupé par 2 des plus belles marques du monde du jeu vidéo, World of Warcraft et Call Of Duty.

Activision espère ainsi exploiter et intensifier le rayonnement des jeux de King, tout en profitant des revenus toujours intéressants en matière d’abonnement et de perspectives pour ses principaux jeux. Mais la question reste entière… L’offre d’Activision valorise King à peu près au niveau de son introduction en bourse au printemps 2014, et quasiment autant qu’un géant diversifié comme Eletronics Arts, au portefeuille de jeu autrement plus fourni.

Investissements en hausse exponentielle

La réponse inattendue pourrait être qu’Activision fait le pari que King travaille en ce moment sur la nouvelle perle, le nouveau jeu "addictif" qui va signer un succès tonitruant, et qu’Activision pourra diffuser sur l’ensemble de ses canaux de diffusion pour en maximiser la profitabilité. Et en ça, l’américain fait sans doute le pari du siècle dans cette industrie ultra-compétitive.

D’autant que selon le cabinet Digi-Capital, le secteur va profiter d’une forte croissance des investissements, passant de 29 milliards de dollars au niveau mondial cette année à 45 milliards à horizon 2018. De quoi capitaliser sur un nouveau blockbuster à venir du côté de ce nouveau géant Activision-King en formation.

Antoine Larigaudrie