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Même si les revenus du cloud et de YouTube s'envolent, la croissance de Google déçoit Wall Street

Le groupe a affiché un chiffre d'affaires qui ralentit, avec une croissance inférieure à d'autres géants de la tech. L'action a lourdement chuté dans les échanges électroniques d'après-Bourse.

Le club des 1000 milliards de capitalisation, ça se mérite! C'est le message envoyé par les marchés après la publication des résultats mitigés d'Alphabet, maison-mère de Google, pour la quatrième trimestre 2019. Sundar Pichai, promu PDG du groupe en décembre par ses fondateurs, espérait sans doute une meilleure entrée en matière. D'autant plus qu'il avait choisi de donner un peu plus d'informations sur ses performances aux investisseurs, que ce soit pour YouTube ou pour ses offres dans le "cloud".

Résultat, le chiffre d'affaires d'Alphabet a été un peu inférieur aux attentes à 46,075 milliards de dollars au dernier trimestre 2019 (+17% sur un an), là où les analystes espéraient 46,9 milliards. Et le bénéfice d'exploitation manquait lui aussi la cible de quelques 600 millions de dollars, à 9,266 milliards de dollars sur la période septembre-octobre (+12,7% par rapport au 4e trimestre 2018). En revanche, le bénéfice par action a très largement dépassé ce que prévoyaient les analystes à 15,35 dollars contre 12,74 dollars, selon les calculs de Factset. Globalement, le résultat net s'affiche à 10,67 milliards de dollars sur trois mois. 

Sur l'ensemble de l'année 2019, le chiffre d'affaires d'Alphabet atteint 161,86 milliards de dollars, en progression de 18,3% par rapport à 2018. Le taux de marge opérationnelle s'améliore légèrement pour atteindre 21% des revenus, contre 20% un an plus tôt. Le résultat net lui progresse de 11,7% sur un an à 34,34 milliards de dollars. 

Mais cela n'a pas fait changer les investisseurs d'avis. L'action a chuté dans les échanges électroniques d'après-Bourse et s'affichait toujours en repli de 4,09% vers 9h50 ce mardi avant l'ouverture de Wall Street. Si cette tendance se confirme, la société quittera le club des entreprises à 1.000 milliards de dollars de valorisation boursière, qui comprend Saudi Aramco, Apple, Amazon et Microsoft. A titre de comparaison, Amazon affiche encore une croissance de ses revenus de 20% l'an passé, quand Microsoft enregistre une progression sur un an de son chiffre d'affaires de 13,6% sur les six premiers mois de son exercice décalé 2019-2020 (de juillet à décembre). 

Le Graal du "cloud"

"Nous favoriserons toujours une vision à long terme", a dit Sundar Pichai lors de la téléconférence avec les analystes financiers. Une façon de répondre à Wall Street qui a tendance à concentrer son attention sur les résultats à court terme.

"Nos investissements en science informatique, y compris l'intelligence artificielle, l'informatique ambiante (dont les assistants vocaux, NDLR) et l'informatique délocalisée, nous fournissent une base solide pour la poursuite de la croissance et de nouvelles opportunités partout chez Alphabet", a déclaré le nouveau patron. Sergeï Brin et Larry Page lui ont donné la place de PDG de la maison-mère, tout en restant au conseil d'administration et à la tête d'une super majorité qui leur confère le contrôle effectif de l'entreprise.

Mais si une partie des résultats a déçu, Alphabet a répondu aux demandes pressées de nombreux analystes en levant une partie du voile sur les activités de YouTube, sa plateforme de diffusion de vidéos, très prisée notamment des jeunes, et ses performances dans le "cloud" --l'informatique délocalisée-- qui est le nouveau Graal des géants de l'informatique. Le secteur est dominé pour l'heure par Amazon suivi de loin par Microsoft.

Des revenus qui ont doublé pour YouTube en 2 ans

Ainsi, les publicités ou encore les abonnements sur YouTube ont permis d'engranger un chiffre d'affaires de 4,7 milliards de dollars sur le dernier trimestre et de 15,15 milliards sur l'ensemble de l'exercice, soit un bond de 36% par rapport à l'exercice complet 2018, a souligné Sundar Pichai. Des revenus qui ont d'ailleurs pratiquement doublé en deux ans, alors qu'ils n'étaient "que" de 8,15 milliards de dollars en 2017.

Sundar Pichai s'est aussi réjoui de ce que les abonnements --pas seulement la publicité-- alimentent le chiffre d'affaires de YouTube de manière substantielle, à hauteur de 3 milliards de dollars sur l'ensemble de l'année 2019 (soit pratiquement 20% des revenus de la plateforme de vidéos).

On apprend aussi pour la première fois que Google Cloud, qui regroupe les activités d'informatique délocalisée, a réalisé des ventes à hauteur de 8,9 milliards de dollars sur un an, soit une progression de 53% sur un an (et de près de 120% par rapport à 2017). "Nous sommes très satisfaits de l'élan que nous voyons dans le cloud", a déclaré Sundar Pichai.

Reste que l'activité publicitaire en ligne est encore largement prédominante. Elle génère 134,8 milliards de dollars de revenus (YouTube compris), soit plus de 83% du chiffre d'affaires du groupe. 

Pas de ralentissement des investissements

Sundar Pichai comme la directrice financière Ruth Porat ont aussi laissé entendre qu'Alphabet continuera à investir lourdement, même si l'entreprise promet de montrer du discernement sur les activités plus périphériques.

Le nouveau PDG a détaillé "quatre domaines clés" pour l'exercice 2020: créer les produits les plus utiles, améliorer le respect de la vie privée et la sécurité des usagers, une meilleure interaction et intégration des ressources et aussi créer de la valeur sur le long terme. "Nous avons l'intention d'augmenter nos investissements en 2020 aussi bien dans l'infrastructure technique que nos bureaux par rapport à 2019", a prévenu Ruth Porat. 

Ces investissements seront concentrés sur l'apprentissage automatique dans toutes nos activités, tout comme le "cloud", le moteur de recherche, les publicités et YouTube, a indiqué la directrice financière. La R&D a représenté 26 milliards de dollars de dépenses en 2019 (+21,5% sur un an)

Le nombre d'employés va grimper à un rythme "un peu plus" poussé encore que les 20% de croissance de 2019, a-t-elle ajouté. Outre les recrutements pour soutenir les investissements prioritaires, le rachat de Fitbit, la marque de produits connectés portables acquise en novembre 2019 pour 2,1 milliards de dollars, viendra aussi gonfler le nombre d'employés d'Alphabet.

Thomas Leroy, avec l'AFP