(BFM Bourse) - Le constructeur aéronautique Boeing s'est résolu à suspendre, à partir de janvier, la production de son avion vedette, le 737 MAX, faute d'avoir obtenu l'aval des autorités aériennes pour le faire revoler, après deux accidents mortels ayant fait 346 victimes en l'espace de quelques mois. À la Bourse de Paris, Airbus grappille un peu de terrain mais Safran souffre.
Boeing ne parvient décidément pas à s'extraire de la zone de turbulences dans laquelle il se trouve depuis les deux accidents meurtriers de deux 737 MAX - un exemplaire de la compagnie Ethiopian Airlines avait fait 157 morts le 10 mars dernier, cinq mois après le crash d'un 737 MAX de la compagnie indonésienne Lion Air, fin octobre 2018, qui avait tué 189 personnes dans des conditions similaires. Dans les deux catastrophes, le système anti-décrochage MCAS a été mis en cause.
Lundi, faute d'avoir obtenu l'aval des autorités aériennes pour faire revoler son avion vedette, Boeing s'est résolu à suspendre, à compter du mois de janvier, la production du 737 MAX. Une décision qui était dans les tuyaux depuis l'article du Wall Street Journal dimanche affirmant que l'avionneur allait dévoiler, lundi, ses intentions concernant la poursuite, ou non, de la production de son mono-couloir. Le couperet est donc tombé lundi en fin d'après-midi, alors que l'avionneur américain dit avoir évalué "continuellement" ses plans de production en cas d'immobilisation prolongée du MAX, dont il a poursuivi la production alors qu'il est cloué au sol depuis mi-mars dernier et que les aéronefs s'accumulent à la sortie des sites de production.
Pas encore de suppressions de postes prévues
Boeing n'a pas indiqué combien de temps pourrait durer cet arrêt de la production et a précisé qu'il dévoilerait l'impact financier à l'occasion de la publication de ses résultats annuels, fin janvier. L'avionneur américain assure par ailleurs qu'il ne prévoit aucune suppression d'emplois à ce stade, quand bien même 12.000 personnes travaillent sur la production du 737 MAX à Renton, dans la banlieue de Seattle.
"Nous pensons que cette décision perturbe le moins le maintien du système de production à long terme et la santé de la chaîne d'approvisionnement", a commenté Boeing, dont les exportations pèsent lourds dans la balance commerciale des Etats-Unis. Cette décision, prise au cours d'un conseil d'administration lundi, est motivée par un certain nombre de facteurs, a en outre expliqué l'avionneur, qui évoque notamment l'incertitude concernant le calendrier et les conditions de remise en service de l'appareil ainsi que les approbations relatives à la formation des pilotes à l'échelle mondiale. "Nous continuerons d'évaluer nos progrès en vue de la remise en service (du MAX) et de prendre des décisions quant à la reprise de la production et des livraisons en conséquence", poursuit Boeing.
Plus de 300 avions en stock à Renton
Après l'immobilisation de toute la flotte, Boeing avait décidé de légèrement réduire les cadences de production pour les faire passer de 52 à 42 appareils par mois, estimant alors que cette interdiction ne durerait pas. Résultat, neuf mois plus tard, plus de 300 aéronefs s'entassent à Renton.
Pour rappel, cette décision fait suite à celle de la Federal Aviation Administration (FAA), qui avait annoncé la semaine dernière que la remise en service de l'avion ne serait pas approuvée avant 2020. Ouvertement et vivement critiqué dans le processus de certification des appareils, le régulateur américain martèle désormais qu'il ne donnera pas son assentiment avant d'être assuré que les correctifs apportés à l'appareil assurent une sécurité maximale.
Et Boeing "semble finalement avoir accepté l'idée que les régulateurs internationaux de la sécurité ne sont pas prêts à se plier à ses volontés, et que la remise en service de ces avions n'est pas aussi simple qu'une rapide reconfiguration de logiciel", a commenté le sénateur démocrate du Connecticut Richard Blumenthal, qui avait fustigé le patron de Boeing lors d'une audition au Congrès fin octobre.
Airbus surperforme nettement Boeing en 2019
En réaction à ces nouvelles informations, le titre Boeing -plus forte pondération du Dow Jones- a accusé le coup à Wall Street, lâchant 4,3% en clôture à 327 dollars, au plus bas depuis mi-août dernier. Malgré l'année noire vécue par le constructeur aéronautique américain, son titre parvient à enregistrer une (maigre) progression depuis le 1er janvier (+3,4%). Sur la même période, le titre Airbus bondit pour sa part de 54,3%; grappillant encore 0,3% à 129,56 euros mardi vers 10h30, alors que les investisseurs avaient déjà "acheté la rumeur" de la suspension de production du 737 MAX lundi (+2,6%). Ce gain de 4,3% sur cinq jours permet à Airbus de franchir de nouveau le seuil des 100 milliards d'euros de valorisation, atteint pour la première fois de son histoire en juin dernier.L'écart de valorisation entre les deux constructeurs aéronautiques mondiaux s'est donc drastiquement réduit cette année. Quand celui-ci variait presque du simple au triple le 1er janvier dernier (65 milliards d'euros pour Airbus, 159 milliards d'euros pour Boeing), la capitalisation de Boeing n'est plus supérieure que d'environ 60% à celle de l'avionneur européen à ce jour (100,7 milliards d'euros pour Airbus, 165 millions d'euros pour le groupe de Seattle).
Safran pâtit des annonces de Boeing
Si la suspension du programme 737 à durée indéterminée profite logiquement à Airbus, certains équipementiers qui travaillent avec Boeing souffrent de cette annonce, à commencer par Safran, qui développe avec General Electric -au sein de leur co-entreprise CFM International- le moteur LEAP qui équipe plus de la moitié des Airbus A320neo (Leap-1A) et la totalité des Boeing 737 MAX. Le groupe dirigé par Philippe Petitcolin estimait début septembre que "chaque trimestre supplémentaire coûtera de l'ordre de 300 millions de cash", car les compagnies sont "moins certaines du calendrier de retour en vol" et "n'ont pas versé d'acompte" expliquait alors le directeur financier Bernard Delpit. À 11h, mardi, le titre de l'équipementier aéronautique lâche 3,2% à 137 euros, mais prend toujours 30% depuis le 1er janvier dernier."Safran n'a pas encore communiqué sur les conséquences de cette décision sur CFM mais nous pensons que, pour ne pas trop perturber sa propre chaîne de fournisseurs, la probabilité est forte de devoir conserver un certain niveau de réception des pièces et donc de financer un stock propre. (...) En retenant une hypothèse de stabilisation de la supply chain CFM, un arrêt des pre-paiements de la part de Boeing et un léger ralentissement de la production chez Safran, nous estimons que le coût cash devrait dépasser 200 millions d'euros par mois", retient pour sa part l'analyste d'Oddo BHF, plus pessimiste que Safran sur l'impact financier de cette suspension de programme. Ainsi, et s'il réaffirme "l'excellente qualité du titre", Oddo BHF confirme sa recommandation à neutre et maintient son objectif de cours de 147 euros.
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