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Goldman Sachs voit Google et Apple détrôner Volkswagen et Toyota

De l'automobile actuelle à la généralisation de la Google-Car, l'industrie automobile va subir un chamboulement sans précédent, avec ses gagnants, ses perdants et ses sources de croissance nouvelle, selon Goldman Sachs

De l'automobile actuelle à la généralisation de la Google-Car, l'industrie automobile va subir un chamboulement sans précédent, avec ses gagnants, ses perdants et ses sources de croissance nouvelle, selon Goldman Sachs - Justin Sullivan - Getty Images North America - AFP

Un véhicule plus connecté, plus autonome, plus léger... La grande banque d’affaire américaine décrit dans une note un nouveau monde automobile pour les années à venir, où les grand constructeurs ne seront peut-être plus maîtres du jeu.

L’électronique sera-t-elle dans quelques années la colonne vertébrale de l’industrie automobile, prenant ainsi le pas sur la mécanique? C’est la mutation possible qu’est en train d’imaginer Goldman Sachs à travers sa dernière étude sur l’automobile. Car le principal changement à long terme s’effectuera sur les système d’aides à la conduite, allant de plus en plus vers l’autonomie partielle, puis complète de la voiture.

Jusque-là rien de révolutionnaire dans le constat, sauf que Goldman Sachs estime que ces aspects vont prendre immanquablement le pas sur la définition classique de l’automobile, encore fondée sur l’utilisation d’une mécanique, l’électronique offrant une plus-value plus ou moins importante. Là Goldman Sachs estime au contraire que c’est l’électronique qui va "faire" l’automobile du futur.

Rôle central de l’électronique

C’est pourquoi selon les analystes de la banque, les principaux nouveaux acteurs centraux du secteur auto vont être les fournisseurs de caméras, de calculateurs, de senseurs et de batteries, car ce seront autour de leurs produits que le reste de l’industrie fournira ce qui s’apparentera à un "complément roulage".

Goldman Sachs cite donc notamment les spécialistes japonais de l’électronique, déjà présents dans le secteur, mais donc appelés à devenir acteurs centraux, et même y trouver des relais de croissance très importants sur les prochaines années, les Toshiba, Sony, Hitachi et Panasonic. Seul américain cité aussi sur ce domaine, Texas Instruments, lui aussi déjà positionné sur les calculateurs et l’électronique embarquée.

La métallurgie innovante aux premières loges

Pour le "complément de roulage", Goldman Sachs prévoit aussi une poursuite de la tendance à l’allègement des automobiles, par l’emploi croissant de matériaux là aussi pas forcément nouveaux, mais qui vont devenir la matière première principale de l’industrie automobile de l’avenir.

Et là encore ce sont les producteurs d’aciers légers haut de gamme japonais qui sont le plus en avance: Kobe Steel, Nippon Steel et JFE, avec quelques autres comme le coréen Posco et l’américain US Steel.

Japon, Corée et Etats Unis privilégiés

Autres acteurs cités dans ce nouvel écosystème de la métallurgie automobile, les producteurs d’inox, métal léger et résistant. Goldman Sachs cite à ce sujet Alcoa et Constellium. La banque met, en revanche, de côté les fabricants de matériaux composites, qui seront d’un usage restreint, a priori pendant encore un moment, du fait des coûts de fabrication et des prix finaux.

Des empires sur le déclin ?

Leur rôle sera crucial pour construire les plates-formes les plus légères et les plus résistantes possibles, à la fois par souci d’économie pour les automobiles essence et hybrides, mais aussi pour les véhicule électriques, car les batteries sont encore très lourdes, et l’électronique embarquée va peser plus lourdement, au sens propre comme au sens figuré.

Et puis quel sera le rôle des constructeurs? Là Goldman Sachs fait un pari assez audacieux mais très dans la tendance actuelle: les futurs empires automobiles s’appelleront Google ou Apple et non plus Volkswagen, Toyota ou GM. Ces énormes empires high-tech sont les seuls à pourvoir développer (et ils y travaillent déjà) des châssis et des systèmes embarqués totalement neufs, sans souci de rentabilisation d’outils industriels très pesants, et avec des réserves de cash suffisamment énorme pour investir en masse.

Transformation à marche forcée

Ce seront donc eux les empires automobiles de demain. Et pour l’instant parmi les grandes multinationales automobiles actuelles, les seules à se développer suffisamment dans ces domaines sont Nissan, Toyota, General Motors, Daimler et Toyota, selon Goldman Sachs.

Le reste, hormis l’exception Tesla, représentera par conséquent l’automobile d’hier, et sera contraint de gérer des actifs de plus en plus en voie d’extinction, et de mener une transition à marche forcée vers la « Nouvelle Automobile », un défi extrêmement complexe, pour des entreprises gigantesques aux impératifs économiques stricts, et à l’outil industriel très lourd. « Les nouveaux entrants de l’industrie automobile vont devenir une sérieuse menace aux moteurs de profits de l’industrie automobile classique », estime Goldman Sachs.

Fin de la propriété automobile : illusion ou réalité ?

Enfin, dernier aspect qu’évoque Goldman Sachs, les changements de culture chez l’usager automobile. Et notamment la notion de propriété automobile. Une révolution qui a commencé en Europe via les Blablacar, le succès du partage automobile, des services de voitures en libre services du type Autolib ‘… mais qui paraissait jusque-là illusoire pour les Etats Unis.

Goldman Sachs perçoit à ce sujet pourtant un vrai changement de mentalité à ce niveau-là. « Face à un usage automobile de plus en plus restreint, limité aux trajets domicile-bureau, peu fréquents pendant la nuit, l’usager automobile pourrait bien renoncer à la propriété automobile, à mesure qu’on lui fournit une alternative de véhicule partagé clé en mains, plus économique à l’usage que sa propre voiture, son assurance et ses frais de carburant , de parking et de péages. »

Un frémissement pour le moment, mais qui pourrait, grâce à la surface financière et géographique de supergéants comme Google ou Apple, pourrait engendrer une vraie lame de fond, à laquelle tout une industrie, à la dimension macro-économique et politique, va être confrontée à moyen-terme.

Antoine Larigaudrie