Bonus bancaires : les traders de Wall Street au régime sec
2015 s’annonce comme une année de vaches maigres pour les enfants terribles de Wall Street. Pas ou peu de bonus, et une nette pression sur les salaires… La distribution des enveloppes annuelles en début d’année prochaine sera l’occasion sans doute d’une soupe à la grimace.
Le cabinet de consulting Johnson Associates prévoit une baisse moyenne de 10% de la rémunération globale des salariés du secteur bancaire américain. En grande partie à cause de l’été boursier calamiteux que l’ensemble des grandes institutions financières a traversé, sans exception.
La tempête de marché estivale a laissé des traces
Marchés actions secoués par les turbulences chinoises, marchés obligataires désertés pour cause d’incertitudes quant à l’attitude de la FED sur ses taux, sans compter un véritable carnage sur le cours des matières premières, avec paradoxalement une stabilisation du pétrole qui a provoqué pas mal d’attentisme.
Autrement dit, rien à gagner sur les marchés, et plutôt tout à perdre. Chiffres à l’appui: les revenus de trading sont en forte baisse partout, notamment du côté des grandes banques américaines dont on commence à égrener les résultats. JPMorgan, Bank of America, Wells Fargo… même l’imbattable Goldman Sachs a dû s’incliner, avec une baisse de 40% de ses profits sur sa période !
Défis de réorganisation nombreux et coûteux
Mais si les bonus s’annoncent si maigres, ce n’est pas dû qu’aux turbulences de marché qui perturbent l’activité de banque d’investissement. Johnson Associates remarque que le secteur bancaire américain se retrouve à nouveau dans une période charnière, de nature à changer ses priorités financières.
"Les grandes enseignes du secteur", commente le rapport du cabinet, "doivent réorganiser leur politique salariale. 5 ou 6 ans après une crise financière sans précédent, le secteur va devoir affronter une nouvelle vague de coûts supplémentaires".
Passage aux nouvelles normes
Les grands groupes bancaires vont devoir dépenser beaucoup d’argent pour assurer leur passage à de nouvelles normes comptables tous azimuts au niveau international, qui vont avoir un impact très sensible sur les coûts internes.
Ils vont également devoir renforcer leurs fonds propres de manière à, là aussi, satisfaire aux normes de solvabilité et prévoir d’éventuels coups durs, dans un environnement extrêmement instable. Et tout ceci aura un coût, qui va s’étaler sur une période relativement longue.
Hypothèque structurelle et politique
Certaines grandes banques ont déjà entamé un grand travail de restructuration et de travail sur les coûts en interne justement, pour en limiter l’impact et augmenter leur profitabilité. Les mois à venir vont être l’occasion de poursuivre, voire d’intensifier le travail déjà accompli.
Sans compter la campagne pour la présidentielle américaine, qui est déjà l’occasion de déclarations fracassantes notamment de la candidate démocrate Hillary Clinton. Son programme de "mise au pas" de Wall Street, à base de séparation des activités bancaires, d’intensification de la maîtrise du risque, par le biais de nouvelles taxes sur les prises de position de marché, voire sur le trading haute fréquence, fait peser de nouveaux types de risque.
Tendance similaire en Europe?
Certes, le secteur bancaire américain connaît la musique, et sait que chaque campagne présidentielle est l’occasion de nouvelles piques et menaces sur leur activité, notamment l’activité de marché, particulièrement depuis la faillite de Lehman Brothers en 2008, mais Wall Street ne prend pas pour autant l’affaire à la légère.
Les enveloppes de fin d’année s’annoncent donc très maigres pour Wall Street, et il y a de fortes chances pour que le phénomène touche aussi le secteur bancaire européen. HSBC a été la première banque à annoncer il y a quelques jours une baisse de 10% des bonus.
Mais au vu de ce qui s’est passé cet été, et là aussi d’un travail extrêmement complexe en cours en matière de rationalisation (comme à la Deutsche Bank), notamment des grands réseaux de détail, la facture risque d’être lourde là aussi, avec un impact similaire sur la rémunération des banquiers européens.