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Bouc émissaire ou responsable d'un krach, ce trader risque la prison

Sarao, ce mercredi 23 mars

Sarao, ce mercredi 23 mars - Justin Tallis - AFP

"La justice britannique a autorisé ce mercredi l'extradition vers les États-Unis de Navinder Singh Sarao, un trader accusé d'avoir manipulé les marchés. Il serait notamment à l'origine du "flash krach" de mai 2010. Le Dow Jones avait perdu 9% en quelques minutes avant de rebondir aussi sec."

Un coupable trop idéal? Ce sera bientôt à la justice américaine d'en décider. Ce mercredi 23 mars, un tribunal londonien a autorisé l'extradition de Navinder Singh Sarao, un trader britannique accusé de manipulation de marché, vers les États-Unis.

Pour être effective, l'extradition doit encore validée par la ministre de l'Intérieur britannique, Theresa May. Et si tel devait être le cas, Navinder Singh Sarao ne quittera pas immédiatement le territoire britannique. L'un de ses avocats, Richard Egan, a d'ores et déjà indiqué qu'il ferait appel.

Cette nouvelle péripétie dans ce feuilleton judiciaire qui a débuté l'an dernier risque bien d'être déterminante. Les autorités américaines accusent Sarao d'être à l'origine du "flash krach" (également appelé "flash éclair") du 6 mai 2010. Ce jour-là, le Dow Jones perd 9% d'un coup, lâchant ainsi presque 1.000 points, avant d'effacer la quasi-totalité de ses pertes en l'espace de 10 minutes.

Spoofing et E-mini

Le trader de 37 ans aurait alors provoqué cette dégringolade éclair indirectement. il aurait, entre 2009 et 2014, utilisé une technique appelée "spoofing" pour s'enrichir à moindre frais. En clair, le spoofing consiste à entrer des milliers d'ordre de ventes ou d'achats et à les annuler quelques millisecondes après, juste avant l'exécution de l'ordre. Un procédé aujourd'hui rendu possible par l'utilisation du trading à haute fréquence. Le but: tromper les autres acteurs du marché en les incitant à acheter ou vendre un titre en se basant sur des cours artificiellement hyper bas ou hyper haut.

Sarao aurait utilisé cette technique sur le E-Mini, un contrat à terme coté à la Bourse de Chicago, qui, pour faire simple, consiste à parier sur la valeur future des indices boursiers américains. Le jour du flash krach, ce natif de la banlieue de Londres aurait ainsi passé pour 200 millions de dollars d'ordres à la baisse sur ce produit, raconte Bloomberg. Or, la dégringolade des E-Mini aurait été l'élément déclencheur du flash krach, Wall Street ayant été impacté par ricochet .

40 millions de dollars gagnés

Les enquêteurs estiment que les manipulations de Sarao lui ont permis de gagner plus de 40 millions de dollars entre 2010 et 2014, dont 900.000 dollars le jour du 6 mai 2010.

Sarao n'est pas un flambeur. Plutôt que de s'acheter des bateaux de luxe ou des lofts gargantuesques, il vit même chez ses parents. C'est là que la justice britannique l'a arrêté en avril 2015.

Depuis, le trader n'a eu de cesse d'affirmer qu'il n'avait rien fait de mal si ce n'est d'être "bon dans son job". Ses avocats et lui se sont battus pour qu'il ne soit pas extradé vers les États-Unis, arguant qu'au Royaume-Uni, son comportement n'a rien de criminel. Ce qui n'est pas le cas de l'autre côté de l'Atlantique où il est visé par pas moins de 22 chefs d'inculpation, risquant de l'envoyer en prison pendant 10 à 25 ans.

Un bouc émissaire?

Comme le raconte le Financial Times, les avocats de Sarao se sont efforcés de démontrer que le comportement de leur client n'était pas frauduleux et qu'il pouvait difficilement être à l'origine du flash krach dont les experts débattent encore des causes exactes. L'un d'entre eux, James Lewis, avait notamment souligné que les faux ordres présumés de Sarao le mettaient en situation de risque et que certains de ses ordres de ventes avaient effectivement été achetés par d'autres intervenants sur le marché.

Ses avocats ont également eu recours à un expert indépendant, l'académicien Lawrence Harris, pour démontrer que le trader britannique n'avait pas pu, à lui seul, causer "le flash krach". Enfin, ils ont expliqué que Sarao était en fait un trader "lent" par rapport aux autres, tout simplement parce qu'il vivait à 6.300 kilomètres du marché et utilisait un appareil chez lui avec une connexion internet basique.

Autant d'arguments qui, lors de l'audience en mai dernier, avait conduit les avocats de Saraoa affirmé que leurs clients était "utilisé comme un bouc émissaire", comme le rapportait alors Le Monde. Ils refusaient donc de voir le trader extradé d'autant que celui-ci souffrirait du syndrome d'Asperger, une certaine forme d'autisme qui frappe les personnes doté d'une grande intelligence. Les avocats de Sarao ont de toute évidence perdu cette première bataille judiciaire. Ils devront donc vraisemblablement continuer à lutter de l'autre côté de l'Atlantique.