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Ce dollar trop fort qui handicape les entreprises américaines

Procter and Gamble, Johnson and Johnson, Dupont et même Apple... Toutes les entreprises américaines en ce moment voient leur activité faiblir pour cause d'effets de change négatifs. Un vrai souci pour la FED.

Procter and Gamble, Johnson and Johnson, Dupont et même Apple... Toutes les entreprises américaines en ce moment voient leur activité faiblir pour cause d'effets de change négatifs. Un vrai souci pour la FED. - Andrew Burton - Getty Images North America - AFP

À mesure que tombent les résultats d’entreprises américaines, un fil directeur paraît très clair: la montée du dollar commence à rogner sur l’activité et bien sûr sur les bénéfices. Du coup, maintenir la rentabilité devient un casse-tête, qui se résume pour beaucoup à intensifier les mesures d’économies. Un mauvais signal pour la FED.

Même Apple accuse le coup. Au-delà de la panne de croissance due aux perspectives actuelles de l’iPhone, le supergéant américain est bien obligé de l’admettre, le dollar fort commence à lui coûter cher en termes d’activité. 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur 75,8 milliards au total sur le 4ème trimestre, environ 7% tout compris.

Une paille pour un groupe assis sur 216 milliards de dollars de cash, et qui est plus sur des problématiques de cycle mondial de la demande et de durée de vie de ses produits majeurs. Mais si Apple est un cas particulier, la force de la devise américaine pose un vrai problème à un autre niveau chez d’autres grands noms de l’économie du pays.

Quand le roi des lessives souffre du dollar fort

C’est notamment dans les comptes des grandes multinationales de la santé et des biens de consommation qu’on le lit: Procter and Gamble, le roi américain des lessives, et ses marques Gillette, Duracell, Pampers ou Always, a publié des chiffres ternes, marqués par un impact négatif de changes de 9%.

L’impact se résorbera sur l’ensemble de l’année 2016, à mesure que le groupe arrive à trouver des couvertures de change acceptables. Mais elles seront chères et ne garantiront pas tout, ce qui fait que l’impact moyen du dollar fort sur les comptes annuels est désormais estimé à 7%.

Un vrai frein à l’activité

Même musique aussi du côté de chez Johnson and Johnson, le leader mondial des produits de santé. Le groupe, en ne prenant l’exemple que de ses ventes à l’international, arrive à un impact négatif de changes de 13%. Un facteur qui commence à passer du ponctuel au problématique. Et des indications similaires existent dans de nombreux autres secteurs.

Chez Dupont en particulier, le chiffre d’affaires est en baisse de 9,4% sur le trimestre écoulé. Mais si on exclut les effets de change, on arrive à des ventes quasi-stables sur la période à -1%. Un paramètre complexe à prendre en compte, d’autant que Dupont est en pleine fusion avec Dow Chemical. 

Le casse-tête du juste prix

Il est vrai que du côté de nos marchés, quand on voit la relative stabilité de l’euro-dollar ces derniers mois, rien de bien grave du côté de l’Europe. En revanche, c’est notamment les débouchés de ces groupes du côté des marchés émergents qui vont commencer à poser problème, avec d’une part des considérations de croissance et de demande globales, mais aussi de monnaie, puisque toutes les devises des pays émergents accusent en ce moment des plus bas quasi-historiques face au dollar.

Et l’impact concret de tout cela, c’est le patron de Procter And Gamble qui l’explique le mieux: impossible d’agir en toute liberté sur les prix finaux, un vrai facteur de perturbation de l’offre et de la demande pour les produits du groupe.

Une seule solution: les économies

Il n'y a pas de secret sur les moyens qu’ont ces entreprises pour tenter de conserver intactes leurs marges et leurs performances financières: économiser. Toutes ces sociétés sont donc encore sous le coup de nouveaux plans d’économies d’échelle, ou de programmes anciens qui ont tendance à accélérer, avec également des restructurations d’activités moins rentables et des conséquences sur l’emploi, suppressions à la clé. Un paramètre qui commence à devenir gênant pour les entreprises qui en sont victimes et aussi pour la FED, qui organise la remontée de ses taux, et par la même, la remontée graduelle du dollar. Ce qui va encore compliquer sa tâche alors qu’elle doit rendre ses décisions de politique monétaire et fixer ses perspectives ce soir.

Dollar fort, pressions multiples

Car si la tendance se confirme, on va assister sans doute à des difficultés structurelles pour les entreprises à digérer le paramètre dollar fort, et les conséquences sur l’emploi seront à suivre de très près, puisque c’est un des paramètres principaux de l’économie américaine que surveille la FED pour agir, outre l’inflation.

La montée du dollar, qui a par ailleurs des effets pervers sur les prix du pétrole, provoque une pression à la baisse supplémentaire dans un marché déjà en forte baisse, ce qui accroît les pressions sur les prix généraux.

Vers une FED plus souple?

De quoi s’interroger sur le plan de travail de la FED, puisque jusque-là le vice-président Stanley Fischer était clair en prévoyant 4 hausses de taux cette année.

Si les perspectives des entreprises américaines continuent à se dégrader à mesure que le dollar se renforce, il faudra sans doute prévoir un changement de cap de la FED, soucieuse avant tout de soutenir le plus utilement possible l’économie américaine sans créer trop de déséquilibres.

Antoine Larigaudrie