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Ce milliardaire a tout perdu à cause du charbon mais y retourne

L'ex-milliardaire australien Nathan Tinkler a perdu sa considérable fortune avec l'effondrement des cours du charbon. Et pourtant... il va de nouveau y investir, pariant sur un renouveau de cette énergie pourtant décriée.

L'ex-milliardaire australien Nathan Tinkler a perdu sa considérable fortune avec l'effondrement des cours du charbon. Et pourtant... il va de nouveau y investir, pariant sur un renouveau de cette énergie pourtant décriée. - AFP Photo - Greg Baker

Il était le plus jeune milliardaire australien en 2011 grâce à ses investissements dans le charbon. Il a tout perdu à cause de la chute des cours. Et pourtant… il persiste, et va y réinvestir tout ce qu’il a, en y voyant toujours l’énergie de l’avenir!

C’est ce qu’on peut appeler de l’acharnement. Malgré un charbon maudit qui a anéanti sa fortune et ses investissements, Nathan Tinkler en est convaincu, ce minerai est encore promis à une vraie croissance de long terme, au mépris de toutes les considérations environnementales!

Nathan Tinkler était pourtant encore il y a quelques années une belle success-story australienne: plus jeune milliardaire du pays à 35 ans, avec une fortune estimée à 1,1 milliard de dollars en 2012, à son apogée.

Quitte ou double… perdant

Une compagnie florissante, Tinkler Group, qui a parié avec succès sur l’essor du charbon dans les pays émergents. Des investissements partout, y compris dans le sport puisqu’il était propriétaire d’une équipe de football, d'une de rugby et d’une écurie de chevaux de course…

Et patatras. La belle histoire prend fin en 2012, au moment où Tinkler Group tente un gros coup: s’emparer d’un autre gros acteur du charbon en Australie, Whitehaven Coal. Une opération à 5,3 milliards de dollars, qui aurait permis à Tinkler de devenir le plus gros acteur du secteur et de rayonner sur toute la zone asiatique. Une sorte de quitte ou double.

Un empire s’effondre

Mais c’était sans compter la violence de la correction sur les prix du charbon. Face à la montée en puissance des réglementations mondiales antipollution, et l’émergence simultanée de solutions énergétiques de masse plus propres et moins chères, les cours du charbon baissent en quelque mois de 60 à 70%.

En quelques semaines, la fortune de Nathan Tinkler, essentiellement les parts de sa propre société, est divisée par deux. De 1,2 milliard de dollars en mai 2012, elle n’est plus que d’un peu plus de 600 millions en septembre. Du coup, la compagnie et l’ensemble de ses filiales ont des problèmes de financement.

Symbole de l’économie australienne

Quelques mois après, Nathan Tinkler est obligé de vendre ses propriétés immobilières pour régler ses factures. Ses employés ne sont plus payés, pas plus que les joueurs de football et de rugby de ses deux équipes. Même les chevaux de son écurie de course n’ont plus à manger, car les fournisseurs n’ont pas été réglés.

L’ensemble de l’empire Tinkler sombre, et est liquidé en quelques mois. Plus personne n’entend parler de ce jeune milliardaire du charbon, qui aura été une véritable étoile filante de l’économie australienne, illustration aussi de sa dépendance aux cours des matières premières.

L’Asie a besoin de charbon !

Plus rien… jusqu’à aujourd’hui. L’ex-milliardaire s’est reconstitué un capital après plusieurs années de vaches maigres, et veut revenir aux affaires… Grâce au charbon! Ce charbon qui l’a pourtant envoyé au purgatoire. Et l’argumentaire de Nathan Tinkler est plutôt séduisant: "Le charbon est toujours une énergie d’avenir pour l’Asie" dit-il. 

Il cite pour cela les chiffres de l’Agence Internationale de l’Énergie, qui remarque que les pays de la zone ne pourront pas faire face à leurs besoins énergétiques croissants, tout en basculant en même temps vers des énergies plus propres comme le gaz ou le solaire. Le processus sera beaucoup plus lent, et en attendant ces pays ont besoin d'énergie bon marché.

Reprise de la demande graduelle

Avec les besoins de pays comme l’Inde, la demande va repartir, et l’Australie pourrait reprendre rapidement son statut de fournisseur numéro 1 du continent, avec une croissance annuelle de 4,5% par an d’ici 2020, et des entreprises restructurées et plus efficaces.

"Malgré une baisse de la demande en Chine, qui a opté progressivement pour des solutions moins polluantes, le reste du continent asiatique va avoir besoin de charbon", pense Tinkler. Des pays comme le Vietnam, l’Inde ou la Malaisie "vont d’urgence avoir besoin d’énergie de masse peu coûteuse".

Discours environnemental "partisan et bien-pensant"

"Avec les technologies actuelles, le charbon peut même être une énergie moins polluante que le pétrole, et elle reste bien moins chère que l’électricité" estime Tinkler. L'ex-milliardaire juge que ce sentiment que le charbon est promis à une mort certaine est un discours "partisan et activiste", entretenu par des "élites occidentales bien-pensantes", au point d’en oublier "certaines réalités économiques de terrain".

Même le gouvernement australien va dans le sens de ses prévisions, pariant sur un redémarrage régulier des exportations de charbon de 1% par mois sur les 12 prochains mois au moins, pour atteindre plus de 11 milliards de dollars, grâce à une stabilisation des cours autour des 40 dollars la tonne, et une légère remontée ces dernières semaines.

Un nouveau quitte ou double ?

Et Nathan Tinkler va tout miser sur cette conviction, le charbon étant donc toujours une énergie d’avenir pour lui, malgré toutes les COP21 du monde et les initiatives mondiales autour des énergies renouvelables.

Un pari particulièrement audacieux qui laisse sceptique beaucoup de monde côtés européen et américain… Mais qui pourrait (re)faire la fortune de l’ex-jeune prodige australien de l’énergie.

Antoine Larigaudrie