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Ces fermetures de fonds qui inquiètent bigrement les marchés

Contexte de plus en plus difficile pour les fonds spéculatifs après les turbulences de l'été, deux d'entre eux ont du être fermés ces deux derniers jours.

Contexte de plus en plus difficile pour les fonds spéculatifs après les turbulences de l'été, deux d'entre eux ont du être fermés ces deux derniers jours. - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

En moins de deux jours, deux importants fonds spéculatifs ont annoncé leur liquidation. Un signal préoccupant pour l’industrie financière, secouée par un été très négatif, mais aussi pour l’économie mondiale, à plusieurs titres.

Ce genre de nouvelle fait toujours tressaillir les spécialistes des marchés financiers. Un hedge fund fermé, c’est certes à chaque fois un chamboulement dans le petit monde boursier mondial, un acteur du circuit de financement qui s’éteint, et globalement un signal franchement négatif, puisque, coïncidence, deux des plus énormes crises financières mondiales ont commencé par un événement du même genre, la faillite du fonds LTCM en 1998, et la fermeture en catastrophe de fonds par BNP Paribas à l’été 2008.

C’est pourquoi les deux dernières annonces de fermeture de fonds spéculatifs ces derniers jours ont tendance à inquiéter. A chaque fois pour des raisons bien distinctes, mais qui témoignent que le turbulent été boursier qu’on vient de traverser n’était pas qu’une mauvaise passe: il va laisser sans doutes des traces beaucoup plus profondes que prévu dans le monde financier.

Fortress en difficulté

Le premier à avoir ébranlé les marchés est le géant américain Fortress, gérant d'un hedge fund réputé et de taille très importante (72 milliards de dollars d’actifs sous gestion à fin juin) qui a annoncé la liquidation de son fonds Macro. Un type de fonds très courant dans l’industrie, dont la stratégie dépend des grands cycles économiques.

Ce dernier avait déjà beaucoup souffert de la conjoncture de marché en 2014, et s’était révélé incapable de profiter de la tendance boursière qui était pourtant très positive, se retrouvant à contre-tendance quasiment à chacun de ses mouvements. Sur l’année, le hedge fund aura perdu 1.6%. Mais depuis le début de l’année, la chute est spectaculaire: -15%.

Résultats calamiteux

Généralement un hedge fund est mis en place pour générer le maximum de retour sur investissement, et on a tendance dans le secteur à considérer que de 5% sur une année est une performance suffisamment médiocre pour remettre en cause son utilité même.

Inutile de dire qu’avec plus de 16% de baisse sur 18 mois, Fortress n’avait plus aucun intérêt à le maintenir. Le groupe a donc décidé de le liquider, assumant donc totalement ses pertes. Les analystes estiment que le fonds est passé de 2.5 milliards de dollars d’encours fin juin à 1.6, seulement 8 semaines plus tard.

Effet d’accumulation

Un véritable désastre pour une telle structure, touchée de plein fouet par les violentes secousses boursières de l’été, qui ont mis à plat les stratégies les plus proactives, et qui ont mis sur le flanc même les meilleurs gérants américains.

Mais l’inquiétude a redoublé lorsqu'on a appris que UBS, la prestigieuse banque suisse, avait désormais des problèmes du même genre : le groupe a décidé de fermer un de ses fonds obligataires d’entreprise.

Défiance face au "High-Yield" 

Ce dernier est une structure qui gère des obligations dites "High Yield", à haut rendement, émise par des entreprises au profil de risque variés, mais plutôt sensible pour la plupart, obligations émises pour financer des acquisitions ou simplement des lignes de financement diverses.

Le portrait type de ces produits est la classe d’obligations émises lors d’un rachat par la dette (LBO), comme celles émises par exemple par Altice dernièrement pour le rachat du câblo-opérateur américain CableVision. Elles doivent servir un rendement copieux, et doivent être couvertes par le cash généré par le rachat, via les synergies et le versement de dividendes à l’acheteur.

Grande solidité pour ce type de fonds

Les fonds "High Yield" sont justement élaborés pour gérer ce genre de produits, les faire circuler sur le marché et générer du rendement, à la mesure de ce que rapportent théoriquement ces obligations, à savoir un taux élevé.

Le fonds High Yield d’UBS était une structure réputée et suffisamment sérieuse pour avoir duré 18 ans, ce qui constitue une forme de record dans cette industrie. Il a traversé l’explosion de la bulle internet, la crise bancaire issue de la faillite de Lehman Brothers et celle des dettes souveraines.

Univers totalement chamboulé

Mais en 18 ans, une part de ce fonds a vu sa valeur fondre de… 80%. Sans compter le niveau désastreux des rendements, complètement chamboulés par la mise en place de politiques très agressives en matière de taux lancées et encore menées par les grandes banques centrales du monde.

Le tout dans un marché finalement très peu liquide, ce qui complique encore la donne, avec des investisseurs qui ont tendance à se défaire massivement de leurs actifs les plus risqués, en cas de retournement violent de marché.

La crainte d’une cascade de mauvaises nouvelles

UBS a donc décidé de jeter l’éponge et de le liquider. Et la proximité de ces annonces a de quoi inquiéter, tant on a l’impression que la finance mondiale, après avoir sué sang et eau cet été, paye désormais l’addition au prix fort dans les comptes du 2ème trimestre qui commencent à tomber.

JPMorgan, puissante banque de marché, malgré sa belle profitabilité, n’a pu que constater le contexte difficile de cet été boursier noir. Son produit net bancaire est stable sur un an, malgré des résultats en net progrès. Et l’annonce sonne comme le début d’une longue litanie de résultats bancaire inquiétants à cause de l’ensemble de ces facteurs.

De quoi craindre de nouvelles annonces de fermetures de fonds non-performants, dont l’effet d’accumulation pourrait constituer une nouvelle hypothèque lourde sur l’ensemble du secteur financier, pendant les semaines et les mois qui viennent.

Antoine Larigaudrie