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Ces ténors du "New Fast Food" qui régalent Wall Street

Shake Shack distribuant ses hamburgers devant Wall Street, lors de son introduction en février dernier. Le titre gagne quasiment 40% depuis.

Shake Shack distribuant ses hamburgers devant Wall Street, lors de son introduction en février dernier. Le titre gagne quasiment 40% depuis. - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

Chipotle, Shake Shack, Zoe’s Kitchen… autant de nouvelles chaînes de fast food qui brillent sur le marché américain, et qui signent de magnifiques histoires boursières, face à des géants, Mc Donald’s en tête, en plein déclin. Mais le phénomène est-il durable?

Il est clair que quand on regarde les cours de bourse sur le long terme, Wall Street semble avoir choisi son camp pour la pause-déjeuner. Fini le Mac Do, cap sur le "New Fast Food". Ou plutôt le "Fast Casual" comme les traders ont surnommé ce nouveau secteur en pleine ébullition boursière.

Shake Shack, dernière grosse introduction en Bourse dans le domaine, signe une excellente performance depuis ses débuts fin janvier, avec une hausse de 40%, après avoir même signé un +120% fin mai. A ce moment-là, chaque restaurant de la chaîne était valorisé 40 millions de dollars en fonction du cours de bourse, soit 15 fois une enseigne moyenne de chez Mc Donald’s!

Des progressions fulgurantes

Belle performance aussi pour Zoe’s Kitchen, déjà un peu plus d’un an de bourse et +60% de progression pour le spécialiste du fast food méditerranéen, inspiré des cuisines italienne, grecque, et moyen-orientale.

Et que dire du précurseur finalement de ce mouvement, Chipotle, la grande chaîne de grill tex-mex, qui prend 342% depuis son introduction à l’été 2010 !

Des supergéants en net déclin

Dans le même temps, les supergéants du fast food signent des performances beaucoup plus ternes. Sur l’année de bourse écoulée, Yum Brands, maison-mère de Pizza Hut, de Taco Bell et de KFC gagne péniblement 11%, et Mc Donalds perd 6%. Pourquoi ce changement radical de cartes sur le fast-food américain ?

Déjà parce que les nouvelles chaînes ont su saisir la balle au bond au bon moment : les américains ont commencé à prendre conscience du phénomène de mal-bouffe ces 5 dernières années, et à changer leurs habitudes alimentaires.

Erreurs stratégiques

Non pas que les nouvelles chaînes de fast food à succès proposent systématiquement des menus moins caloriques que Mc Do et autres, mais tout simplement parce qu’elles offrent une alternative, un plus grand choix et une plus grande variété dans leur offre, aussi bien du point de vue de l’alimentation que de l’accueil ou du marketing, au sein d’un marché qui jusque-là était extrêmement standardisé, c’était d’ailleurs une de ses principales caractéristiques.

Mais voilà. Plus ces chaînes ont commencé à émerger il y a 4 ou 5 ans, plus les Mc Donald’s, Yum Brands et consorts se sont justement dit que malgré la montée en puissance de cette concurrence, il fallait justement garder exactement la même stratégie, car la clientèle aurait toujours malgré tout envie de hamburgers et de frites, de retrouver un goût standardisé dans chaque restaurant, et qu’ils devaient être présents pour cela et pour le proposer.

L’exemple Mc Donald’s

Une erreur fatale qui a provoqué une érosion continue des parts de marché de ces enseignes, Mc Donald’s passant largement sous les 15% au niveau mondial, ce qui a précipité en début d’année le départ du PDG Don Thomson qui avait assumé et construit cette stratégie, responsable d’une stagnation totale des ventes depuis 2013.

Malgré sa position pourtant archi-dominante sur le marché mondial et aux Etats-Unis, Mc Donald’s se fait tailler des croupières par une concurrence certes morcelée, à la fréquentation volatile, mais qui a le vent en poupe.

Vers un retournement de cycle ?

La situation est-celle irréversible? La donne va-t-elle à nouveau s’inverser en faveur des supergéants? Certains analystes commencent à jouer le scénario et parier sur un retournement de ce cycle entamé il y a 5 ans. D’une part parce que le "New Fast Food" commence à se payer très cher en bourse.

Avec ces progressions fulgurantes, les multiples de valorisation commencent à devenir très élevés compte tenu de perspectives qui commencent à plafonner après des années de croissance ininterrompue.

Tendance au plafonnement

Même au milieu d’un bilan brillant, certaines enseignes du secteur commencent à en payer le prix en bourse. Malgré ses plus de 300% de hausse depuis son introduction, Chipotle perd 10% sur les 6 derniers mois, à cause de ventes décevantes et de perspectives moins attrayante qu’il a encore un an. Même chose pour une autre chaîne de grill "country" très populaire, Buffalo Wild Wings. 330% de gagnés depuis l’introduction fin 2010, mais -12% depuis le début de l’année.

Cas emblématique aussi, celui de Pot Belly, chaîne spécialisée dans les sandwichs faits à la demande, aux ingrédients frais et à l’image un peu plus saine. Après une flambée de plus de 100% le jour de l’introduction en octobre 2013, le titre n’a pas arrêté de baisser, perdant depuis lors 59%.

Des introductions moins porteuses

Face à ce retour de bâton, les analystes de Wall Street attendaient beaucoup de l’introduction vendredi dernier de Fogo De Chao, nouvelle chaîne de barbecue brésilien introduite au Nasdaq, et promise à un brillant avenir. Mais confirmation que quelque chose cloche, le titre perd 12% depuis.

Assiste-t-on à la fin d’une bulle spéculative sur ce "New Fast Food" ? Pas forcément estiment les analystes pour le moment. Les titres en question fournissent encore énormément de rendement, ce qui les rend très attractifs. Mais on est sans doute témoins de la correction d’un marché aux perspectives désormais surévaluées.

Vers un réveil des grandes majors ?

Et c’est sans doute du côté des grandes majors, Mc Donald’s et Yum Brands qu’il faudra regarder attentivement ces prochains mois, tant pour le coup leurs perspectives de vente ont tendance à être survendues par le marché. Mc Donald’s qui d’ailleurs a entamé une revue stratégique, certes tardive, mais qui pourrait se révéler payante sur le long terme, en particulier à base de menus plus variés, d’ingrédients plus frais et de propositions marketing qui sortent de l’archi-standardisation.

Certaines expérimentations ponctuelles sont menées mais pourraient être généralisées au niveau mondial. Le défi est de taille, mais beaucoup d’observateurs américains estiment que ce rééquilibrage des tendances pourrait largement jouer en faveur des supergéants du Fast-Food, avec de nouveaux acteurs qui atteindraient une sorte de seuil de maturité, de nature à stabiliser l’ensemble du marché.

Antoine Larigaudrie