BFM Patrimoine
Placements

Comment l'intelligence artificielle change la vie des traders

L'exploitation des possibilités offertes par l'intelligence artificielle dans les salles de marché a conduit à l'avènement du trading à haute fréquence.

L'exploitation des possibilités offertes par l'intelligence artificielle dans les salles de marché a conduit à l'avènement du trading à haute fréquence. - Andrew Renneisen-GETTY IMAGES NORTH AMERICA-AFP

Que ce soit pour gérer des portefeuilles de clients fortunés, prévoir des mouvements de marchés ou repérer des start-up prometteuses, les financiers utilisent déjà pleinement l'intelligence artificielle.

Amareos compte bien se faire connaître dans le monde de la finance. Cette start-up hongkongaise au nom de chef de tribu indienne a mis au point un algorithme capable d’analyser en temps réel ce qui se dit sur des millions de sites Internet et de comptes sur les réseaux sociaux. Le but? En extraire les informations utiles aux traders.

Pour les investisseurs, il s’agit évidemment de prendre un temps d’avance sur leurs concurrents grâce à l’intelligence artificielle. Une tendance en plein essor depuis quelques années. "Je suis capable de dire ce que les gens pensent de la monnaie officielle chinoise, par exemple. Nous sommes plus précis que simplement détecter des sentiments positifs ou négatifs, nous pouvons détecter de l’ironie ou du sarcasme", avance le co-fondateur d’Amareos, Philippe El-Asmar.

Mise au point avec le concours d’une équipe de l’agence de presse Thomson Reuters, cette technologie définit en effet un degré à chaque émotion (foi, peur, surprise, tristesse, dégoût, colère…) sur un sujet en particulier, comme une matière première par exemple. Reste à voir quelle place il arrivera à se faire sur le marché, d'autres concurrents s'étant lancé depuis plusieurs années dont l'américaine Kensho, fondée en 2013.

Anticiper les risques

Au delà de ces exemples, "l’intelligence artificielle est utilisée de deux façons par les investisseurs: pour anticiper les décisions des autres investisseurs et pour anticiper les risques pris lorsqu’ils investissent sur une valeur", explique Jean-Gabriel Ganascia, professeur à l’université parisienne Pierre et Marie Curie. Le mode de pensée des traders fructueux est modélisé pour être applicable à grande échelle. "La difficulté c’est de sélectionner correctement les sources analysés, d’où la nécessité de définir précisément les critères", explique l’enseignant.

Ces technologies ont permis l’avènement du trading à haute fréquence, hautement spéculatif, où les intelligences artificielles détectent les micro-mouvements de marché afin d’en tirer un maximum de profits à court terme. Les machines passent alors des ordres d’achat et de vente en l’espace de millisecondes. Le secteur de la finance consacrerait 2,8 milliards de dollars d’investissements annuels dans ces technologies, d’après le cabinet de consultants GreySpark Partners.

Watson débusque les infos essentielles

Si Amareos est une jeune pousse lancée il y a moins d’un an, de grands groupes d’informatique n’ont pas attendu pour se lancer dans les recherches en intelligence artificielle. Des équipes au sein de Microsoft ou d'IBM travaillent dessus depuis les années 1990. Le logiciel Watson de la multinationale dirigée par Virginia Rometty est ainsi commercialisé auprès des gestionnaires de portefeuille dans des banques privées.

"Le système Watson apporte de la rationalité à partir de masses colossales d’informations structurées mais aussi non structurées, cachées, parmi une masse d’information qui augmente chaque jour", expose Jean-Philippe Desbiolles, vice-president Cognitive Solution dans le département Financial Services chez IBM Watson Group.

Individuellement, pour chaque portefeuille, le gestionnaire interroge le logiciel et celui-ci lui propose des pistes de recommandations, sur la base desquelles il engage ensuite des discussions avec son client. "Cela permet de créer une relation basée sur du factuel. C’est une façon de donner de la confiance face à un client qui pourrait craindre que son banquier reste dans sa zone de confort ou même essaie de placer le produit financier qui l’arrange", poursuit Jean-Philippe Desbiolles. 50% des brevets déposés par IBM concerne les systèmes cognitifs.

Détecter des marchés prometteurs

Mais les ressources qu’offre l’intelligence artificielle ne sont pas seulement exploitées par les traders ou les gestionnaires de portefeuille de clients fortunés. Les fonds d’investissements aussi peuvent s’en servir. C’est justement l’objectif de la start-up parisienne Walnut Algorithms. Son équipe composée de huit ingénieurs dont quatre data scientists, développe un algorithme intelligent de trading automatique dans l’objectif de créer un fonds d’investissement. L’idée est de réussir à détecter de nouveaux marchés. Les attitudes des acteurs au cours d’une journée sont scrupuleusement observés, les comportements du marché en réaction aux informations soigneusement scrutés.

"L’algorithme analyse les facteurs clés qui impactent le marché de manière automatique et auto-apprenante. Nous faisons de la finance quantitative, ce sont des stratégies appliquées sur des produits dérivés, ayant pour but de générer de la performance absolue, décorrelée des cylces du marché", décrit son PDG, Guillaume Vidal. Ce dernier prévoit ensuite d’utiliser cette technologie pour gérer des fonds à faire fructifier, mais pas avant 2017.

Voilà en tous cas des preuves que l'intelligence artificielle n'est plus un sujet de prospective. Il fait partie du quotidien des traders, même si son application n'en est qu'à ses débuts. "Ce que le moteur à vapeur a fait pour nos muscles, l'intelligence artificielle va le faire pour nos cerveaux", prédisait d'ailleurs l'entrepreneur suisse Hannes Gassert en ouverture d'un conférence Lift cette semaine.

Adeline Raynal