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Dell/EMC: l'opération qui pourrait tout changer dans la high-tech

Michaël Dell, l'emblématique fondateur et patron du géant informatique, pourrait signer avec un rachat d'EMC sans doute l'opération la plus structurante de ces dernières années.

Michaël Dell, l'emblématique fondateur et patron du géant informatique, pourrait signer avec un rachat d'EMC sans doute l'opération la plus structurante de ces dernières années. - Justin Sullivan - Getty Images North America - AFP

Le géant américain de l’informatique prépare une offensive majeure, la reprise d’EMC, spécialiste du stockage de données. Une opération de nature à chambouler le visage de l’économie high-tech américaine, mais qui ne s’annonce pas sans risque.

Un deal à 50 milliards de dollars. On est peut-être devant la plus grosse opération de fusion-acquisition dans le domaine technologique américain de ces 10 dernières années. Et même si le doute subsiste sur la taille de l’opération, il est clair qu’une reprise en main d’EMC par Dell est en chantier, et que la nouvelle est de nature à rebattre les cartes dans le secteur.

Déjà parce que cela prouve que Dell, après plusieurs années d’un virage stratégique lent de l’informatique physique vers les services et l’architecture, est en mesure désormais de repartir à l’assaut d’opérations de rachat d’importance.

Croître vite et fort

Après une phase très difficile et un retrait de la cote censé mettre à l’abri le groupe de la volatilité boursière, Dell a parachevé sa transformation, mais a désormais besoin de grandir vite et fort. Le tout dans un secteur très concurrentiel, où les rivaux ont déjà de grosses parts de marché.

EMC, spécialiste du stockage, aux prises depuis plusieurs années avec un environnement complexe, et des performances souvent ternes, apparaît comme affaibli. Le groupe aux prises avec des problèmes de management et des actionnaires turbulents, pourrait se trouver dans l’opération une extraordinaire occasion d’être au contre d’un nouvel ensemble potentiellement très performant, et incontournable au niveau mondial. 

Reprise intégrale envisagée

Restent quelques interrogations. Dell semble travailler avec plusieurs banques sur une reprise. Mais concerne-t-elle EMC dans son intégralité ou certaines activités uniquement ? Etant donné le travail de restructuration sur ses activités les plus rentables ces dernières années, on peut penser que c’est l’ensemble d’EMC qui est convoité par Dell.

Ce qui n’est pas sans soulever quelques doutes, car l’offre s’annonce tout en cash (Dell étant hors-cote), avec un crédit bancaire géant à monter avec ses banquiers et ses partenaires, dont le fonds Silver Lake.

Vers le plus gros LBO de ces dernières années ?

Et avoir comme partenaire un fonds d’investissements de ce type est un signe parlant : on s’oriente vers un rachat par la dette, un LBO géant, et sans doute un des plus spectaculaire depuis une dizaine d’années, là aussi.

Au vu du montant évoqué, et de l’état du marché de cette dette à haut rendement qui sert à financer ce type de rachat, Dell devrait théoriquement servir des intérêts de 6 à 8%, contre un peu plus de 4 il y a quelques années, quand le groupe finançait le rachat de 2 compagnies de petite taille.

A dette géante, rentabilisation géante.

On est donc dans une situation similaire à celle d’Altice, et de la nécessité de trouver le juste prix pour lever une dette importante auprès d’investisseurs un peu moins friands de risque, qui vont demander des taux plus importants.

Ce qui amène au 2ème aspect de la stratégie que Dell poursuit : rentabiliser l’opération grâce à l’acquisition elle-même. Et là un doute subsiste, tant les acteurs du marché de l’informatique ont du mal à faire décoller la rentabilité de l’activité Cloud.

Croissance solide, mais encore peu rentable

Que ce soit IBM, HP ou encore SAP, on a tout un tas d’acteurs qui ont dû entrer sur ce marché certes lucratif et doté de solides perspectives, mais coûteux à développer en interne.

On est donc encore dans une phase où l’activité est certes en plein boom, mais encore difficilement source de bénéfices pour des entreprises diversifiées qui se lancent sur l’activité. Là, Dell a une carte dans sa manche, grâce à un éventuel élagage des activités d’EMC qui ne l’intéressent pas. Le reste des métiers les plus porteurs de la cible étant déjà bien structurés et développés. Malgré tout, les coûts d’intégration s’annoncent d’ores et déjà importants.

Le défi est de taille pour Dell et le pari est d’importance, vital, d’autant que désormais le groupe peut prétendre jouer dans une catégorie bien supérieure à celle où il avait été relégué ces dernières années. Sans doute le coup de poker de la décennie si l’opération se concrétise.

Antoine Larigaudrie