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Draghi sous la pression des marchés

C'est a BCE, après-demain, qui aura le privilège d'ouvrir jeudi la grande quinzaine d'action des banques centrales, cruciale pour la fin d'année sur les marchés financiers.

C'est a BCE, après-demain, qui aura le privilège d'ouvrir jeudi la grande quinzaine d'action des banques centrales, cruciale pour la fin d'année sur les marchés financiers. - Daniel Roland - AFP

C’est jeudi que la Banque Centrale Européenne doit dévoiler un nouveau train de mesures exceptionnelles de soutien à l’économie. Mais à l’avant-veille de ces annonces, les marchés ont pris leurs positions, et les investisseurs mettent la pression sur Mario Draghi.

Un CAC40 aux portes des 5.000 points, un euro-dollar sur des plus bas du printemps derniers et des records absolus de positions vendeuses sur la devise européenne... On a l’impression que le marché s’est mis tranquillement en position avant les grands rendez-vous des deux semaines à venir.

A commencer par ce jeudi et l’annonce des orientations de politique monétaire de la BCE. A priori au menu, extension du montant du Quantitative Easing, le plan de rachat d’actifs de la banque, de la qualité des actifs rachetés (notamment des initiatives à prévoir autour des obligations privées et des collectivités locales), et des modulations sur les taux de dépôt bancaires.

La remontée des taux de la FED est très attendue 

De quoi anticiper une baisse des taux européens et parallèlement une baisse de l’euro. Phénomène qui risque d’être amplifié par les autres rendez-vous de ces prochaines semaines, et notamment la FED, le 16 décembre.

Cette dernière doit lancer son processus de normalisation progressive de sa politique, après plusieurs années de phase très accommodante. Mais désormais les économies américaine et mondiale y semblent suffisamment préparées. Certains sont impatients de voir le processus s’enclencher, tant tout cela aura provoqué des déséquilibres au niveau mondial.

Le dollar sur la rampe de lancement

Cerise sur le gâteau, les chiffres américains de l’emploi, attendus ce vendredi. S’ils sont encore bons, le marché aura tôt fait de confirmer la future action de la FED, mais aussi de parier sur une intensification de la dynamique de retour à la normale.

Autant de nouvelles qui feront immanquablement monter le dollar, d’autant que ce dernier a en plus retrouvé des couleurs de valeurs refuges, à la fois valeur sûre et aux perspectives de rendement prometteuses dans le contexte actuel.

Parité en vue… voire moins!

Tout cela met très clairement la devise américaine sur la voie de la parité avec l’euro à horizon de quelques semaines. Goldman Sachs, Nomura et Deutsche Bank l’ont déjà prévu dans leurs dernières études, et certains prennent position sur un affaiblissement supérieur de l’euro, avec un euro-dollar qui tomberait à 0.97-0.95 au premier trimestre 2016.

Le timing semble assez net, avec des analystes qui parient sur un euro-dollar qui tomberait dans un premier temps à 1.04 avec les déclarations de la BCE, et peut-être 1.03 si le rapport américain sur l’emploi est très bon vendredi… Avant que la FED ne décide de remonter ses taux le 16 décembre, ce qui pousserait là l’euro-dollar directement du côté de la parité.

Action décisive mais raisonnée

Oui mais voilà, cette mécanique pourtant bien huilée désormais, est source de pression de la part des marchés. Et le sentiment général y est qu’au vu de l’enjeu (ces 2 réunions de banques centrales sont sans doute les plus importantes de ces dernières années), Mario Draghi a certes l’intention d’intensifier l’action de la BCE, mais sans excès non plus.

D’une part, les indicateurs économiques européens frémissent, et d’autre part, dans la mécanique complexe de l’action des banques centrales, il ne serait pas très avisé de décider maintenant de mesures totalement spectaculaires, alors que la FED est attendue juste après avec un resserrement de sa politique monétaire.

A la recherche du bon équilibre

De plus Mario Draghi réserve généralement ses annonces et ses mesures les plus spectaculaires pour les périodes de stress réel des marchés, où ressurgissent des craintes de fonds sur la solidité de l’économie européenne, ce qui n’est pas précisément le cas en ce moment.

Donc le Président de la BCE va devoir trouver le bon équilibre, entre action décisive et modération, sous peine de créer pour le coup un nouveau déséquilibre particulièrement gênant du point de vue du timing. De quoi donner une indigestion aux marchés. 

Contexte expérimental

La banque Barclays a même publiée une étude assez impressionnante sur ce sujet. Son postulat? Il y a tellement de positions vendeuses sur l’euro face au dollar ces derniers temps, que si Mario Draghi déçoit, et décide de ne pas aller assez loin en terme de politique d’assouplissement, le retour de balancier risque d’être spectaculaire, et la banque prévoit même une flambée soudaine vers 1.10 dollar, de nature à totalement déstabiliser le marché !

Malgré tout, les investisseurs attendent tout cela avec sérénité, tant le Président de la BCE a acquis un savoir-faire inégalable au milieu de politiques et de concepts à la fois complexes et expérimentaux. Le marché peut donc, sauf énorme surprise, s’attendre à un joli rallye de fin d’année entretenu par des banques centrales qui tiendront leurs promesses.

Antoine Larigaudrie