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Fonds souverains pétroliers: une menace à 400 milliards de dollars?

Coincés par la dégringolade de leurs revenus pétroliers, les états producteurs vont sans doute être contraints de vendre encore plusieurs centaines de milliards de dollars d'actifs, via leurs fonds souverains.

Coincés par la dégringolade de leurs revenus pétroliers, les états producteurs vont sans doute être contraints de vendre encore plusieurs centaines de milliards de dollars d'actifs, via leurs fonds souverains. - Karim Sahib - AFP

Une étude le révèle: si le pétrole reste durablement installé autour des 30-40 dollars, les fonds souverains des pays producteurs risquent de devoir vendre massivement leurs actifs, pour un montant de 400 milliards de dollars.

Si la dégringolade des prix du brut fait les affaires du consommateur, la musique n’est pas la même pour les pays producteurs. On l’a vu ces derniers temps, la forte baisse de la rente pétrolière a des effets directs sur la situation budgétaire et financière des pays producteurs.

Cela les contraint notamment à revoir leurs priorités stratégiques, et parfois même à réduire voire annuler les subventions aux distributeurs: on en arrive au "paradoxe algérien" qui résume tout, qui veut que si le pétrole n’est pas assez cher, les états remontent les taxes pour récupérer un peu de ces revenus perdus, rendant d’un coup l’essence beaucoup plus chère à la pompe.

Ventes d’actifs forcées

Mais ce n’est pas tout. L’Institut Mondial des Fonds Souverains, qui fait autorité sur le sujet, révèle que les fonds de ces états, alimentés par la rente pétrolière, voient leur priorité changer.

Tout d'abord, face à la baisse des revenus des hydrocarbures, les états en question vont vendre certains des actifs qu’ils détiennent, pour combler les trous budgétaires et aussi lutter contre la spéculation contre leur monnaie, souvent attaquée dans ce cas de figure.

Phénomène en croissance

C’est ce qu’ont commencé à faire les fonds souverains liés aux pays producteurs l’année dernière, à hauteur de 283 milliards de dollars, ce qui a eu mathématiquement un rôle très important dans la débâcle boursière de l’été. Et si ces cessions d’actifs interviennent dans un contexte aussi agité, ils sont généralement repris à très bas prix.

Mais face à la poursuite de la baisse des cours, près de 70% désormais depuis l’été dernier, le mouvement se poursuit et s’amplifie. Ces entités, si les cours du brut restent sur les niveaux actuels, seront contraintes de vendre toujours plus d’actifs.

Changement de stratégie

Emirats Arabes Unis, Qatar, Arabie Saoudite, Russie, ou encore Norvège, l’ensemble de ces fonds détiennent encore 3.000 milliards d’actifs. Ils devraient, selon cette étude, en vendre encore pour 400 milliards sur l’ensemble de l’année 2016.

Selon l’Institut Mondial des Fonds Souverains, cette forte correction des cours du pétrole a complètement réorienté la stratégie des pays producteurs à travers leurs fonds d’investissements.

La fin d’une époque

Ils étaient auparavant les instruments de démonstration d’une vraie puissance financière, une sorte de cagnotte perpétuelle chargée d’investir dans l’immobilier de prestige à l’étranger, le sport, la recherche…

Certains fonds du Golfe ont même participé activement au sauvetage du secteur bancaire mondial lors de la crise financière de 2008, en prenant des parts de capital dans les banques britanniques, italiennes ou américaines.

Un pilier des marchés qui vacille 

Mais l’époque est révolue. Les fonds souverains sont désormais une cagnotte d’actifs à liquider au besoin, car ces structures doivent prendre le relais des états pour financer des projets d’infrastructure, soutenir les marchés financiers domestiques, et compenser la baisse des revenus budgétaires.

Et les actifs que ces fonds détiennent constituent un très puissant soutien pour les marchés financiers mondiaux. Si ce soutien se fragilise, les conséquences peuvent être extrêmement violentes, comme on a pu le voir l’été dernier et au début de cette année.

Besoin d’argent frais

L’Arabie Saoudite, à titre d’exemple, a dû vendre sur le seul mois de décembre 19 milliards de dollars d’actifs, pour pouvoir financer la lutte contre la spéculation à la baisse qui touchait sa monnaie et équilibrer son budget au mieux. Mais de nouvelles vagues de vente sont à prévoir, tant que les prix du brut restent coincés sur les 30-40 dollars, voire pire

Les monarchies pétrolières auront besoin d’argent frais pour se financer, d’autant que les actifs en question auront pris de la valeur après une très belle année 2015.

En attendant que le pétrole remonte…

Et la Russie, confrontée à la forte baisse de sa rente pétrolière, qui grève son économie, doit parallèlement affronter une forte inflation des coûts de ses opérations militaires extérieures, notamment en Syrie.

Et si la guerre se prolonge, les ventes d’actifs sur le marché risquent de se multiplier. Sauf si les prix du baril se stabilisent durablement autour des niveaux actuels, ce que tout le monde souhaite sur les marchés financiers.

Antoine Larigaudrie