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Introductions en Bourse: y'a-t-il une malédiction à Paris?

Contrairement à Oberthur Technologies et Deezer, ShowRoomPrivé a maintenu son introduction en Bourse. Après des début bien difficiles, le titre retrouve à peine son niveau d'introduction.

Contrairement à Oberthur Technologies et Deezer, ShowRoomPrivé a maintenu son introduction en Bourse. Après des début bien difficiles, le titre retrouve à peine son niveau d'introduction. - Eric Piermont - AFP

Deezer et Oberthur Technologies qui annulent leurs IPO, début très difficiles pour ShowroomPrivé: les introductions qui devaient couronner l'année boursière à Paris tournent toutes vinaigres. Problème d'attractivité de la place parisienne, ou de modèles économiques des entreprises concernées?

La fin d'année aurait dû être une fête, elle est en train de tourner au fiasco en termes d'introduction en Bourse sur le marché parisien. Deezer, le spécialiste du streaming musical par abonnement, reporte sine die son opération. Pareil pour Oberthur Technologies, spécialiste des solutions de paiement, qui a fait de même hier.

Et que dire de ShowRoomPrivé, qui après une chute initiale, retrouve à peine ses niveaux d'introduction? Dans les deux premiers cas, les entreprises parlent de "conditions de marché difficiles" pour justifier le report de leur introduction.

Investisseurs plus sélectifs

Curieux motif alors que le CAC40 renoue quasiment avec les 5000 points, après un gain de 10% sur le seul mois d'octobre, et des indices technologiques, dont le Nasdaq, qui renouent quasiment avec leurs niveaux de l'an 2000...

En réalité ces entreprises ont été confrontées à une vraie défiance de la part des investisseurs. Certes, ces derniers ont repris le goût du risque sur le marché actions, mais ils se montrent très sélectifs et ne sont pas prêts à investir sans discernement.

Valorisations difficiles à calculer

Le principal problème, c'est celui de l'étiquette de prix. Pour Deezer comme pour Oberthur Technologies, on a un souci de valorisation. Leurs modèles économiques, très novateurs, touchent des domaines où la concurrence est à la fois morcelée, mais aussi sujette à l'intervention d'acteurs qui pourraient complètement anéantir leurs perspectives.

Dans le cas de Deezer, le streaming musical, impossible d'y voir clair en matière de perspectives. Aucun grand acteur coté n'est en mesure de servir de mètre-étalon pour le secteur. Et on se trouve sur un secteur où Apple et Google travaillent à des projets similaires.

Marchés à la merci des supergéants

Avec une somme d'investissement minimale à leur échelle, ces géants seraient en mesure de prendre la quasi-totalité du marché pour eux, vitrifiant la concurrence, et spécifiquement les petits acteurs indépendants. Une épée de Damoclès sur le modèle industriel de Deezer.

Même problème pour Oberthur Technologies, qui opère sur les solutions de paiement de l'avenir. On a déja Worldpay, Ingenico et d'autres grands groupes déjà bien établis sur un marché, certes en forte expansion, mais également très morcelé. Marché qui pourrait là aussi être complètement chamboulé par les initiatives similaires développées par les géants Apple, Google et consors.

ShowroomPrivé tient bon... et le paye

D'où la frilosité d'investisseurs qui n'ont rien contre une prise de risque mesurée sur le marché, mais avec des perspectives claires. Ce qui n'est pas le cas en ce moment. L'histoire est finalement similaire pour ShowroomPrivé, qui a tenu bon, et a eu le mérite de maintenir son introduction. 

La forte baisse de 9.6% enregistrée le premier jour a été rattrapée depuis, l'opération permettant surtout de faire entrer de nouveaux investisseurs au tour de table. Mais les interrogations demeurent sur le modèle industriel. Certes, le destockage de mode et de grandes marques est doté d'une meilleure visibilité, mais les perspectives de rentabilité et de développement restent floues.

Un problème de modèle plus qu'un problème de place

Donc le problème n'est pas un éventuel manque d'attractivité de la place de Paris. Même si elle est loin d'être sur le podium des grandes places mondiales dans les divers classements, les investisseurs y sont présents et toujours prêts à accompagner les belles affaires qui viennent s'introduire en Bourse.

Le problème vient certainement de la nature même de la logique industrielle qui anime les derniers prétendants, la fameuse French Tech dont le gouvernement Français a fait grand cas, au point que le Ministre de l'Économie Emmanuel Macron était présent lors de l'introduction de ShoroomPrivé le 30 octobre.

Méfiance face à la French Tech?

Cette French Tech est riche d'innovateurs et de modèles industriels très variés, sans doute dotés de solides perspectives d'avenir, mais peu quantifiables et sans vraie base de comparaison.

Et dans ce contexte de marché, les investisseurs sont plus frileux et en demandent plus en matière de visibilité. Pour l'instant, des candidats comme Deezer, pourtant doté d'un rayonnement international fort, ou Oberthur, ne sont pas satisfaisants pour eux.

Amundi à la rescousse?

Le salut viendra peut-être d'Amundi, le géant de la gestion d'actifs, ex-filiale de la Société Générale et du Crédit Agricole. Grâce à son introduction en Bourse, il va pouvoir voler de ses propres ailes, et montrer l'appétit des investisseurs.

Notamment grâce à son statut de ténor de la gestion au niveau mondial, avec 100 milliards d'actifs sous gestion, concurrent direct de super-géants beaucoup plus gros comme Fidelity, Blackrock ou Pimco.

Paris croise les doigts...

Le Crédit Agricole a d'ailleurs annoncé que l'opération était d'ores et déjà entièrement souscrite à une semaine des débuts en Bourse d'Amundi. Le reste ne sera que bonus.

De quoi parier d'ores et déjà sur un succès, sauf énorme surprise. Le cas échéant, et le cas échéant seulement, on pourra effectivement peut-être commencer à parler de malédiction!

Antoine Larigaudrie