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L’affaire de cœur qui pourrait coûter 400 millions de dollars à Morgan Stanley

L'amende de 400 millions de dollars à laquelle est exposée Morgan Stanley pourrait être une des plus importantes jamais payée par une banque d'affaires dans un dossier d'abus de confiance.

L'amende de 400 millions de dollars à laquelle est exposée Morgan Stanley pourrait être une des plus importantes jamais payée par une banque d'affaires dans un dossier d'abus de confiance. - Timothy A. Clary - AFP

L’histoire pourrait faire sourire, mais elle est considérée par la prestigieuse banque américaine avec le plus grand sérieux. Une de ses gérantes-vedette est accusée d’avoir entretenu une liaison avec un de ses plus gros clients, qui aurait été floué d’une partie de sa fortune.

La justice ne plaisante pas avec les banques ces dernières années, mais autant jusqu’à présent elle les avait dans le collimateur pour des affaires réglementaires et de mauvaises pratiques de marché, autant là l’affaire qui inquiète Morgan Stanley est d’une tout autre nature.

Tout commence avec une plainte devant un tribunal de Floride, déposée par la veuve d’un richissime homme d’affaires, Roy Speer, mort il y a 3 ans. Il est fondateur d’une des plus grandes chaînes TV de téléshopping aux Etats Unis, Home Shopping Network. Morgan Stanley gérait pour lui un peu moins de 200 millions de dollars.

Une gérante reconnue et réputée

Sa veuve accuse la banque non seulement d’avoir prélevé des frais de gestion abusifs, mais surtout, elle révèle que la gestionnaire des fonds de feu son mari entretenait une relation avec lui, de 1999 jusqu’à sa mort en 2012. Période où en plus elle estime que son mari, infirme, n’avait plus tout sa tête, victime d’altération du jugement du fait de son grand âge (80 ans à son décès).

Et la gestionnaire en question n’est pas la première venue. C’est même une des gérantes-vedette de la banque d’affaires, Ami Forte, régulièrement citée par la presse professionnelle comme une des plus talentueuse de sa génération, et membre du prestigieux Chairman’s Club interne de Morgan Stanley, un petit comité stratégique de managers d’élite, très écouté par la direction.

Accusation d’abus de faiblesse

Et madame Speer l’accuse ni plus ni moins que d’avoir entretenu une relation avec son mari pour l’escroquer. Des accusations d’autant plus graves que la justice de Floride ne plaisante pas avec les délits d’abus financiers, particulièrement quand ils lèsent des personnes âgées et fragiles, une spécificité locale qui s’explique par le grand nombre de retraités américains qui s’installent dans l’état.

Selon les avocats de madame Speer, Ami Forte se serait rendue coupable de 12.000 opérations financières sur les avoirs de son mari, ce qui aurait généré au moins 40 millions de dollars de commission illégalement perçues. Problème complexe à démêler puisque Ami Forte faisait partie des personnes déléguées par la famille pour gérer les affaires de Roy Speer.

Un risque financier et un risque de réputation

Ce qui explique l’énorme amende que risque Morgan Stanley, 100 millions de dollars de prestations compensatoires et 300 millions de pénalités, 400 au total. Un chiffre qui commence à s’approcher des milliards de dollars que les grandes banques américaines ont dû payer ces derniers mois, dans diverses affaires de mauvaises pratiques de marché ou de manipulation de cours.

L’affaire fait grand bruit dans la communauté financière et nul doute que Morgan Stanley va devoir la régler le plus vite possible pour éviter d’avoir à verser des sommes astronomiques, sans même compter le risque de réputation pour une banque qui, avec d’autres, et régulièrement mise en cause par la justice et les autorités boursières américaines dans des affaires douteuses.

Antoine Larigaudrie