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L'euro peut-il passer sous le dollar?

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- - KeenTeegardin Flickr CC

La monnaie européenne cède progressivement du terrain face au billet vert. Au point de valoir moins que le dollar d'ici quelques mois? Les experts sont partagés.

Les ascenseurs vont-ils finir par se croiser? Depuis la fin mars, l'euro cède petit à petit du terrain face au billet vert. La monnaie unique s'échangeait encore à 1,086 dollar le 27 mars dernier, contre désormais 1,062 dollar après avoir même atteint 1,057 dollar la semaine dernière.

Un glissement progressif, dû selon Nordine Naam, stratégiste devises chez Natixis, à un ensemble de facteurs. "D'une part le dollar s'est réapprécié à la suite de plusieurs indicateurs sur l'activité américaine, pas si mauvais quand on les regarde dans le détail, comme le taux de chômage qui est passé de 4,7 à 4,5%. D'autre part l'euro a baissé. En mars circulaient des rumeurs sur une remontée des taux de la BCE avant même la fin de l'année, ce qui avait fait monter la devise. Mais, depuis, le directoire de la banque centrale les a démenties à plusieurs reprises", explique-t-il.

À cela s'ajoute "le risque politique" lié à l'élection française, complète-t-il, "qui a augmenté cette semaine, même si l'effet reste petit". Avec la percée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, le scrutin s'oriente de plus en plus vers un match à 4 avec Emmanuel Macron et François Fillon, candidats perçus comme étant pro-business, et Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dont les mesures incompatibles avec les règles européennes inquiètent davantage les marchés (sortie de l'euro pour l'un, explosion de la dette pour l'autre).

Vers une parité euro-dollar pour Deutsche Bank AM 

Mais contrairement aux idées reçues, une victoire d'Emmanuel Macron ou de François Fillon ne devrait pas inverser cette tendance. Même si, en cas d'élection d'un des deux candidats, l'euro pourrait monter face au dollar dans un premier temps, cela ne ferait que retarder l'inévitable, à savoir la parité entre l'euro et le dollar, d'après les stratégistes de Deutsche Bank Asset Management. Ainsi, l'élection de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon, ne ferait qu'accélérer la spirale négative de la devise européenne face au billet vert.

Mais plus que le "risque" politique perçu par les marchés, c'est l'écart croissant entre les taux d'intérêt de la Fed et de la BCE, qui devrait ramener l'euro à la parité. Alors qu'en zone euro, les taux stationnent à 0% depuis 2016, et ne devraient pas être relevés de sitôt, ceux de la Fed en revanche devraient remonter petit à petit. Les analystes attendent d'ailleurs encore deux remontées de taux cette année, ce qui mécaniquement devrait encore renforcer le dollar face à l'euro. En effet, des taux d'intérêt plus élevés augmentent la valeur d'une devise par rapport à une autre car cela pousse les investisseurs à choisir la monnaie offrant le meilleur rendement (dans le cas présent, le dollar). 

Des analystes partagés

Mais tous les analystes ne partagent pas forcément cet avis. À commencer par Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, qui table sur un euro dollar entre 1,04 et 1,10 dollar dans les trois à six mois à venir. "C'est un beau rêve d'analyste que tout le monde évoque. Mais plusieurs éléments font qu'à notre avis cela n'arrivera pas. D'abord il faudrait, pour arriver à la parité qu'il y ait une différence de politique monétaire significative entre les États-Unis et l'Europe. Or force est de constater que la normalisation de la politique de la Fed et la poursuite d'une politique accommodante de la part de la BCE sont déjà anticipées dans les cours. Ensuite, il y a un élément macroéconomique: la zone euro affiche un excédent de ses comptes courants, c'est-à-dire qu'il y a davantage de flux de capitaux qui y entrent qui n'en sortent".

Pour Nordine Naam également, cette hypothèse reste encore peu probable. "Arriver à la parité n'est pas impossible mais vraiment difficile. Il faudrait par exemple que Trump fasse une réforme fiscale canon et que l'activité américaine reparte encore davantage avec une forte confiance des ménages. Mais cela paraît compliqué: mercredi Donald Trump a appelé de ses vœux un dollar faible. Cela sera donc d'autant plus difficile que le président américain va batailler pour défendre sa monnaie".

S'il est difficile de dire que l'euro retombera à 1 dollar dans les mois à venir, la monnaie unique devrait tout de même rester sous pression jusqu'au premier tour de l'élection présidentielle, évoluant au gré des sondages favorables ou non aux duos Mélenchon-Le Pen et Macron-Fillon.

Julien Marion et Sami Bouzid