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L’or au plus bas depuis 5 ans

L'ancienne valeur-refuge par excellence est victime d'un mouvement de vente qui pourrait rapidement lui faire perdre tous ses gains engrangés depuis 20008-2009

L'ancienne valeur-refuge par excellence est victime d'un mouvement de vente qui pourrait rapidement lui faire perdre tous ses gains engrangés depuis 20008-2009 - Thomas Samson - AFP

S’il est une matière première à la trajectoire bien imprévisible ces dernières années, c’est bien l’once d’or fin. Alors que jamais les incertitudes de marchés n’ont  été aussi élevées et nombreuses, la valeur-refuge par excellence semble délaissée.

Des mois que l’or ne faisait plus rien… Et voilà les cours qui tombent d’un coup. L’impression d’une capitulation, qui a pris la forme d’une brusque plongée ce matin en Asie, et qui devrait se répercuter sur les autres marchés rapidement.

Après avoir passé des mois dans des bornes d’évolution assez étroites de 1150-1250 dollars, et ce malgré la Grèce et la possibilité d’une sortie de la zone euro, les inquiétudes sur la croissance chinoise et les inquiétudes habituelles de marché (relativisme monétaire, fluctuation des monnaies, volatilité des taux).

Vers les 1.000 dollars?

Mais là l’once d’or fin a vraiment craqué à la baisse sur les 1.100 dollars et la situation pourrait rapidement s’aggraver selon les analystes graphiques, de quoi prévoir à court terme un retour du côté des 1.000 dollars… ce qui nous ramènerait dans ce cas vers des niveaux jamais vus depuis octobre 2009.

Très curieux destin que celui de l’or, placement de sécurité maximal. L’once d’or fin aura doublé de prix entre 2005 et 2010, encore grimpé pendant les périodes de haute incertitude après la crise financière de 2008… Mais depuis délaissé pour différentes raisons.

Les efforts des banques centrales

Le grand changement de ces derniers mois est tout d’abord la progression du dollar. Sur fond de politique proactive de la BCE qui tend à faire baisser l’euro, et au contraire, perspective de hausse des taux du côté américain, le dollar reprend à la fois des couleurs de valeur-refuge et d’actif de rendement.

Même si la plupart d’entre elles sont assises sur des coffres-forts riches en lingots et en barres d’or, les politiques hors-cadre des banques centrales ces derniers temps (FED, BCE, Banque Centrale Japonaise ou même Chinoise) tendant à complètement chambouler le paysage en matière de fondamentaux économiques de base, et notamment l’usage des métaux précieux.

Changement d'appréciation du risque

Pas forcément en réduisant l’attrait et donc les pressions de marché, mais l’or servant traditionnellement à se couvrir contre l’inflation et l’agitation des marchés, il perd forcément une partie de sa valeur théorique, alors que l’inflation se fait rare et qu’on essaye même de la créer artificiellement. Et c’est du côté de la gestion du facteur-risque également que les banques centrales ont changé l’environnement du marché.

Avec une action monétaire aussi énorme et aussi intense, la perception du risque a complètement changé. Non pas qu’il soit plus faible qu’au temps de la faillite de Lehman Brothers par exemple, mais il est bien plus volatil et brusque qu’auparavant, nécessitant moins de se prémunir contre lui par le biais de placements sur l’or notamment.

La Chine et ses stocks

Dernier catalyseur marquant de ces derniers jours, le premier inventaire des stocks d’or chinois depuis 2009. Ils marquent une très forte hausse, +60%, pour un encours total de 1.658 tonnes. Un chiffre impressionnant qui a pourtant déçu beaucoup d’analystes, notamment ceux qui cherchent des rasions d’acheter de l’or. Car à 60% en 6 ans, c’est juste 10% de mieux chaque année.

Sur une période qui a vu la fin de la purge de la crise bancaire de 2008, le début de la crise des dettes souveraines de la zone euro, la crise grecque et ses différents épisodes… Sans compter la volatilité et les incertitudes autour de l’économie chinoise !

Un fond à la manœuvre ?

C’est pourquoi, face à des réserves de changes évaluées à 3.000 milliards de dollars, les plus importantes du monde, l’or ne représente que 1,6% du total, contre autour des 10% en moyenne mondiale, selon les statistiques du FMI.

Un niveau bien insuffisant pour que cela ait le moindre impact sur les cours actuel, voire un impact négatif, ce qui est en train d’être joué sur le marché en ce moment.

Ajoutez à cela des rumeurs d’intervention d’un grand fonds d’investissement qui vend son or via des produits financiers (notamment des ETF), et vous avez un marché de l’or qui prend une tendance largement baissière, car coûtant de plus en plus cher à détenir pour un rendement de plus en plus faible comparé aux autres actifs financiers disponibles.

Antoine Larigaudrie