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La Banque du Japon bientôt premier actionnaire du pays

La Banque du Japon se transforme en un véritable fonds d'investissement

La Banque du Japon se transforme en un véritable fonds d'investissement - Kazuhiro Nogi - AFP

A force d'acheter des titres sur le marché, la banque centrale japonaise devrait s'imposer comme le premier investisseur des principales sociétés nippones cotées en Bourse d'ici la fin 2017. Un statut qui n'est pas sans inquiéter les experts.

"La baleine japonaise". Voilà comment la Banque du Japon (BOJ) est désormais surnommée. Pour une raison simple: la banque centrale est en train d'acheter massivement des actions des grands groupes nippons.

"Le principal effet du Brexit a été de conforter l'action des banques centrales. Le cas d'école c'est la Banque du Japon qui va devenir le premier acheteur et le premier détenteur d'actions au Japon. Le marché devient, et c'est regrettable, administré", soulignait encore jeudi Romain Boscher, directeur de gestions chez Amundi sur BFM Business.

56 milliards de dollars par an

En effet, l'agence Bloomberg rapporte que la Banque du Japon devrait d'ici la fin 2017 devenir l'actionnaire numéro 1 de 55 des 225 entreprises composant le Nikkei, l'indice phare de la Bourse de Tokyo. Déjà à l'heure actuelle, elle fait partie des cinq plus gros investisseurs dans 81 compagnies.

Alors que le Japon est en proie depuis 1998 à une déflation persistante et néfaste pour l'économie, la Banque du Japon a, depuis 2013 et la nomination de son gouverneur Haruhiko Kuroda, multiplié les mesures "bazooka" pour rallumer l'inflation. Ce qui l'a amenée à acheter massivement des titres, notamment des ETF, c'est-à-dire des produits répliquant les performances d'indices boursiers.

Indirectement, la Banque du Japon achète ainsi en grande quantité des actions japonaises. Et Haruhiko Kuroda a encore affirmé en juillet qu'elle allait intensifier ses efforts, en doublant les montants d'achat des ETF, de 28 à 56 milliards de dollars par an.

Des critiques

Ces achats, s'ils tirent artificiellement les cours vers le haut, n'en sont pas moins critiqués. Tout d'abord, l'action d'ensemble de la Banque du Japon a un bilan pour le moment mitigé. Si elle a permis de regonfler un peu l'inflation et de la faire basculer en territoire négatif, Raphaël Gallardo, stratégiste chez Natixis, soulignait en avril dernier que "force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances suscitées à l’origine" avec des anticipations d'inflation qui retombaient "dangereusement vers zéro".

Ensuite, plusieurs observateurs craignent que les achats d'ETF de la Banque du Japon n'entraînent des dysfonctionnements sur le marché. "Pour ceux qui veulent voir le marché grimper à tout prix c'est formidable. Mais cela va clairement distordre la santé du marché action", jugeait en avril dernier Shingo Ide, chef stratégiste chez NLI Research, interrogé par Bloomberg.

Cette métamorphose d'une banque centrale en un véritable fonds d'investissement crée en effet quelques soucis. Certaines entreprises, dont les actions disponibles sur le marché sont déjà rares, vont devenir encore plus difficile à acheter pour les traders. De plus, certains experts redoutent que l'action de la Banque centrale génère de potentiels effets d'aubaine pour les "mauvais dirigeants" de grandes entreprises: puisque les cours montent de toute façon, ne vaut-il pas mieux rien faire que prendre des risques?

Tous les observateurs ne sont pas pour autant inquiets. Également interrogé par Bloomberg, Takashi Aoki de Mizuho Asset Management rappelle que l'objectif de la Banque du Japon est d'arriver à 2% d'inflation. "L'étendue des rachats d'actions de la Banque du Japon est ce qu'il faut pour atteindre cet objectif", ajoute-t-il.