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La Banque du Japon fait à son tour payer les dépôts

Surprise de taille pour les marchés : la Banque du Japon entre elle aussi dans le groupe des banques centrales qui vont désormais taxer les dépôts bancaires. Une initiative de plus pour soutenir l'économie... et maîtriser le Yen.

Surprise de taille pour les marchés : la Banque du Japon entre elle aussi dans le groupe des banques centrales qui vont désormais taxer les dépôts bancaires. Une initiative de plus pour soutenir l'économie... et maîtriser le Yen. - KAZUHIRO NOGI - AFP

La décision a ébranlé la planète boursière ce matin : la Banque du Japon a décidé d’abaisser ses taux de dépôts en territoire négatif, à -0.1%. Une nouvelle tentative pour stimuler l’économie japonaise et l’inflation… Mais aussi continuer à faire baisser sa monnaie.

La Banque du Japon avait tout essayé sauf ça. Taux directeurs quasi-nuls, rachats d’actifs massifs… Mais pas encore les taux de dépôt négatifs. Comme c’est déjà le cas pour la BCE depuis quelques mois, ainsi que dans d’autres pays comme la Suisse, la France ou l’Allemagne, la BoJ va faire payer les banques qui laissent leurs dépôts chez elle.

On est en plein cœur des recettes de politique monétaires utilisées en ce moment en Europe, et autrefois aux Etats-Unis: décourager les banques de laisser dormir leur argent du côté des banques centrales, pour qu’elles le refassent circuler dans l’économie réelle, stimuler l’activité de crédit, fortifier la demande… et créer de l’inflation.

Mission "Coup de Balai"!

Mais jusqu’à présent, même si la Banque du Japon est sans doute celle qui est allé le plus loin en matière de politique de taux planchers et de rachats d’actifs (elle est capable de racheter toutes sortes d’actifs, de produits financiers précis aux actions en passant évidemment par les obligations). Et malgré tout, le pays connaît une croissance très molle et une tendance à la déflation.

L’action de la Banque du Japon est vraiment organisée à la manière d’un coup de balai, faire sortir de son bilan l’argent que les banques devraient faire circuler, au lieu de le laisser dormir sur des comptes de dépôts qui, en plus, ne rapportent rien.

Mais ce cas de figure particulier est propre au Japon. A la fois économie considérée comme "à risques" car très faible du point de vue de la performance et de la tendance des prix, mais considérablement attrayante pour les investisseurs.

En effet, si on regarde les chiffres hebdomadaires des flux d’investissements depuis plus d’un an et demi rien que sur les marchés actions, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’on soit en période de marché calme et haussier, ou de tempête boursière, deux seules zones d’investissements échappent toujours à tout : la Zone euro et le Japon.

Le "franc suisse" de l’Asie !

Alors que la FED est confrontée au problème du redressement de ses taux directeurs, et que les pays émergents sont le théâtre d’une fuite de capitaux continue, les investissements se concentrent sur les deux zones finalement les moins risquées que sont l’Europe et l’économie japonaise, où la banque centrale a décidé de soutenir coûte que coûte son marché.

Un investissement donc sûr, si on le rapporte à l’ensemble des considérations monétaires du moment. Ce qui pose un problème capital pour le Japon : la trop grande force de sa monnaie. Le yen bénéficiant de flux d’achat considérables, à tel point qu’il est même surnommé "le franc suisse de l'Asie"! Une situation gênante alors que tout près de là, la Chine organise progressivement la baisse de sa monnaie, le yuan.

Charge à la Banque Centrale de trouver une solution unique pour à la fois soutenir l’économie, sécuriser son système financier et réduire la relative force de sa monnaie, notamment face à celle du géant chinois. Et une fois qu’on a abaissé ses taux au minimum, qu’on rachète des actifs sur une palette extra-large… seul une baisse des taux de dépôts peut encore faire réagir positivement.

Toute cette agitation a eu les effets escomptés, une forte hausse du Nikkei (+2.8% en clôture ce matin, et même plus de 3% de hausse en séance), et une forte baisse du Yen qui remonte largement au-dessus des 120 pour 1 dollar, au plus haut depuis août dernier.

Nouvelle phase de la guerre des monnaies

Elle s’ajoute au climat actuel qui fait dire aux investisseurs que les banques centrales vont rester très accommodantes au milieu de ces turbulences boursières, avec en plus une BCE en mode "No Limit" pour aider l’économie, et une FED "attentive" aux risques de marché, si bien que beaucoup s’attendent à ce qu’elle fasse une longue pause après sa première hausse de taux de décembre dernier, quitte à ce qu’elle soit la seule avant… 2017 !

L’effet psychologique sera sans doute très positif pour les marchés actions. Malgré tout, tout cela ne doit pas faire oublier que la guerre des monnaies n’a jamais cessé entre dollar, euro, mais surtout yen et yuan… Et que l’affrontement entre les deux super-géants asiatiques ne fait que commencer.

Antoine Larigaudrie