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Marché : La BCE va injecter 120 milliards d'euros supplémentaires pour tenter de relancer le crédit

jeudi 12 mars 2020 à 16h34

(BFM Bourse) - L'efficacité d'une baisse de taux étant devenue marginale dans la mesure où son taux de dépôt est déjà négatif (-0,5%), l'institution présidée par Christine Lagarde a annoncé en guise de mesure de soutien à l'économie face au coronavirus qu'elle allait injecter 120 milliards d'euros supplémentaires sur les marchés afin de soulager les banques.

Alors que le taux d'intérêt qu'elle applique aux dépôts des banques est déjà négatif, la Banque centrale européenne (BCE) a choisi de ne pas en modifié le niveau actuel de -0,5%. Pour encourager les banques à soutenir les PME les plus touchées par l'épidémie de coronavirus, l'institution a plutôt misé sur d'autres mesures, et va allouer une enveloppe supplémentaires de 120 milliards d'euros allouée au rachat de dettes publiques et privées directement sur les marchés, à utiliser d'ici la fin de l'année.

"L'absence totale de baisse des taux d'intérêt - contrairement à la Fed et à la Banque d'Angleterre - nous rappelle brutalement qu'avec un taux de dépôt déjà à -0,5%, la BCE dispose d'une marge de manœuvre nettement inférieure à celle des autres banques centrales", relève Wolfgang Bauer, gérant obligataire chez M&G Investments. De son côté, la Fed a en effet abaissé le taux des Fed funds d'une fourchette de 1,50 à 1,75% à une fourchette de 1 à 1,25%, et la Bank of England a ramené son taux principal de 0,75% à 0,25%.

Parmi les autres mesures annoncées, la BCE a décidé d'assouplir les exigences demandées aux banques en termes de fonds propres, autrement dit en leur permettant d'opérer avec une proportion de fonds propre inférieur aux minimaux prévus. L'institution considère que les "coussins" de fonds propres dont on a demandé aux établissements de crédit de se doter ont justement été prévus pour absorber "des situations de stress telles que celle-ci", et que c'est donc maintenant qu'il faut leur permettre d'utiliser leurs capitaux excédentaires. En contrepartie, la BCE demande explicitement aux banques de ne pas augmenter leurs dividendes, ou la rémunération variable de leurs dirigeants.

Ces mesures "apportent un soulagement important pour les capitaux des banques" qui devront donc exclusivement en tirer parie pour soutenir l'économie, a indiqué la BCE.

Par ailleurs, la banque centrale va à nouveau assouplir les prêts à plus long terme consentis aux banques au travers des opérations trimestrielles de refinancement à deux ans, appelées (targeted longer-term refinancing operations, ou TLTRO. Des conditions "considérablement plus favorables seront appliqués". Concrètement, le taux pratiqué sera inférieur de 0,25 point au taux directeur moyen - autrement dit, aux niveaux actuels les banques rembourseront à l'échéance moins d'argent qu'elles n'en avaient emprunté à la BCE. L'objectif étant de les inciter à prêter le plus largement possible aux entreprises, en particulier les PME-PMI. Frédérik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management, calcule que les nouvelles règles des TLTRO permettront aux banques d'emprunter ainsi jusqu'à 2.288 milliards d'euros supplémentaires (à titre de comparaison, le solde restant dû des précédentes opérations de TLTRO s'élève à 610 milliards d'euros).

L'ancienne patronne du Fonds monétaire international, qui a succédé à Mario Draghi en novembre 2019, a souligné l'importance inédite du défi que la crise sanitaire pose aux les économies mondiales, en particulier celles de la zone euro. Selon Christine Lagarde, l'impact des mesures prises dépendront de leur rapidité, de leur vigueur et de leur caractère collectif. En ce sens, elle a dit "encourager fortement et espérer une réponse budgétaire concertée" des gouvernements.

Interpellée à plusieurs reprises quant au fait que la banque centrale n'envisage pas de revenir à des opérations dites OMT (opérations monétaires sur titres ou Outright Monetary Transactions) pour soulager spécifiquement les tensions sur les obligations d'Etat italiennes, dont le rendement par rapport au Bund allemand s'accroît comme lors de la crise de la dette de 2011-2012, Christine Lagarde a fini par déclarer que ce n'était pas à la BCE de "refermer les écarts" de crédit, au désarroi des opérateurs de la péninsule. Le taux des bons du Trésor italien à dix ans s'envolait à 1,684% jeudi après la décision de la BCE, soit près de 2% d'écart par rapport aux taux allemands (négatifs à cette échéance), marquant un faux-pas majeur aux yeux de beaucoup d'observateurs.

Il faut souvent du temps pour que les décisions d'une banque centrale soient "analysées, disséquées et appréciées", a-t-elle également répondu, interrogée sur le fait que les marchés européens avaient accentué leurs pertes après la publication des mesures décidées par la BCE. Selon Christine Lagarde, le paquet monétaire présenté est adapté à ses objectifs, à savoir prévenir un risque de liquidité sur le marché interbancaire, empêcher une interruption ou un ralentissement du flux de crédit à l'économie, et remédier à la sensibilité exacerbée des marchés qui entraîne une instabilité dangereuse.

Si des liquidités supplémentaires importantes sont ainsi offertes aux banques, a un coût potentiellement négatif, pour les inciter à maintenir ouvert les différents guichets de crédit pour les ménages et les entreprises, Patrice Gautry, chef économiste à l'Union Bancaire Privée relève que rien ne les les oblige ou ne les incite pour autant à le faire, surtout si elles craignent que les revenus des débiteurs seront affectés par le coronavirus. "Le risque peut ainsi demeurer que les banques soient de plus en plus prudentes face à une détérioration de leurs portefeuilles de prêts et ne réduisent en fait leurs nouveaux prêts", indique l'économiste. De plus, si le discours met l’accent sur les prêts aux petites et moyennes entreprises, dans les fait ces mesures semblent trop globales -comparées à celles présentées par la Banque d’Angleterre- puisqu'il n'y a pas de contraintes techniques afin de flécher dès l’origine ces facilités de crédit accrues en fonction de la taille des entreprises. Aux yeux de Patrice Gautry, "une garantie de l’Etat sur les prêts immobilier ou les prêts aux entreprises, comme celle mise en place en Italie, semble pertinente et nécessaire pour éviter une raréfaction de l’offre de crédit".

Le stratège souligne que "c'est bien une action coordonnée des politiques budgétaire et monétaire qui est de plus nécessaire et urgente au vu du krach sur les marchés financiers". Si la BCE a encore une fois appelé à une action forte, immédiate et coordonnée de la politique budgétaire, mais elle ne semble pas être suffisamment entendue par la Commission européenne ni le Conseil européen. "Le retard dans l’action risque de devoir mobiliser encore plus de fonds qu’une action préemptive : des plans budgétaires inférieurs à 1% du PIB ne seront pas jugés suffisants par les marchés financiers dans cet environnement", juge-t-il.

De fait, les mesures annoncées en l'état n'ont pas réussi à apaiser les marchés. "Le sentiment d’aversion pour le risque s'est considérablement intensifié à la suite des annonces de la BCE, lorsque l’iTraxx Xover (un indicateur de risque sur les obligations à haut rendement européennes) a bondi d'environ 120 points de base atteignant alors les niveaux connus en 2012", souligne Wolfgang Bauer chez M&G. Et c'est peut-être parce que la politique monétaire de la BCE semble approche ses limites que Christine Lagarde a souligné l'importance d'une réponse budgétaire ferme et coordonnée pour faire face à l'impact de la crise du coronavirus sur l'économie européenne.

Mais pour Berenberg, une banque d'investissement, la réaction négative des marchés n'est peut être pas à rapprocher d'un verdict à l'encontre de la décision de la BCE. "Cela peut aussi refléter une prise de conscience que les politiques monétaire ou budgétaire n'ont pas la capacité d'être des coupe-feu face à une urgence médicale.

De façon plus anecdotique, la Banque Centrale Européenne, dont le siège est à Francfort et dont le conseil des gouverneurs compte des membres originaires de différents Etats-membres, voit son propre fonctionnement au quotidien perturbé par le coronavirus. Pour la première fois, une partie des gouverneurs participant au vote ont assisté au dernier conseil par vidéoconférence. Christine Lagarde que le prochain conseil pourrait être présidé soit par elle-même, soit par l'espagnol Luis de Guindos, vice-président, le directoire adoptant un fonctionnement à deux équipes dont les membres ne se rencontreront pas, pour minimiser le risque de voir tout le monde infecté en une seule occasion.

Guillaume Bayre - ©2024 BFM Bourse
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