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Le cataclysme boursier d'Abengoa ébranle l’Espagne

Au bord de la faillite, l'Espagnol Abengoa fait craindre l'explosion d'une 2ème bulle spéculative autour des énergies renouvelables en Espagne... une menace potentielle de plus pour le secteur bancaire du pays.

Au bord de la faillite, l'Espagnol Abengoa fait craindre l'explosion d'une 2ème bulle spéculative autour des énergies renouvelables en Espagne... une menace potentielle de plus pour le secteur bancaire du pays. - Vladimir Rodas / AFP

Le nom de ce spécialiste des énergies vertes était peu connu sur les marchés jusqu’à cette séance du 25 novembre, où il a perdu 70% de sa valeur à la Bourse de Madrid. De quoi inquiéter tout le secteur des énergies renouvelables mais aussi l’ensemble du secteur financier espagnol.

"On est face à ce qui pourrait être potentiellement la plus grosse faillite de l’histoire financière du pays", s’inquiétait hier un banquier espagnol. Et la réaction est à la mesure de l’évènement. Il y avait longtemps que la Bourse espagnole n’avait pas connu telle chute, à tel point que certains traders avaient l’impression de revivre le cauchemar de la déconfiture des promoteurs immobiliers cotés, en 2008.

Abengoa, société spécialisée dans le domaine des énergies vertes, apparaissait jusqu'alors comme l’un des modèles industriels les plus prometteurs du secteur des énergies renouvelables en Espagne. La société était cotée à Madrid, mais aussi à Francfort et au Nasdaq !

Un poids lourd en quasi-faillite

A la fois spécialisé dans l’ingénierie et la construction de sites de production d’énergie, solaire et biomasse, présent dans les recherches sur les biocarburants, ou encore dans les enzymes spécialisés, Abengoa était encore récemment décrit comme l'un des principaux innovateurs dans le secteur.

Et hier, le groupe s’est tout simplement déclaré en défaut de paiement. Après une chute de 57% en bourse l’année dernière, le groupe n’a plus ni les assises financières ni la trésorerie pour faire face à ses dépenses courantes et le remboursement de ses dettes, évaluées à quasiment 9 milliards d’euros. Sans même compter l’ensemble des engagements financiers du groupe auprès de ses fournisseurs.

Changement brutal de politiques publiques

Immédiatement le titre s’est effondré après une séance chaotique, marquée par des suspensions de cotations, a perdu jusqu’à 70% de sa valeur avant de réduire les pertes à 50%. Aujourd’hui le chemin de croix continue, avec une perte de 15% à l’ouverture.

L’énorme problème auquel est confronté Abengoa est le changement radical d’environnement consécutif à la réorientation de la politique économique du gouvernement espagnol. La cure d’austérité drastique à laquelle le pays a été soumis ces dernières années a certes porté ses fruits, mais aura été fatale à certains secteurs économiques qui ont subi une véritable purge.

Plus de chèques en blanc

C’est le cas des énergies renouvelables. Secteur prometteur, il a connu à partir de 2003-2004 une croissance exponentielle, alimenté en très grande partie par de larges subventions publiques et des politiques fiscales extrêmement avantageuses. Mais le carnet de chèques en blanc est bel et bien épuisé.

Du coup, comme tous les acteurs de ce secteurs ont financé cette croissance un peu artificielle par du crédit bancaire à tout-va. et après arrêt de la plupart des initiatives publiques, ils sont désormais incapables de faire face à un monceau de dettes. Un scénario déjà vu et revu ces dernières années dans de multiples secteurs d'activité.

Vers une seconde phase de purge? 

Depuis 2008-2010, le secteur des énergies renouvelables a connu une véritable purge, mettant par terre les sociétés aux modèles industriels et aux perspectives les plus fragiles. Seuls les acteurs aux assises financières les plus solides, ou ceux qui bénéficiaient des soutiens les plus forts ont réussi à survivre à ce "grand ménage", et Abengoa en faisait partie. De quoi faire craindre à l’ensemble de la communauté financière une seconde phase de purge du secteur, mais cette fois avec des implications beaucoup plus sérieuse.

Dans le sillage de l’effondrement d’Abengoa à la Bourse de Madrid hier, toutes les grandes banques qui prêtaient à la société ont connu une chute brutale, très clairement liées à l’affaire, tant le reste du secteur bancaire européen était plutôt orienté à la hausse. Santander, Caixa et Banco Popular ont perdu entre 2 et 3% en clôture. Même l’IBEX, l’indice-vedette de la Bourse de Madrid, a dû se contenter d'une hausse de 0.2% alors que le CAC 40 gagnait 1,5%.

Restructuration drastique

L’affaire a donc un véritable retentissement immédiat et ne sera donc pas sans conséquence à plus long terme. "Beaucoup des prêteurs ne reverront jamais leur argent, c’est inéluctable", admettait, fataliste, un financier espagnol mercredi. Et même si les pertes peuvent être contenues sur le dossier Abengoa, les investisseurs redoutent les effets dévastateur d'une nouvelle explosion de cette bulle spéculative verte.

D'autant les banques espagnoles restent fragiles. Après la purge qui a touché le secteur immobilier, la crise de 2008 qui a mis les finances du pays par terre, et la restructuration drastique du système financier du pays, elles sortaient tout juste la tête de l’eau. L'Espagne, habituée aux ondes de choc multiples, fait ainsi face à un vrai nouveau sujet d’inquiétude, puisque c'est tout bonnement sa reprise économique qui est en jeu. 

Antoine Larigaudrie