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Le lent calvaire du secteur bancaire italien

La banque italienne Monte dei Paschi di Siena est en grande difficulté

La banque italienne Monte dei Paschi di Siena est en grande difficulté - Petra Milosevic CC

Aux prises avec de très importantes difficultés structurelles depuis des années, les banques italiennes se voient en plus massacrées en bourse après le Brexit. Le gouvernement italien songe à de nouveaux dispositifs d’aide.

3 ans de difficultés structurelles… Et une tempête boursière qui sonne un peu comme un coup de grâce. Le secteur bancaire italien est sans doute celui qui paye le plus lourd tribut à la tourmente du moment, avec des baisses spectaculaires. La plus grande banque du pays, Unicredit, a même touché un plus bas historique hier à 1,9 euro. Le titre perd 60% depuis le 1er janvier.

Le secteur bancaire d'Italie est, tout comme celui d’Espagne, parmi les plus fragiles d’Europe. Après la crise des dettes souveraines en 2011, il s’est retrouvé balayé par une vague de défiance qui a commencé à toucher ses établissements les plus fragiles, notamment les entités régionales, et qui est remontée aux enseignes majeures du pays.

La gangrène des créances douteuses

Malgré une tentative de règlement de tous ces problèmes par un grand mouvement de fusions entre banques régionales, comme ce fut le cas en Espagne, les problèmes se sont en réalité accentués. Certaines petites entités sont désormais au bord de l’insolvabilité totale et brûlent leur cash à une vitesse alarmante, comme la plus vieille banque du pays, Monte Dei Paschi di Siena.

Avec la baisse de la croissance et des perspectives économiques du pays, entre les prêts accordés aux collectivités territoriales et la forte hausse des situations d’insolvabilité de beaucoup d’entreprises et de particuliers, l’ensemble du secteur croule sous les créances douteuses, les prêts non-performants.

Dispositifs d’aide déjà inefficients

Au total, l’ensemble des banques italiennes concentrent un montant de 360 milliards d’euros de cette dette à risques. Soit le tiers du montant total des crédits douteux accumulés dans la zone euro toute entière. Un véritable problème structurel qui vient s’ajouter à l’environnement actuel très défavorable aux activités bancaires, notamment avec des taux planchers ou négatifs qui nuisent à la rentabilité, sans compter les événements exceptionnels comme le Brexit.

Le gouvernement italien, conscient du problème, a monté il y a quelques semaines un fond de soutien, Atalante, doté au départ de 4,5 milliards d’euros. Mais d’entrée de jeu, il s’est avéré insuffisant vu la taille du chantier. Et totalement inefficient face à la tourmente boursière du moment qui envoie les valeurs bancaires au tapis.

Garantie d’État?

Rome planche donc sur de nouveaux dispositifs d’aide. Car la principale crainte du gouvernement est de voir le secteur bancaire du pays démoli par une vague de spéculation à la baisse ourdie par des hedge funds.

Plusieurs pistes sont envisagées. La première serait de décider de garanties d’État pour consolider l’activité des banques. Le gouvernement imagine même adosser l’activité des banques directement à des garanties émises par la Caisse des Dépôts du pays. Ainsi, l’État se porterait garant pour chaque opération effectuée par ces établissements.

Prises de capital ou dérogations européennes

L’autre solution serait, à l’instar de ce qu'il s’est passé en Grande-Bretagne et aux États-Unis il y a 5 ou 6 ans, une prise du capital de ces banques par l’État ou le Trésor. Hypothèse pour l’instant mise à l’écart, alors que l’État lui-même doit batailler avec une situation budgétaire plutôt complexe, avec une opinion publique qui ne serait sans doute pas très favorable à l’initiative.

Dernière hypothèse: laisser les banques se restructurer tout en poursuivant leurs activités, en demandant des dérogations spéciales aux autorités bancaires européennes. Leurs situations de solvabilité étant mathématiquement en train de se dégrader, et menaçant de passer sous les critères européens, les banques italiennes pourraient donc bénéficier d’une période de clémence pour solidifier leur structure.

Dossier politiquement chaud

Un problème qui sera donc réglé par l’initiative politique au niveau européen, sous la surveillance étroite de l’italien Mario Draghi, patron de la BCE. Ce dernier, en lançant son plan de rachats d’actifs, a déjà bien contribué à alléger le bilan des banques italiennes des obligations qui pesaient sur leurs comptes.

Mais toute initiative supplémentaire devra être approuvée par la BCE, et celle-ci risque de faire grincer des dents au niveau européen, notamment du côté de la très orthodoxe Allemagne.

Antoine Larigaudrie