BFM Patrimoine
Placements

Le Qatar menacé par une crise financière

Confrontée en ce moment à une trop forte croissance de son activité de crédit, l'économie du Qatar risque de souffrir ces prochaines années face à la montée des risques.

Confrontée en ce moment à une trop forte croissance de son activité de crédit, l'économie du Qatar risque de souffrir ces prochaines années face à la montée des risques. - INDRANIL MUKHERJEE - AFP

"En misant sur l'après-pétrole, le très fortuné Émirat a laissé grossir une bulle de crédit qui peut exploser à tout moment. Certains économistes tirent la sonnette d’alarme."

Le plus grand banquier du Golfe est peut-être en train de craquer. C’est la conviction de plusieurs analystes, dont ceux de Global Advisors, qui s’inquiètent dans une note de la fragilité de la situation financière de l’Émirat.

Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette situation alarmante rien à voir avec les cours actuels du pétrole, qui fragilisent, sur le plan budgétaire, d'autres États du Koweït ou en Arabie Saoudite.

Une faible exposition aux cours du brut...

Le Qatar est avant tout producteur et exportateur de gaz, dont les cours sont certes liés à ceux des hydrocarbures, mais avec des problématiques différentes. Et surtout, il n’a pas, contrairement à ses voisins, sur-subventionné son pétrole.

Selon les analystes de Global Advisors, seuls 0,6% de son PIB annuel. 1,2 milliard de dollars environ sont consacrés aux subventions sur l’essence. De ce point de vue, le riche Émirat apparaît comme le pays plus solide de l’OPEP au regard de sa dépendance budgétaire aux cours du pétrole.

...mais une croissance galopante du crédit

Le problème de cet État est d'une nature bien plus complexe. Depuis plus de cinq ans, le Qatar a entrepris une vaste mutation pour passer dans l’ère de l’après-pétrole: investissements tous azimuts dans la recherche, l’innovation, le sport (via le PSG ou encore ses dépenses somptuaires pour le Mondial de Football 2022), la médecine, l’immobilier dans les grandes capitales mondiales…

Sauf que ces énormes investissements se sont appuyés sur une florissante activité de crédit. Le Qatar est ainsi devenu "Le Banquier du Golfe". Et les encours de crédit de ses banques frisent désormais l’équivalent de 110% de son PIB (hors pétrole) contre 70% en 2006 !

Un "niveau de stress" largement dépassé

Une frénésie de crédits que le Qatar pourrait payer au prix fort. Les analystes de Global Advisors citent plusieurs risques clairement identifiés et plutôt inquiétants. Les encours de crédit progressent à une cadence difficilement soutenable pour n’importe quel pays, y compris ceux qui figurent parmi les plus solides, avec une croissance moyenne de 15% par an. Pour mémoire, le FMI rappelle qu’un rythme de croissance supérieur à 3% peut constituer une situation de "stress"…

L'autre talon d'Achille du Qatar, c'est son marché immobilier, très lié au secteur bancaire, qui connaît lui aussi une croissance bien trop importante. Les prix ont doublé en seulement quatre ans. Une situation de bulle, qui si elle explose, pourrait faire exploser dans le sillage les banques, via une chute de la valeur de leurs crédits.

Enfin, 30% de la dette bancaire du pays est financée par des institutions étrangères. Une vraie menace, car en cas de panne de croissance ou de crise bancaire ou immobilière au Qatar, on pourrait assister à une fuite de capitaux absolument massive.

Une période difficile débute

A titre de comparaison, les Emirats Arabes Unis, qui ont connu une crise financière très sérieuse en 2009, avaient à ce moment-là le quart de leur dette bancaire détenue par des investisseurs étrangers.

Global Advisors dans son étude estime qu’une crise bancaire systémique au Qatar n’est pas à l’ordre du jour. Mais ses analystes mettent en garde: le pays entre certainement dans une période de "Deleveraging", où les investisseurs vont réduire leur exposition à d’éventuels risques. Les taux de croissance sont trop importants et difficilement soutenable.

Et une rationalisation des investissements risque d’être d’autant plus difficile à surmonter que la période est peu propice aux économies exposées au pétrole.

Antoine Larigaudrie