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La dette allemande passe pour la première fois en territoire négatif

"Pour la première fois dans l’histoire des marchés financiers, il faut payer une petite prime pour acheter de la dette allemande à 10 ans. Une situation qui illustre l'inquiétude des investisseurs, stressés notamment par le risque de Brexit."

Cela faisait plusieurs jours que les marchés l’avaient anticipé, mais le chiffre reste spectaculaire. 0,04% hier, puis 0,02%, 0,019 encore ce mardi très tôt dans la matinée… Puis une plongée à zéro vers 8 heures et en-dessous après l’ouverture des marchés actions. Depuis plusieurs jours, le marché fait pression pour que la dette allemande à 10 ans passe en taux négatifs.

C’est désormais le cas, et le Bund allemand rejoint ainsi la dette à 5 ans du pays, la dette à 10 ans suisse mais aussi les obligations Nestlé de même durée, ainsi que les dettes d’État japonaises à 5, 10, 15 et même désormais 30 ans.

A la recherche de valeurs sûres

Autrement dit, pour acheter de la dette allemande, il faut désormais payer une petite prime. C’est avant tout le résultat de la politique monétaire de la BCE, qui depuis des mois, rachète des obligations d’État, et désormais d’entreprises, pour maintenir les taux au plus bas niveau possible.

Mais la conséquence de tout cela, c’est que les obligations des pays jugés les plus solides -Allemagne et Suisse en tête- deviennent les produits financiers les plus demandés du moment. Le rendement des obligations évoluant en sens inverse des prix, plus le cours de l’obligation augmente, plus le taux d’intérêt descend. Jusqu’à devenir négatif dans le cas présent.

Craintes d’un Brexit

Cette situation sans précédent s’explique aussi par les énormes incertitudes du moment sur les marchés financiers. La plus pressante étant sans aucun doute l’a perspective d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. A une dizaine de jours du scrutin, les sondages plus ou moins officiels et les cotes des bookmakers sont scrutées de près, et le sentiment général sur les marchés, pour l’heure, est que les camps du maintien et la sortie sont au coude-à-coude, avec un léger avantage pour les partisans d’un Brexit.

Une hypothèse qui tranche avec le sentiment de ces dernières semaines, qui semblait largement en faveur d’un maintien du pays au sein de l’Union. Et pour le moment, les conséquences économiques d’un Brexit restent totalement imprévisibles.

Incertitudes à la Fed

L’autre source de pression sur les marchés provient de l’imminence de la réunion du comité de politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine. Elle a débuté ce mardi et se termine mercredi. Les gouverneurs devront prendre une décision sur les taux directeurs, et dire s’il est temps de les relever ou non.

Après plusieurs revirements ces derniers mois, la Fed a conclu qu’il était temps de les remonter, avec une économie américaine en amélioration constante et une situation générale un peu moins floue. Mais des menaces persistent autour de la croissance mondiale, qui pourraient avoir un impact sur l’activité aux États-Unis. Et un éventuel Brexit fait partie de ces menaces.

Une inconnue de plus

Du coup la Fed devrait laisser ses taux inchangés demain soir. Seuls 5% des économistes interrogés ces derniers temps parient sur un relèvement. Ils estiment que la fenêtre de tir sera sans doute plus favorable fin juillet, ou au cours du mois de septembre.

Mais ces hésitations de la Fed provoquent de grosses incertitudes sur les marchés, qui, en réaction, cherchent à placer leur cash sur des actifs surs, des valeurs-refuge, même si pour cela il leur faut accepter des rendements négatifs.

Menace structurelle

Tous les indicateurs du moment, le niveau des indices boursiers européens, la mesure de la volatilité ou les cours de l’or (1280 dollars, à 10 dollars seulement des records annuels), prouvent que le marché revient à ses préoccupations de fin février, où l’angoisse autour de la croissance chinoise et de la conjoncture mondiale était à son comble.

Ces taux négatifs sur la dette allemande à 10 ans, la valeur la plus sûre de la Zone euro, prouve que ces incertitudes autour d’un éventuel Brexit constituent une menace structurelle pour l’ensemble des intervenants des marchés financiers. Désormais le montant total des obligations assorties d'un rendement négatif dépasse les 8.500 milliards de dollars à travers la planète.

Antoine Larigaudrie