(BFM Bourse) - Eurazeo a soldé sa participation dans Moncler. En huit ans, la société d'investissement a presque quintuplé sa mise de départ sur le fabricant de doudounes, désormais prisées dans le monde entier, empochant 1,4 milliard d'euros au total. L'entreprise poursuit par ailleurs la rotation de ses actifs en participant à la nouvelle levée de fonds de Doctolib.

Avec la vente de ses derniers titres du fabricant de doudounes Moncler, la société d'investissement française Eurazeo clôt en beauté l'un de ses plus remarquables investissements. "Cela a été un honneur et une joie d’accélérer le développement de Moncler", a souligné la présidente d'Eurazeo, Virginie Morgon, qui a d'ailleurs accepté à titre personnel de demeurer au conseil d'administration du manufacturier italien, témoignant de la vigueur des liens noués entre les deux équipes.

Eurazeo a ainsi cédé par placement privé auprès d’investisseurs institutionnels les 12,2 millions d'actions Moncler (environ 4,8% du capital) qui lui restaient, pour un total d’environ 445 millions d’euros.

Cela porte à 1,4 milliard d'euros le produit total engrangé par Eurazeo sur l'intégralité des ventes de ses actions Moncler depuis son arrivée au capital. En huit ans, la firme a multiplié son investissement initial par 4,8, soit un TRI (taux de rentabilité interne) de 43% par an... Sur l'ultime cession, le multiple est même proche de 10 fois !

En redressement judiciaire dans les années 1990

Il s'agit de l'opération la plus fructueuses d'Eurazeo au cours des dernières années, devant son investissement dans Asmodée (éditeur de Dobble, Jungle Speed ou encore Les Aventuriers du Rail) et celui dans Vignal Lighting Group. Eurazeo avait remporté quatre fois sa mise sur le leader européen de la distribution de jeux de société et de jeux de cartes à collectionner et 2,8 fois celle sur le leader mondial des éclairages pour les véhicules industriels et commerciaux.

Fondée à Monestier-de-Clermont en 1952, Moncler a fait connaître ses vestes en duvet d'oie en équipant diverses expéditions d'alpinistes ou d'explorateurs, puis l'équipe de France de ski à partir des JO de Grenoble en 1968. A partir des années 1980, Moncler flirte davantage avec la mode, mais d'autres marques à l'image de Chevignon s'engouffrent dans ce créneau. Placée en redressement judiciaire dans les années 1990, Moncler est rachetée par un groupe italien. Remo Ruffini en devient directeur artistique en 1998, avant de racheter l'entreprise en 2003, bien décidé à la repositionner dans le haut-de-gamme, notamment via des collaborations avec des designers de renom.

C'est d'abord sur Carlyle que Remo Ruffini a cherché à s'appuyer pour développer Moncler à l'international. Le fonds américain acquiert 48% des parts en octobre 2008. Dès 2011, Carlyle tente de valoriser son investissement via une introduction en Bourse, mais la crise financière liée notamment à la dette des pays de la périphérie européenne fait échec au projet. En juin 2011, Carlyle revend donc la majorité de ses parts (63%) à Eurazeo et ses co-investisseurs, qui avancent 418 millions d'euros pour 45% du capital (dont 290 millions d'euros de la part d'Eurazeo).

Multiplication des points de vente

Plus solidement structurée et bénéficiant d'une accélération supplémentaire, Moncler arrive en Bourse en décembre 2013, à un prix de 10,20 euros par action. L'ouverture du capital permet déjà à Eurazeo de récolter environ 270 millions d’euros, pratiquement sa mise initiale, tout en conservant une participation résiduelle de 19,71% à rentabiliser au fil du temps.

Au cours de ces huit années, le soutien d'Eurazeo a permis à la marque de développer de nouvelles collections alliant élégance et technique et se diversifier via de nouvelles lignes de vêtements et d'accessoires. Le groupe a surtout a redéfini sa stratégie de distribution, passant de 60 à 193 points de vente en propre, plus 55 corners à sa marque, jusqu'à vendre en direct les trois quarts de la production désormais. Enfin, Moncler s'est largement internationalisé - y compris dans des villes à climat chaud comme Hong Kong, Miami, Los Angeles et Cannes. "La vision à long terme d'Eurazeo, sa vision stratégique très claire et son rayonnement international nous ont été d'une grande valeur", a souligné Remo Ruffini.

Dans le même temps, le chiffre d’affaires a progressé de 280 millions en 2010 à 1,4 milliard d’euros l'an dernier. L’Ebitda a progressé de 91 millions en 2010 à 500 millions. Et depuis l'IPO, Moncler a vu sa capitalisation quasiment tripler en cinq ans, jusqu'à dépasser la barre de 10 milliards d'euros, permettant à Eurazeo d'écrêter sa participation dans d'excellentes conditions.

Le même succès avec Dotcolib ?

L'un des futurs succès du groupe pourrait être Doctolib, leader européen de la prise de rendez-vous médicaux en ligne, qui vise à doubler de taille dans les trois prochaines années, avec de fortes ambitions sur le marché de la téléconsultation, un marché balbutiant appelé à progresser considérablement dans les prochaines années dans un contexte de désertification médicale.

En marge de sa sortie de Moncler, le groupe, actionnaire de Doctolib depuis novembre 2017, a en effet annoncé sa participation à une nouvelle levée de fonds du site médical. Via Eurazeo Growth, l'entreprise a apporté 55 millions d'euros sur un total de 150 millions. Doctolib utilisera ces fonds pour poursuivre ses investissements en France et en Allemagne, accélérer le déploiement de son service de téléconsultation et s’implanter dans de nouveaux pays.