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Les banquiers privés bientôt remplacés par des robots?

Les géstionnaires de patrimoine vont-ils devoir changer de métier ou de voie face à l'emergence de la robotique de gestion bancaire ?

Les géstionnaires de patrimoine vont-ils devoir changer de métier ou de voie face à l'emergence de la robotique de gestion bancaire ? - -

Nouvelle étape dans l’automatisation des services bancaires. L’Amérique commence à constater l’émergence d’une nouvelle classe d’acteurs de la gestion privée, qui font la part belle à l’informatique pour réduire les frais et séduire une plus large clientèle… quitte à se passer de conseillers humains!

L’intelligence artificielle risque-t-elle aussi de mettre les gestionnaires de patrimoine au chômage? En grossissant un peu le trait, c’est la question qu’on peut se poser au vu de ce qui est en train de se passer aux Etats Unis en ce moment dans le domaine de la gestion privée, l’activité bancaire destinée aux clients fortunés qui veulent faire fructifier leur patrimoine.

Une étude de la banque d’affaires Goldman Sachs met en lumière l’émergence du phénomène qui n’en est qu’à ses débuts. Même si les Merrill Lynch, UBS ou Morgan Stanley dominent encore largement le monde de la banque privée, qui représente 1.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, de nouveaux concurrents, compétitifs et agressifs, sont apparus.

Les « Start Up » de la banque privée

Ils sont là pour séduire une classe particulière de la population américaine, ceux qu’on appelle les "HENRY" : High Earnings, Not Rich Yet. Comprenez "Gros salaire, mais pas encore tout à fait riche". Ces deniers, majoritairement de jeunes actifs urbains, sortent de la classe moyenne haute, mais ne sont pas encore tout à fait la cible des grosses banques privés, qui gèrent généralement de grosses fortunes patrimoniales, industrielles, familiales, ou celle des banquiers et traders de Wall Street.

Parmi ces véritables start-up de la gestion de fortune, quelques noms qui commencent à émerger comme des acteurs majeurs de cette sorte de segment "Banque Privée-Low Cost", comme Wealthfront, FutureAdvisor, Betterment ou Personal Capital.

Place au robot-gestionnaire !

Leur point commun: des performances comparables aux majors de l’industrie, et des frais de gestion très peu élevés, de 1%, au grand maximum, à... 0,15% pour Betterment! Très très loin des commissions que prélèvent les grands gestionnaires traditionnels.

Alors quel est leur secret? Encore une fois, l’informatique! Même si ces sociétés ont des stratèges et des économistes qui fixent de grandes lignes directrices, c’est un robot qui va décider de la pondération du portefeuille, des actifs à acheter ou à vendre et en quelle quantité, en fonction de la configuration de marché, de la conjoncture, et de la stratégie choisie par le client.

Clientèles en pleine expansion

Autrement dit, le client place son argent, et peut éventuellement commander (via PC, tablette ou smartphone) au robot qui gère son compte de changer de stratégie, de prendre telle ou telle décision… Il peut également laisser le robot décider tout seul, en ayant la certitude qu’il suivra le scénario qu’on lui aura programmé. L'automate vous prévient si les données changes et peut demander des suggestions d’arbitrages, ou pas… Bref, tout est automatique et connecté, simple, proactif et intuitif, et donc… Plus besoin de conseiller de gestion!

Le métier est-il pour autant en danger ? Certes non, en tout cas pas pour le moment. Mais le phénomène a de quoi inquiéter les grosses banques privées traditionnelles. Parce que cette clientèle des HENRY est en pleine expansion. Elle ne représente pas encore ce qui pourrait ressembler à une cheville ouvrière de l’industrie, mais c’est un marché qui s’ouvre, que tout le monde s’arrache, et qui va être structurellement compliqué à capter pour les anciennes maisons.

Performances équivalentes

Déjà parce que les réflexes sont déjà pris, que les prix sont fixés, et qu’il paraît difficile d’imposer à cette clientèle des frais de gestion beaucoup plus élevés, même en les justifiant par l’excellence du service rendu et du conseiller qui va s’occuper d’eux. Car globalement, même si l’évaluation des performances de ce genre de sociétés est difficile (les critères d’évaluation sont à déterminer), les ordinateurs font tout aussi bien fructifier le patrimoine des gens que le meilleur des conseiller.

Et cette clientèle aura toujours plus à cœur de ne pas payer trop cher en retirant des rendements honorables, que d’enrichir un gestionnaire traditionnel, aussi hautes soient ses compétences. Surtout que les performances de la banque privée, tout comme celle des hedge funds, ont été ternes ces dernières années. Pour ne pas dire plus.

Des robots partout!

D’où une question claire si on élargit le sujet: l’informatique et les robots ne sont-ils pas en train de tuer plusieurs métiers-clé du secteur bancaire? On a déjà vu le succès assez net en Europe des banques en ligne, sans agence, qui séduisent des clientèles spécifiques, mais là aussi, en forte expansion.

On a même vu ces derniers jours la banque japonaise Mizuho mettre des robots dans ses agences, de vrais conseillers-clientèle chargés de renseigner et de rendre service aux clients…

Quand l’humain doit justifier sa valeur ajoutée!

On a vu que le mois prochain, Bridgewater va mettre en route le premier fond d’arbitrage entièrement géré, de A à Z, stratégie et exécution, par une intelligence artificielle.

Même si, encore une fois, ces expériences restent ponctuelles, dans tout un tas de métiers de la banque, de la gestion et des marchés, l’humain va devoir plus que jamais prouver et justifier sa plus-value, face aux progrès prodigieux de l’intelligence artificielle, de l’informatique et de la robotique.

Antoine Larigaudrie