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Les bourses en déroute: 5 questions pour tout comprendre

DECRYPTAGE - L'ensemble des bourses mondiales a plongé ce lundi. Depuis plusieurs jours les cours chutent en raison des incertitudes liées à l'économie chinoise. Voici cinq questions pour y voir plus clair dans ce chaos financier.

L'expression a peut-être tendance à être trop usitée. Mais l'ensemble des Bourses mondiales connaissent bel et bien un lundi noir, ce 24 août. Les marchés asiatiques ont ainsi clôturé en très forte baisse (-8,5% pour Shanghai par exemple). La Bourse de Paris, qui a même perdu 8% vers 15 heures, a finalement clôturé en baisse de 5,35%, à moins de 4.400 points. Les bourses européennes ont également fortement chuté, d'au moins 4%. Cette tempête boursière a pour point de départ la macroéconomie et plus précisément les craintes entourant la croissance chinoise.

Pour y voir plus clair BFMbusiness.com vous propose un décryptage en cinq questions.

>> Quelle est l'origine de cette crise financière?

Ce sont les doutes sur la croissance chinoise qui sont à l'épicentre de ce séisme "avec un ensemble de mauvais indicateurs témoignant d'un ralentissement marqué de l'économie", relève Claude Meyer professeur à PFIA-Sciences Po et conseiller à l'IFRI. "A l'arrière-plan, on a ainsi une chute des exportations, des importations, ainsi qu'une baisse des investissements et de la consommation qui montrent que l'objectif du gouvernement n'est pas au rendez-vous", détaille l'économiste.

Depuis maintenant plusieurs années, Pékin tente en effet de changer son orientation économique en passant d'un PIB tiré par les exportations et l'investissement à une croissance dont les locomotives sont la consommation et les services.

Ces inquiétudes ont ainsi causé l'actuel mouvement de baisse sur les marchés chinois qui ont perdu environ 40% depuis juin. Comme le souligne Claude Meyer il s'agit "d'un mouvement de correction brutal, les marchés chinois ayant pris environ 150% entre fin 2014 et juin 2015". Une brutalité due au fait "qu'autour de 80% des intervenants du marché chinois sont des particuliers qui ont des comportements moutonniers" poursuit-il.

Pékin a sa part de responsabilité dans cet emballement. "Les autorités chinoises ont réussi à contenir et dégonfler la bulle immobilière chinoise. Mais du coup l'un des investissements préférés des ménages chinois a été bouché et un certain nombre d'entre eux se sont reportés sur la Bourse", explique Claude Meyer.

En plus de cela, les particuliers ont eu des incitations notamment fiscales pour investir sur les marchés actions, le gouvernement souhaitant que la Bourse remplisse son rôle qui est de financer des entreprises.

La chute des marchés chinois s'est ensuite accentuée lorsque Pékin a dévalué plusieurs fois le yuan, fin juillet. "C'est le vrai déclencheur", considère Guillaume Tresca, stratégiste marché émergents chez Crédit Agricole CIB. Elle s'est également propagée à l'ensemble des marchés émergents car, note Guillaume Tresca, "des questions entourent le modèle économique de ces pays qui, en moyenne, affiche des croissances de 2 points en deçà de la période pré-Lehman Brothers".

Avec en ligne de mire un vrai sujet de préoccupation pour les investisseurs: le relèvement des taux de la Fed qui incarne "un risque pour ces pays puisque ceux-ci empruntent en dollars". La défiance générale sur ces marchés a également plombé par ricochet l'ensemble des autres indices américains et européens.

>> La situation est-elle comparable à 2008?

Elle est totalement différente. D'abord cette crise boursière a pour origine des causes macroéconomiques liées aux pays émergents. Celle de 2008 partait a contrario de l'effondrement d'une banque dite "systémique", c'est-à-dire que la chute de cette banque menaçait l'ensemble du système économique.

Par ailleurs l'ampleur de cette crise est très différente. Celle de 2008 avait donné lieu à de véritables krach. Du temps de Lehman Brothers, le CAC40 avait multiplié les très fortes baisses (-9% le 6 octobre 2008 par exemple). Ce lundi, l'indice phare de la Bourse parisienne a perdu jusqu'à plus de 8% en séance, et un peu plus de 13,5% sur cinq jours. Une correction sévère, mais pas aussi violente que ce que le marché a connu en 2008. Du moins pour le moment.

>> Ce plongeon boursier peut-il menacer la reprise?

"Il est difficile de tirer des conclusions claires de ce mouvement", répond Christophe Blot économiste à l'OFCE. Selon lui, "si le mouvement est brutal sur du court terme, ce n'est pas une chute brutale sur une semaine qui va avoir des effets".

"La question est de voir l'ampleur du ralentissement de la croissance en Chine et des pays émergents. Et savoir si cette chute (boursière, ndlr) se poursuit et témoigne alors d'une perte de confiance sur les pays développés", poursuit-il.

Par ailleurs cette chute des marchés actions s'accompagne d'autres effets favorables (chute des matières, comme le pétrole) ou défavorables (renchérissement de l'euro qui a franchi les 1,17 dollar ce jeudi). Il est donc encore trop tôt pour savoir si la chute des marchés va réellement fragiliser la reprise déjà molle en zone euro.

>> Que peut faire le gouvernement chinois?

Comme le souligne Claude Meyer "les autorités n'ont pas jusqu'à présent été inactives". "Récemment elles ont encore demandé aux caisses de retraite d'utiliser 30% de leurs réserves pour les investir dans les marchés actions".

Mais jusque-là le succès n'a pas été aux rendez-vous. Il n'empêche que les autorités chinoises "ont toujours des marges de manœuvre, leur objectif étant d'arriver à 7% de croissance, ce qui reste atteignable", explique Guillaume Tresca.

"Elles peuvent mener des plans de relance, annoncer un programme d'investissements, poursuivre la politique monétaire en baissant les taux réserves obligatoires des banques pour relancer le crédit ou encore soutenir le marché actions en obligeant les fonds chinois à investir dans certains titres", détaille-t-il.

Tout le problème est que le gouvernement a déjà beaucoup agi et risque donc de freiner cet interventionnisme "qui va a contrario de ce que devrait être l'évolution de l'économie chinoise où le marché devrait tout régler", souligne Claude Meyer. Ainsi, "la semaine dernière on a cru comprendre que le pouvoir n'interviendrait pas sur une base quotidienne".

Pour Guillaume Tresca plus qu'une volonté de limiter la baisse des marchés, Pékin pourrait davantage "l'accompagner". Jusqu'à un certain point. "Les particuliers chinois qui investissent sur les marchés sont de vrais joueurs qui sont également très endettés. Au bout d'un moment une baisse des marchés se traduit par un effet d'appauvrissement pour eux" qui peut ensuite se répercuter sur l'économie chinoise.

>> Pourquoi le cours de l'or -valeur refuge par excellence- ne s'envole pas?

En fait l'or joue ce rôle sauf qu'il n'est pas encore très visible. Benjamin Louvet, directeur général délégué chez Prim'Finance rappelle ainsi que début août l'once d'or cotait à 1.094 dollars contre 1.165 dollars fin de la semaine dernière. En un peu plus d'un mois et demi, l'or a ainsi gagné 7% quand les marchés ont eux accusé des chutes de plus de 10%.

Mais l'or pâtit aussi de la tendance à la baisse qui concerne l'ensemble des matières premières. En raison justement des doutes sur la croissance chinoise, les cours de ces matières ont chuté. Les investisseurs ont ainsi retiré leurs billes. "Mais ils ne l'ont pas fait uniquement sur le cuivre, le zinc et le pétrole mais sur un panier de matières premières dont fait partie l'or. Il y ainsi eu une sortie de flux importante de la part des investisseurs", commente Benjamin Louvet.

Cet effet est arrivé à son terme selon ce dernier et le rôle de valeur refuge de l'or devrait s'accentuer si la crise perdure.

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