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Les entreprises doivent-elles jouer leur survie pour briller en bourse?

Une entreprise cotée ne donnera le meilleur de sa performance boursière, qu'après avoir été confrontée à un risque de mort imminente, démontre la dernière étude d'Harvard Business.

Une entreprise cotée ne donnera le meilleur de sa performance boursière, qu'après avoir été confrontée à un risque de mort imminente, démontre la dernière étude d'Harvard Business. - Boris Roessler - DPA - AFP

"Réalité implacable révélée par un article de la prestigieuse Harvard Business Review, sur 30 des meilleures performances boursières de tous les temps à la Bourse américaine, 30 sont passées à deux doigts de la disparition!"

Pour arriver au firmament, il faut d’abord goûter aux abîmes… Tel semble être un principe constant de la Bourse américaine. Mais il est clair que pour dégager les meilleures performances, beaucoup d’entreprises cotées sont déjà obligées de passer par les pires crises existentielles.

Une étude de la Harvard Business Review note que les plus fortes hausses historiques en bourse à Wall Street sont signées par des entreprises qui sont passées par les pires dégringolades, voire la faillite pure et simple, avant que les investisseurs se remettent à parier sur le long terme sur une renaissance.

Confrontation à des changements radicaux

Le portrait-robot de ces entreprises: souvent des noms peu clinquants. Il faut oublier les Google, Facebook ou Apple. Les performances de long terme les plus impressionnantes sont signées par des sociétés issues de secteurs bien plus humbles, industriels, traditionnels.

Et, point commun aux 30 des meilleures performances de tous les temps: la capacité à résister au pire. "Pas à des phases de croissance molle ou à des échecs commerciaux, même retentissants", précise la Harvard Business Review. "Mais des changements d’environnement absolument radicaux, voire à un danger de mort imminente".

Balchem, un cas d’école

Le meilleur score de tous les temps à Wall Street est signé par Balchem Corp. +107.000% depuis son introduction en 1985! Balchem est à l’origine une modeste société, qui met au point des additifs alimentaires, principalement pour l’alimentation animale.

Et le tournant de son histoire boursière, Balchem va le vivre fin 2011. Le groupe mise tout sur le rachat d’une compagnie spécialisée dans les enrobages, persuadée de tenir LA pépite qui va lui permettre de devenir imbattable dans le secteur.

Doutes existentiels 

L’opération est totalement décriée par le marché, pour qui le pari est totalement inconsidéré et bien trop coûteux. Le titre est massacré en bourse, et subit une dégringolade de 53% en moins d’un an. À tel point que Balchem s’est longuement interrogé sur le bien-fondé de sa décision.

L’impact sur les comptes du groupe est extrêmement fort. Le groupe va subir une dégradation rapide de sa situation financière, et une vague de défiance, à tel point que les investisseurs doutent de sa capacité de survie. Mais le management, sûr de sa décision et de sa stratégie, tient bon.

"Embrasser le changement" 

Stratégie payante, puisque après cet accident boursier, le titre a doublé de valeur! Et une belle leçon pour l’ensemble de la communauté financière: traverser les pires des épreuves existentielles est un vrai gage de performance boursière.

Et la revue remarque que "ces cas ne sont pas le reflet d’une simple ambition de start-upper épaulé par des financiers ingénieux. De tels cas sont surtout à mettre au crédit d’entreprises menées par des vrais stratèges, entrepreneurs et hommes d’affaires qui n’auront pas hésité à embrasser le changement, quitte à totalement changer leur modèle économique." 

De Xerox… à Levi’s!

Et Harvard Business Review de saluer des performances exceptionnelles et des cas de figure similaires chez Xerox, les laboratoires Roche, la banque Citigroup après la crise financière de 2008, ou même les jeans Levi’s!

Car si on y réfléchit bien, tous ces groupes ont dû affronter chacun à leur niveau un changement radical de leur environnement économique et de leur métier.

Le paradoxe de l’innovation

Et à chaque fois, ils ont non seulement réussi à s’adapter, mais en sont sortis renforcés et en position de leader, ce qui s’est toujours traduit par de fulgurantes performances boursières.

"En matière d’innovation" dit l’étude de Harvard, "chaque nouvelle grande tendance peut soit servir de tremplin, soit briser les structures les plus solides".

Retour de balancier boursier

"Et c’est le cas si jamais l’ensemble de l’expérience accumulée par des années de business empêche les entreprises d’évoluer correctement." Comme quoi, parfois, l’expertise et le statut de spécialiste peuvent même devenir paradoxalement un ennemi de l’innovation, et un frein à la prise de risques utiles.

Et parfois la Bourse est si cruelle à sanctionner l’audace, les paris sur le futur, la disruption, qu’elle est sans aucun état d’âme capable de reconnaître qu’elle a eu tort, en faisant remonter au pinacle une société en bourse.

Le prix à payer

Et la remontée boursière est généralement d'autant plus fulgurante que les boursiers auront cherché à la mettre à terre. Un retour de balancier gagnant pour tout le monde.

Mais une chose est sûre, conclut l’étude: "La prospérité sur le long terme passe souvent par la confrontation à des défis existentiels, voire au risque de mort économique." Une vraie leçon de management, de patience et de sang-froid pour qui veut durer en bourse…

Antoine Larigaudrie