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Les géants de l'audit KPMG et PwC paient très cher leurs "erreurs"

KPMG vient d'être condambée à verser la plus grosse amende jamais infligée à un auditeur.

KPMG vient d'être condambée à verser la plus grosse amende jamais infligée à un auditeur. - Sam Mircovich - Reuters

KPMG et PwC, deux des "big four", ces géants de l'audit qui certifient les comptes de la plupart des multinationales, ont été condamnés à payer des millions de dollars d'amendes pour manquements grossiers.

L'affaire rappelle celle d'Enron, qui avait entraîné dans sa chute son auditeur, le cabinet Andersen. Deux géants mondiaux de l'audit, KPMG et PwC, viennent de se faire sévèrement taper sur les doigts par les autorités américaines et britanniques pour avoir certifié des comptes de sociétés pourtant grossièrement falsifiés. Les deux cabinets, membres du "big four" avec Deloitte et EY, ont chacun été condamnés à de lourdes amendes.

Côté américain, KPMG ne reconnaît pas les faits, mais vient de trouver un accord avec le gendarme boursier, la SEC. Il lui en coûtera 6,2 millions de dollars pour éviter le procès. La plus grosse amende jamais infligée à un "certificateur"!

Ces chiffres "auraient dû soulever des doutes sérieux"

Les autorités américaines lui reprochent d'avoir largement surévalué en 2011 les actifs de Miller Energy Resources, une compagnie pétrolière et gazière. En l'occurrence, des champs pétroliers en Alaska, rachetés en 2009 à un concurrent en faillite. À l'époque, personne n'en veut, et Miller Energy Resources les reprend pour 2,5 millions de dollars. L'année suivante, dans ses comptes, l'entreprise estime la valeur de ces champs à… 400 millions de dollars.

Ces chiffres "auraient dû soulever des doutes sérieux" du côté des auditeurs, a déclaré le gendarme américain de la Bourse. "KPMG a échoué à comprendre comment les actifs pétroliers et gaziers avaient été évaluées, laissant les investisseurs mal informés sur le fait que ce qui avait été acheté pour moins de 5 millions de dollars valait un demi-milliard de dollars". Cette estimation très exagérée avait permis à Miller Energy Resources de s'introduire à la Bourse de New York, avant d'être à nouveau mise en cause pour falsification de ses comptes en 2015.

Sale période pour les "big four"

Côté Grande-Bretagne, là encore, une punition d'une ampleur inédite: PwC devra s'acquitter de 5,1 millions de livres d'amende, et l'associé en charge du dossier de 100.000 livres, après avoir chacun reconnu leur faute. Tous deux ont été sévèrement réprimandés par l'équivalent britannique de la SEC, le Financial Reporting Council, pour faute lors de la vérification des comptes de l'entreprise de services RSM Tenon Group, encore en 2011.

Décidément, les stars de l'audit traversent une période de défiance. Il y a quelques mois, le gendarme britannique des marchés avait publié un rapport accablant pour KPMG, Deloitte et Grand Thornton, tous trois accusés de réaliser des audits médiocres. Chaque année, les 4 géants perdent des places dans le classement des entreprises les plus attractives. S'y ajoutent dernièrement la bourde mortifiante de PwC aux Oscars et la mise à l'amende d'EY pour les relations trop intimes de ses auditeurs avec des directeurs financiers d'entreprises clientes.

Un risque moindre en France

En France, où les "big four" pesaient 70% du marché de la certification des comptes en 2015, de tels manquements ont à priori moins de chances d'avoir cours. L'Autorité des marchés financiers imposent en effet aux entreprises de droit français une double certification de leurs comptes, réalisée donc par deux cabinets différents. Mais les risques de falsification ne sont pas inexistants pour autant.

"Tant que les auditeurs seront payés par les sociétés, quand bien même ils seraient plusieurs, se posera un problème de déontologie", affirme ce spécialiste du conseil aux actionnaires. Parce que le système qui a cours dans le monde entier crée une interdépendance potentiellement dangereuse entre "le cabinet qui a besoin de l'entreprise pour exister, et l'entreprise qui a besoin du cabinet pour valider ses comptes".

Nina Godart